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« Désolé, je… »

Umbo lui posa la main sur l’épaule. « Ton père n’est pas mort, dit-il.

— Une machine, dit Rigg au sacrifiable, refrénant ses sanglots. J’aurais dû comprendre. Vous n’avez pas de trace ! Ni vous ni Père. »

Param lui sourit. « On dirait que toi aussi, tu as été élevé par un monstre qui prétendait être ton père. »

Rigg lui retourna son sourire tout en séchant ses larmes. « Encore un point commun.

— Le sacrifiable que vous appeliez “Père” n’a rien d’un monstre, précisa le sacrifiable. C’est un serviteur de la race humaine.

— Il n’a pas passé un jour sans me mentir, bougonna Rigg.

— À Param et à moi aussi ! s’emporta Umbo.

— Il vous a formés et préparés, rectifia le sacrifiable. À devenir les premiers êtres humains à traverser le Mur.

— Si l’on excepte Knosso Sissamik, intervint Olivenko.

— Qui ? demanda le sacrifiable.

— Leur vrai père, poursuivit Olivenko en se tournant vers Param et Rigg. Il a traversé le Mur par la Grande Baie, en état de narcose. »

Le sacrifiable le contredit d’un signe de tête. « Les drogues sont impuissantes face au Mur. Lorsqu’il a atteint l’autre bord, cet homme avait perdu l’usage de ses fonctions cérébrales. » Il marqua une pause. « Le sacrifiable de votre…

— L’Homme en Or, suggéra Param. Ce sera plus simple.

— L’Homme en Or me le confirme. Le règlement a été appliqué à la lettre par le sacrifiable actif de l’autre côté de la baie. Il l’a euthanasié sur-le-champ.

— Euthanaquoi ? s’exclama Umbo.

— Tué, traduisit Olivenko. Assassiné.

— L’homme que vous aviez connu sous le nom de Knosso n’existait plus, continua le sacrifiable. À ce stade, le cerveau reposant dans ce corps humain n’avait plus qu’un désir : mourir. »

Ce fut au tour d’Olivenko de craquer. Miche tenta de le consoler d’une petite tape dans le dos, au moment où il s’effondrait en larmes, le visage dans les mains.

Param regarda le sacrifiable. « Pourquoi vous croirions-nous ?

— Parce que vous êtes les premiers humains à traverser le Mur, répliqua-t-il.

— Et alors ?

— Et alors c’est vous qui commandez, désormais.

— Qui… commandez ? Mais qui ? Et quoi ? le questionna Rigg.

— Moi, précisa le sacrifiable.

— Ce qui signifie ? demanda Umbo.

— Qu’il vous suffit d’ordonner et que je m’exécuterai, dans la limite de mes possibilités.

— C’est insensé, lâcha Param. Il ment. En plus, comment nous obéir à nous tous ? Si on vous donne des instructions contradictoires, vous ferez quoi ?

— Elle n’a pas tort, là, fit observer Miche.

— J’obéis au premier humain à avoir atteint un niveau de technologie suffisante pour traverser le Mur.

— Les deux premiers, c’étaient Param et Umbo, rappela Rigg.

— La première, c’était Param, précisa Umbo. Moi, j’étais là en touriste.

— Non, je ne suis pas d’accord ! s’insurgea Param. On vous a vus traverser en premier, vous trois, avant de sauter du rocher.

— Et comment tu définis “avant” ? » s’enquit Umbo.

Le sacrifiable hésita. Rigg comprit pourquoi : lui et Père étaient en pleine conversation.

« Qui a les pierres ? » finit par demander le sacrifiable.

Rigg se tourna vers Umbo, puis se souvint qu’il les lui avait remises avant la traversée du Mur. Il plongea la main dans son pantalon et en ressortit la sacoche.

« Celles-ci ?

— Dix-neuf pierres ? questionna le sacrifiable en retour.

— Dix-huit », rectifia Rigg en ouvrant la bourse devant lui.

Le sacrifiable se pencha et regarda sans toucher. « Où est la dernière ? Vous ne l’avez pas enchâssée, pourtant.

— Dans un coffre du Conseil révolutionnaire, aux dernières nouvelles. Ou aux mains des sbires du Général Citoyen, l’informa Rigg.

— On avait entrepris d’aller la récupérer, ajouta Umbo. Mais on a dû quitter la ville précipitamment. »

Le sacrifiable opina du chef. « Vous allez en avoir besoin, déclara-t-il. Celle qui manque est à vous.

— Elles ne sont pas toutes à moi ? s’exclama Rigg. Enfin… à nous ?

— Ce que je veux dire, c’est que celle qui manque est celle qui vous permettra de désactiver le Mur qui ceint votre entremur, celui de votre naissance.

— Les pierres désactivent les Murs ? s’étouffa Miche. On avait dans les poches de quoi…

— Tous les autres doivent être désactivés avant le vôtre, vous n’auriez pas pu les utiliser, le consola le sacrifiable. Donc, une fois tous les Murs désactivés, vous retournerez chez vous, récupérerez la pierre manquante et désactiverez le vôtre.

— Et pourquoi on ferait ça ? le questionna Param.

— Pourquoi être passé de ce côté du Mur sinon ? interrogea à son tour le sacrifiable.

— Pour rester en vie », répondit Rigg.

Umbo se pencha en arrière pour voir où en étaient Mère et le Général Citoyen. Ils n’avaient pas quitté leurs selles. « Tu crois qu’ils penseraient à regarder par ici ? pouffa-t-il.

— Pas une seconde, rit Param.

— Derrière Miche et Olivenko, ils ne risquent pas de vous voir », blagua Rigg.

Le sacrifiable fit signe à Rigg de ranger les pierres. « Si je comprends bien, vous ignorez tout des véritables raisons de votre présence ici », reprit le sacrifiable.

Rigg referma la sacoche. « Nous savons parfaitement pourquoi nous sommes ici, au contraire. Ce que nous ignorons, c’est pourquoi vous pensez que nous sommes ici et pourquoi Père – l’Homme en Or – m’a remis ces pierres et nous a poussés vers vous.

— Je crois que nous n’avons plus besoin de vous, décréta Param.

— L’avenir le dira », conclut le sacrifiable. Il se leva et commença à s’éloigner.

« Un instant ! » hurla Miche.

Le sacrifiable poursuivit sa route.

« Qu’est-ce que tu attends ? lança Miche à Rigg. Dis-lui de revenir !

— Attendez ! cria Rigg. Revenez. »

Le sacrifiable fit demi-tour. « Je déteste ça, grommela Rigg alors que le sacrifiable revenait parmi eux. Commander, ce n’est vraiment pas mon truc.

— Si ça peut te consoler, lâcha Umbo, avec nous, tu peux toujours essayer, ça ne servira à rien !

— Nous avons besoin de votre aide pour survivre ici, reprit Rigg. Nous ne parlons pas votre langue.

— Si, lui assura le sacrifiable.

— On n’a rien compris tout à l’heure, quand vous parliez, insista Rigg.

— Toutes les langues jamais parlées dans le monde sont contenues dans le Mur. C’est son seul moyen de communiquer avec vous.

— Le Mur connaît les langues ? tenta de comprendre Rigg.

— Et vous aussi, maintenant que vous l’avez traversé, indiqua le sacrifiable. Elles dorment juste dans un coin de votre cerveau, mais se réveilleront le moment voulu.

— J’ai faim, annonça Miche. Assez parlé.

— Éloignons-nous, ajouta Olivenko. On a assez vu le Général Citoyen et ses clowns comme ça.

— Ce n’est pas fini, fit observer Param. On risque de les croiser à notre retour.

— Et pourquoi on y retournerait ? interrogea Miche.

— Pour aller chercher la dernière pierre, lui rappela Param. Pour désactiver le dernier Mur.

— Parce qu’il faut faire ce qu’ils attendent de nous selon toi ? reprit Rigg.

— Je pense qu’ils ne nous lâcheront pas tant qu’on ne l’aura pas fait, déclara Param. Et que leur soi-disant obéissance est un leurre. Ils vont continuer à nous contrôler comme ils l’ont toujours fait.