Выбрать главу

— L’entremur de Ram n’est pas le plus avancé, confia la voix. Mais votre hypothèse sur ses intentions est correcte.

— Il tenterait le coup, au moins.

— Un rapide calcul de probabilités m’informe qu’il n’irait pas loin.

— Prendre le contrôle des vaisseaux n’est peut-être pas une bonne idée, dans ce cas, en conclut Rigg.

— C’est un choix.

— Quels sont les autres ?

— Le sacrifiable Ram me suggère de laisser cette question en suspens.

— Hein ? Comment ça, le sacrifiable Ram ? »

Rigg recevait confirmation pour la première fois de source fiable que Père n’était pas mort.

« Le sacrifiable Ram suggère de…

— C’est bon, j’ai compris.

— Je le sais.

— Pourquoi Père vous conseille-t-il de laisser ma question en suspens ?

— Parce que vous connaissez déjà la réponse. »

Rigg sentit la moutarde lui monter au nez.

« Nous ne sommes pas dans les bois, là ! Il n’est pas mon père, comme j’ai fini par l’apprendre, et je n’ai pas à me soumettre à son interminable jeu-concours !

— Trois fois correct.

— Alors répondez à ma question : de quels choix est-ce que je dispose ?

— Le sacrifiable Ram suggère de…

— Je les connais, mes choix ! explosa Rigg. Je veux juste m’assurer de n’en avoir omis aucun.

— Je vous écoute. J’aurai plaisir à vous en suggérer d’autres si la liste est incomplète. »

Rigg ravala sa colère.

« Je peux prendre le contrôle des vaisseaux sans pour autant désactiver les Murs. »

La voix attendit la suite.

« Je ne suis pas certain de savoir comment tout cela fonctionne, hésita Rigg. Garderai-je le contrôle de ce vaisseau une fois sorti de la pièce ?

— Vous êtes et restez le commandant du vaisseau, confirma la voix.

— Comment communiquerons-nous ?

— Vous poserez vos questions, j’y répondrai, comme maintenant.

— Même lorsque je serai parti ?

— Tant que vous serez dans le vaisseau, précisa la voix.

— Mais une fois dehors, comment obtenir des informations de vous et des autres vaisseaux ?

— Par le biais des sacrifiables.

— Mais les sacrifiables me mentent !

— Les sacrifiables vous aident à prendre les bonnes décisions.

— Les “bonnes” décisions, ça dépend pour qui.

— Vos connaissances limitées vous interdisent tout jugement en la matière. »

Rigg croyait entendre Père.

« Cette dernière phrase vous a été soufflée par Ram, avouez.

— Il vous connaît mieux que nous, observa la voix. Nous acceptons son conseil pendant cette conversation.

— Donc vous affirmez que je suis aux commandes alors que je ne le suis pas vraiment.

— Vous êtes plus aux commandes que toute autre entité présente à bord, humaine ou autre.

— Ça ne veut rien dire ! “Plus aux commandes” que qui ?

— Le commandement est régulé par un processus constant de négociations et de compromis.

— Est-ce que je fais partie de ce processus, au moins ?

— Vous représentez la variable de plus fort poids dans sa pondération, indiqua la voix.

— Mais j’ignore tout de vos pensées, je ne sais que ce que vous voulez bien me dire !

— Nous partageons ce dilemme, fit remarquer la voix.

— À un détail près : moi, je vous dis le fond de ma pensée !

— Disons que vous nous dévoilez un sous-ensemble d’informations filtrées, puisées dans vos connaissances somme toute sommaires. »

Rigg ferma les yeux.

« En attendant, je continue à évoluer dans un monde façonné par vos informations et dans lequel vous décidez, sans solliciter mon avis, des choses que je dois ou non savoir. En gros, mes choix sont les vôtres.

— Nos mémoires peuvent stocker des quintillions d’informations, la vôtre, beaucoup moins.

— Je comprends votre nécessité de les trier avec soin pour ne pas m’encombrer le cerveau mais ne pourriez-vous pas faire un petit effort ?

— Nous vous sommes utiles, se défendit la voix. Vous êtes toujours en vie, n’est-ce pas ?

— Et Miche se débat avec un crocheface sur la tête !

— Il est vivant, tous les membres de votre groupe le sont et vous êtes maître de ce vaisseau. »

Le suis-je vraiment ? se mit à douter Rigg.

« Je vous ordonne de me dire si les Murs m’obéiront une fois que je serai dehors.

— Insérez les pierres dans la console de commande et attendez confirmation de la soumission des autres vaisseaux. Ensuite, gardez les pierres sur vous et vous commanderez aux Murs comme bon vous semble.

— Même si l’on court au désastre ?

— Un commandant de vaisseau sait assumer ses responsabilités. »

Rigg réfléchit un instant.

« La nature des Murs est-elle modifiable ?

— Un Mur est et reste un Mur. »

Question mal formulée ou réponse définitive ? Rigg préférait retenter le coup autrement.

« Le Mur génère un champ intense. Suis-je en mesure de moduler cette intensité ?

— Oui, confia la voix.

— Le Mur agit de diverses manières. Quiconque le traverse maîtrise les langues, par exemple.

— Il existe un champ limitrophe à celui du Mur, qui stimule le cerveau et le prépare à accepter et produire les phonèmes et morphèmes de toutes les langues parlées dans un entremur.

— Ces langues sont donc contenues dans le Mur.

— Une langue ne peut exister qu’au niveau cérébral chez l’homme. »

Rigg lâcha un soupir de découragement.

« Ce stimulus connexe au Mur prépare le cerveau humain à comprendre et parler n’importe quelle langue de l’entremur aussi sûrement qu’une langue maternelle, reprit-il.

— Oui, confirma le vaisseau.

— Y a-t-il une limite au nombre de langues qu’un humain peut maîtriser ?

— Non.

— Mais le cerveau humain ne peut pas toutes les apprendre !

— Exact », approuva la voix.

Rigg s’apprêtait à exiger un éclaircissement sur ce paradoxe lorsque la présence de Père, dans l’ombre du sacrifiable, se rappela à lui, l’invitant à approfondir seul sa réflexion.

« L’apprentissage d’une langue est un véritable parcours du combattant, énonça-t-il. Sa connaissance, un simple état de fait.

— Il existe une infinité de moyens de créer des langues compréhensibles par le cerveau humain, développa la voix, mais leur apprentissage prend en effet du temps, même chez les nourrissons. Ce qui limite fatalement le nombre de langues assimilables.

— Quid du vocabulaire ? J’ai su d’emblée quels mots employer pour me faire comprendre des femmes sur le champ de bataille.

— Un coup de pouce du champ de stimulation : il pourvoit le locuteur en mots au gré des conversations.

— Le champ est capable d’anticiper nos pensées ?

— Il analyse les discours et met à disposition de leurs auteurs les termes nécessaires à leur développement logique, en hiérarchisant les propositions par degré de pertinence. »

L’idée d’un champ invisible plaçant les mots dans la bouche des gens avant même qu’ils n’en sortent attisa la curiosité de Rigg. Mais l’heure n’était pas aux pensées digressives, si passionnante fût l’étude de ces champs. Il les chassa pour se recentrer sur… sur quoi, au juste ?

« Les humains originaires de la Terre. Ce sont eux qui ont construit ce vaisseau, donc toutes ces machines. Ces champs sont le fruit de leurs réflexions.