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Les vacanciers qui avaient choisi l’Eldorador Aphrodite de Krabi, en tout cas, ne paraissaient pas près de succomber au paradoxe du double bind : bien que la plage soit immense, ils s'étaient à peu près tous installés au même endroit. D'après ce que j'avais pu en voir, ils me paraissaient conformes à la clientèle attendue: beaucoup d'Allemands, plutôt cadres supérieurs ou professions libérales. Valérie avait les chiffres exacts: 80 % d'Allemands, 10 % d'Italiens, 5 % d'Espagnols et 5 % de Français. La surprise, c'est qu'il y avait beaucoup de couples. Ils avaient assez le style couples libertins, on aurait parfaitement pu les croiser au cap d'Agde: la plupart des femmes avaient des seins siliconés, beaucoup portaient une chaînette en or autour de la taille ou de la cheville. Je remarquai aussi qu'à peu près tout le monde se baignait nu. Tout cela me mettait plutôt en confiance; on n'a jamais de problèmes avec ces gens-là. Contrairement à un lieu répertorié comme «d'esprit routard», un endroit destiné aux échangistes, ne prenant toute sa valeur qu'à mesure que sa fréquentation augmente, est par essence un endroit non paradoxal. Dans un monde où le plus grand luxe consiste à se donner les moyens d'éviter les autres, la sociabilité bon enfant des bourgeois échangistes allemands constituait une forme de subversion particulièrement subtile, dis-je à Valérie au moment où elle ôtait son soutien-gorge et sa culotte. Juste après m'être déshabillé je fus un peu gêné en prenant conscience que je bandais, et je m'allongeai sur le ventre à ses côtés. Elle écarta les cuisses, offrant tranquillement son sexe au soleil. À quelques mètres sur notre droite il y avait un groupe d'Allemandes, qui discutaient apparemment d'un article du Spiegel. L'une d'entre elles avait le sexe épilé, on distinguait très bien sa fente, fine et droite. «J'aime bien ce genre de chatte… me dit Valérie à voix basse, ça donne envie de passer le doigt.» Moi aussi, j'aimais bien; mais sur la gauche il y avait un couple d'Espagnols, où la femme au contraire avait une toison pubienne très épaisse, bouclée et noire; j'aimais bien aussi. Au moment où elle se rallongea je jetai un regard à ses grandes lèvres, épaisses et charnues. C'était une femme jeune, pas plus de vingt-cinq ans, mais elle avait des seins lourds, aux larges aréoles proéminentes. «Allez, retourne-toi sur le dos…» dit Valérie à mon oreille. J'obéis en fermant les yeux, comme si le fait de ne rien voir diminuait la portée de mon acte. Je sentis ma bite qui se dressait, le gland qui sortait de son fourreau de peau protectrice. Au bout d'une minute j'arrêtai de penser, me concentrant uniquement sur la sensation; la chaleur du soleil sur les muqueuses était infiniment agréable. Je n'ouvris toujours pas les yeux au moment où je sentis un filet d'huile solaire couler sur mon torse, puis sur mon ventre. Les doigts de Valérie se déplaçaient par effleurements rapides. Des effluves de noix de coco emplissaient l'atmosphère. Au moment où elle commença à passer de l'huile sur mon sexe, j'ouvris rapidement les yeux: elle était agenouillée à mes côtés, face à l'Espagnole, qui s'était redressée sur les coudes pour regarder. Je rejetai la tête en arrière, fixant le bleu du ciel. Valérie posa une paume sur mes couilles, introduisit le majeur dans l'anus; de l'autre main, elle continuait à branler avec régularité. Tournant la tête sur la gauche, je vis que l'Espagnole s'activait de son côté sur la bite de son mec; je reportai mon regard sur l'azur. Lorsque j'entendis des pas s'approcher dans le sable, je fermai à nouveau les yeux. Il y eut d'abord un bruit de baiser, puis je les entendis chuchoter. Je ne savais plus combien de mains ni de doigts enlaçaient et caressaient mon sexe; le bruit du ressac était très doux.

Après la plage, nous allâmes faire un tour au centre de loisirs; le soir tombait, les enseignes multicolores des go-go bars s'allumaient une à une. Il y avait une dizaine de bars sur une place ronde, qui entouraient un immense salon de massage. Devant l'entrée nous rencontrâmes Jean-Yves, qui était raccompagné à la porte par une fille vêtue d'une robe longue, aux gros seins, à la peau claire, qui ressemblait plutôt à une Chinoise.

«C'est bien, à l'intérieur? lui demanda Valérie.

– C'est étonnant: un peu kitsch, mais vraiment luxueux. Il y a des jets d'eau, des plantes tropicales, des cascades; ils ont même mis des statues de déesses grecques.»

Nous nous installâmes dans un canapé profond, recouvert de fils d'or, avant de choisir deux filles. Le massage fut très agréable, l'eau chaude et le savon liquide dissipaient les traces d'huile solaire sur nos peaux. Les filles bougeaient en finesse, elles utilisaient pour nous savonner leurs seins, leurs fesses, l'intérieur de leurs cuisses: tout de suite, Valérie commença à gémir. J'étais émerveillé, une fois de plus, par la richesse des zones érotiques de la femme.

Après nous être sèches nous nous allongeâmes sur un grand lit rond, entouré de miroirs sur les deux tiers de sa circonférence. L'une des filles lécha Valérie, l'amenant facilement à l'orgasme; j'étais agenouillé au-dessus de son visage, l'autre fille me caressait les couilles et me branlait dans sa bouche. Au moment où elle sentit que j'allais venir, Valérie fit signe aux filles d'approcher encore: pendant que la première me léchait les couilles, l'autre embrassa Valérie sur la bouche; j'éjaculai sur leurs lèvres demi-jointes.

Les invités de la soirée de réveillon étaient surtout des Thaïs, plus ou moins liés à l'industrie touristique locale. Aucun dirigeant d'Aurore n'était venu; le patron de TOI n'avait pas pu se déplacer non plus, mais il avait délégué un subordonné, qui visiblement n'avait aucun pouvoir, mais semblait ravi de l'aubaine. Le buffet était exquis, composé de cuisine thaïe et chinoise. Il y avait des petits nems craquants au basilic et à la citronnelle, des beignets de liseron d'eau, du curry de crevettes au lait de coco, du riz sauté aux noix de cajou et aux amandes, un canard laqué incroyablement fondant et savoureux. Pour l'occasion, on avait importé des vins français. Je bavardai quelques minutes avec Lionel, qui semblait nager dans le bonheur. Il était accompagné d'une fille ravissante, originaire de Chiang Maï, qui s'appelait Kim. Il l'avait rencontrée le premier soir dans un bar topless, et depuis ils étaient ensemble; il la couvait des yeux avec adoration. Je comprenais bien ce qui avait pu séduire ce grand garçon un peu pataud dans cette créature délicate, d'une finesse presque irréelle; je ne voyais pas comment il aurait pu trouver une fille pareille dans son pays. C'était une bénédiction, ces petites putes thaïes, me dis-je; un don du ciel, pas moins. Kim parlait un peu français. Elle était déjà venue une fois à Paris, s'émerveilla Lionel; sa sœur avait épousé un Français. «Ah bon? m'enquis-je. Et qu'est-ce qu'il fait?

– Médecin… Il se rembrunit un peu. Évidemment, avec moi, ça ne serait pas le même mode de vie.

– T'as la sécurité de l'emploi… fis-je avec optimisme. Tous les Thaïs rêvent de devenir fonctionnaires.»

Il me regarda, un peu dubitatif. C'était pourtant une réalité, la fonction publique exerçait sur les Thaïs une fascination surprenante. Il est vrai qu'en Thaïlande les fonctionnaires sont corrompus; non seulement ils ont la sécurité de l'emploi, mais en plus ils sont riches. On peut tout avoir.

«Eh bien, je te souhaite une bonne nuit… fis-je en me dirigeant vers le bar.

– Je te remercie…» dit-il en rougissant. Je ne comprenais pas ce qui me prenait, en ce moment, déjouer à l'homme qui connaissait la vie; décidément, je vieillissais. J'avais quand même des doutes sur cette fille: les Thaïes du Nord sont en général très belles, mais il arrive qu'elles en aient un peu trop conscience. Elles passent leur temps à se regarder dans la glace, pleinement conscientes que leur beauté constitue en elle-même un avantage économique décisif, et deviennent ainsi des êtres à la fois capricieux et inutiles. D'un autre côté, contrairement à une minette occidentale, Kim n'était pas en mesure de se rendre compte que Lionel était lui-même un blaireau. Les critères principaux de la beauté physique sont la jeunesse, l'absence de handicap et la conformité générale aux normes de l'espèce; ils sont de toute évidence universels. Les critères annexes, imprécis et relatifs, étaient plus difficilement appréciables par une jeune fille issue d'une autre culture. Pour Lionel l'exotisme était un bon choix, c'était même probablement le seul. Enfin, me dis-je, j'aurais fait de mon mieux pour l'aider.