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Quoi ?

Cherche, mon grand glandeur, cherche mon Médor à la con.

D’accord, je cherche.

Et trouve…

Tu vas voir.

Je tire le pulvérisateur de ma fouille.

— Ça doit être efficace, ça, non ? fais-je en riant.

Le lui rapproche du nose.

Elle ne bronche pas. Je presse sur le bouchon, le menu bec situé au-dessous lâche un jet cinglant. Ses narines en sont humidifiées. Elle continue de me fixer en silence. J’ai honte. De quel droit me mêlé-je de ses affaires ? Elle doit croire que j’appartiens à quelque organisation pro-nazie et ça me turlupine. Son regard se retourne ; elle fléchit sur ses jambes maigres. Je l’aide à chuter. Pas lourde, la sœur. La voici à terre. Encore une petite rincelette, tchoc tchoc ! Les bonnes mesures font les bons tailleurs ! Comme il n’y a pas de mode d’emploi sur le tube, j’ignore tout des conséquences qu’entraîne l’inhalation du produit, pas davantage que la durée de ses effets. Elle verra bien…

Ce que je peux t’affirmer, c’est qu’elle en a morflé une bonne dose, la gente agente.

Je sors en laissant la lourde ouverte et me précipite au rez-de-chausson.

— Frau Magger ! Vite, un docteur ! Je crois qu’une de vos pensionnaires a pris un malaise.

La gravosse propulse sa poitrine en avant-garde, puis le restant de sa personne succède.

Je lui raconte tout bien en détails, comme quoi, en longeant le couloir, j’ai aperçu Virginia Salski inanimée dans sa chambre dont la porte n’était pas fermée. Tu comprends ?

CHAPITRE VI

C’est la croix et la barrière pour l’obtenir, le Ministre. Il est mieux protégé qu’une reine abeille dans sa ruche.

Tout de même, à force que je parlemente et glapisse, on finit par me le livrer franco de porc et d’emballage.

Sa voix brumeuse comme un égout engorgé grommelle :

— C’qu’y a-t-il pour vot’ service, commissaire ? Auriez-vous-t-il largué vos connards d’Amerloques ?

— Je vous en prie, Majesté, ne persiflez pas, je viens solliciter votre aide. Cela presse. Il me faudrait de toute urgence du renfort.

— Pourquoi t’est-ce vous n’en d’mandez-t-il pas à vot’ Big-Machin d’mes couilles ?

— Je préfère usiner avec des compatriotes.

— Ah ! tout d’même !

Sa satisfaction ressemble à du Wagner, le moment que tous les cuivres bousinent et te concassent les feuilles.

Radouci, il demande :

— D’où vient-il qu’vous v’s’adressez à moi ?

— Parce que cette assistance que je sollicite doit demeurer secrète, Votre Eminence. Je dois donc m’adresser au plus haut niveau de la hiérarchie.

De plus en plus flatté, l’éminent personnage fond.

— V’s’avez cogné à la bonne lourde, mon cher. Accouchez, qu’on puisse examiner l’bébé.

— Je suis dans un village de Bavière, à une cinquante de kilomètres de Munich, nommé Bärbach, vous pouvez noter ?

— J’vous d’mande un instant, j’ai rien sous la pogne… Oh ! merde ! Bordel ! Chié donc ! Maâme Langlade ! Maniez-vous l’train, putain d’elle, j’viens de renverser ma bassine ! Apportez des serpières.

Pressentant mon point d’interrogation, le monarque républicain m’explique :

— J’tais en train d’prendre un bain d’pieds, vu que j’ai des ongles en carnet. Ceux des pouces ! J’avais oublié d’les couper c’t’année et ces p’tits rigolos me rentent dans la viande qu’j’ai un mal fou à arquer. Mais bougez-vous l’oigne, maâme Langlade, vérole ! Y a de la baille su’ la moquette on dirait qu’tout l’ministère est venu pisser dans mon burlingue, comme s’il aurait pris mon cabinet pour çui des toilettes.

Et à moi, oublieux soudain des solennités :

— Escuse-moi, grand, mon escrétaire tarde à viendre à mon s’cours. Beau cul, mais rien dans la tronche ! Quouâ ! V’s’app’lez c’te patte-mouille une serpière, maâme Langlade ? Boug’ d’connasse à poils, av’c c’te guenille vous essuyeriez pas une sous-tasse. Prenez vot’ culotte, si vous auriez rien d’autre ! Mais faites quéqu’chose : j’attends l’roi des Belges. J’veux pas qui croive qu’j’fais du ski nautique dans mon bureau !

« Bon, vas-y, Sana, j’note. »

Je lui résume mon historiette et lui explique pourquoi j’ai besoin d’aide. Il opine.

— T’auras quéqu’un dans l’après-midi, mec, promet le Glorieux. J’vas faire débloquer une Alouette.

— Je veux quelqu’un de premier ordre.

— Tout c’qu’y a d’premier orde, promet le ministre. Bouge pas, j’ai mon interphone qui m’appelle…

Sa voix se fait plus lointaine.

— Jockey, grimpez-me-le ! l’entends-je déclarer.

Puis, à mézigue :

— J’sus t’obligé de t’quitter, l’artiss, c’est l’roi des Belges et sa clique qui vient visiter nos installations antiterrorisantes. Où sont mes pompes, maâme Langlade ? Qu’est-ce vous racontez ! L’garçon de bureau les a emportées pour les cirer ! Hein, comment ? Elles en avaient besoin ? Mais qu’est-ce y vous permet d’prend’ des initiatives d’c’te gravité, maâme Langlade ! Répondez-moi ! Alors faut qu’je vais r’cevoir l’roi Boudin pieds nus ? Entrez ! Merde, l’v’là. Mes respectes, mon roi ; très honoré d’vous faire connaissance. J’vous d’mande pardon si j’ai les nougats à l’air, on a eu un problème technique, rapport à une canalisation qu’a rendu l’âme…

La chère Virginia Salski est toujours dans le sirop de néant. Elle se trouve à l’hôpital de Blatternstadt, à trois bornes de l’auberge, où les médecins viennent de la mettre en observation. Ils se paument en conjectures sur son cas.

Carson l’a escortée d’autorité, à ma demande. Les gens de l’hosto ont dû la prendre pour une parente car ils ne voient aucune objection à ce qu’elle reste à son chevet.

Je l’y laisse après lui avoir remis le vaporisateur magique.

— Une petite giclette dès qu’elle reprendra connaissance, n’est-ce pas ?

— D’accord. Vous espérez quoi ?

— Que ses amis viennent prendre de ses nouvelles, tout simplement ; chose qu’ils ne vont pas manquer de faire ! Je reste dans les parages, discrètement.

J’aimerais déposer un baiser — même des plus chastes — sur ses lèvres. Son regard glacial ne m’y encourage pas.

L’immobilité est propice à la somnolence et, de même que la ligne droite constitue le plus court chemin d’un poing à un autre, la somnolence est le trajet le mieux balisé pour aller de l’éveil à la dorme.

C’est pourquoi je cloche de plus en plus fortement au volant de ma chignole. D’autant que je l’ai remisée sur un parking discret, face à l’entrée de l’hosto, entre deux ambulances qui lui assurent de l’ombre.

Je tente de lutter contre l’engloutissement, mais tu ne passes pas impunément une nuit à baiser et la prouesse engendre des séquelles le lendemain.

L’après-midi touche tu sais à quoi ? Oui : à sa fin. Rien ne s’est produit. Alors une vague, venue de mes profondeurs, me submerge doucement. Tout devient opaque et je perds le contact.

Voilà que je fais un rêve. Rien de plus tarte qu’un romancier décrivant un songe. Toujours, j’ai le sentiment qu’il tire à la ligne, et je lui conseille plutôt de tirer un coup, ce qui est plus profitable, à moins, naturellement, qu’il baise comme un manche de pioche.