Carson, c’est une furie du radada, mais silencieuse. Juste à la fin, pour l’apothéose : la gueulée éperdue du kamikazé. Et puis ses fesses s’affaissent et faut laisser l’effet se faire.
Somptueuse tringlée. Inoubliable. Et mon cœur chante car je me dis que ça n’est qu’un début, qu’une prise de contact, moins qu’un baiser.
Une promesse. L’annonce du printemps…
— Eh ben ! dites-moi, mes canards, c’est la toute grande régalade, à ce dont on dirait ! s’exclame l’organe mélécassiste de Bérurier, ministre.
Il est là, accoudé à ma propre portière, gaillard, la prunelle flamboyante de convoitise.
— Charmant coup de paf ! apprécie-t-il. Y a du style de part et d’aut’ ; un coup d’reins énergique chez Mam’zelle. Tézigue, toujours régal à toi-même : un 33 centimèt’ performant et une grande réserve d’pussance sous l’pied. Av’c ta pomme, ça fume sans êt’ du belge. Tel qu’on t’voit décarrer en trompe, on craint pour la distance, mais non, c’est du dix-huit carats taillé dans la masse, garanti longue durée.
« Un moment, j’ai pu craind’ qu’la petite, vu sa postance, allait chavirer su’ bâbord et t’faire déjanter, et puis ell’ a su conserver son assiette jusqu’à la ligne d’arrivée, bravo ! J’devrais vous noter pour l’Gault et Millau, j’vous cloquerais dix-huit et deux toques rouges étant donné la beauté du cadre. La frangine est carrossée d’première, le joufflu bien pommé, et qui s’permet d’avoir des fossettes. La cuisse superbe comme celle d’une estatue grecque. J’ai mal vu son p’tit diablotin à crinière, mais j’sus convaincul qu’y mérite une visite approfondie.
« Franch’ment, v’s’avez xécuté un sans fautes, mes p’tits loups. J’en causerai à mon collègue de l’Enseign’ment. J’verrais assez un vidéo zob av’c vous deux l’rôle principal. Tu projettes ça dans les grandes classes, les gamins sauraient au moins à quoi sert un chibre et une babasse, et ça leur s’rait profitab’ au lieu d’s’astiquer comme d’l’argenterie d’famille. »
M. le ministre-juge-arbitre est tête nue, ayant déposé son couvre-hure pour travailler dans l’église. Il fut enfant de chœur, jadis, Alexandre-Benoît, et connaît les usages. Il s’exprime sobrement, mais on sent percer l’emphase sous le verbe choisi. Tout jugement s’accompagne d’une certaine suffisance, car, apprécier les autres, c’est implicitement se valoriser.
Carson, tu penses, en constatant que nos ébats ont eu un spectateur, elle agonise de confusion et se blottit contre mon épaule en cachant son beau visage dans ses chères mains. Une fois le désir guéri, il ne subsiste plus que la honte d’y avoir cédé.
— Bon, c’est pas l’tout, décide l’Imposant, on pourrait p’t’être reviendre à nos moutons ?
— Vous avez descellé la dalle ?
— Yes, monsieur.
— Alors ?
— Alors, viens !
Sa voix me rend perplexe. Les ambiguïtés du Mastar sont toujours pour moi une source d’inquiétude.
Je rengaine mon service campinge et le suis dans le saint lieu.
César Pinaud prie.
Agenouillé sur le prie-Dieu de Victorine Putet (c’est écrit sur une plaque de cuivre), la Guenille arque un peu plus son échine déjà voûtée pour implorer du ciel la remise à trente jours fin de mois de péchés tellement véniels qu’on n’en trouverait la signification que dans la grande édition en vingt volumes du Larousse.
Comme il est émouvant, auprès de la cabine blanche d’insonorisation, avec son regard de morve ardemment offert à une statue de saint Joseph qui lui ressemble comme un cousin germain.
Ses lèvres remuent et son râtelier grince à bruit ténu, pareil à celui d’une vieille enseigne bavaroise dans le vent.
Je passe devant lui sans endommager ses dévotions. Mes deux gentils et francs-maçons d’occasion ont écarté la cabine pour ôter la dalle. Une excavation de soixante sur quarante centimètres, en forme de cavité, voire simplement de trou, rompt l’harmonie du dallage.
Cela n’a certes pas la dimension d’une fosse, et pourtant cela impressionne, à cause du lieu et de l’obscurité.
Sa Majesté me présente une lampe torche style U.S. Army au faisceau puissant.
— Si m’sieur l’ingénieur voudra bien s’donner la peine d’regarder.
Je biche la loupiote et enfouis le rayon lumineux dans le trou (en anglais : in the hole).
Putain d’elle, quelle secousse !
J’aurais mis ma main dans la gueule d’un crocodile en train de bâiller, en croyant la glisser dans la culotte de Lady Di, ma réaction ne serait pas plus vive. Tiens, à propos de crocodile, tu connais l’histoire du dompteur de caïmans ? T’as deux minutes ? Je peux ? Mon nez dix tueurs va encore rouscailler comme quoi je consomme trop de faf et déboise la Suède, mais hein ? On est en République. Bon, alors c’est un dompteur de crocos, ou d’alligators, je m’en fous, en représentation dans un cirque. Il exhibe un bestiau long de dix mètres avec une clape qui fouterait la colique à un char d’assaut (arrête ton charre, Dassault ! comme disait jadis M. Prouvost). Le dompteur est armé d’un terrible gourdoche. Il en file un coup sur la pipe du croco, lequel ouvre une gueule béante. Le dompteur s’agenouille et engage sa tronche entre les ratiches du saurien. Tu me suis toujours ? Le crocodile commence à fermer son clapoir. A la dernière seconde, le dompteur retire sa frite. Et olé ! Tonnerre d’applaudissements. Le gars déclare alors : « Et maintenant, encore plus fort ! » Il flanque un coup de gourdin sur la tête du caïman. Lequel se met à bâiller large. Misteur dompteur dégage de son beau bénouze chamarré un braque long commak et place sa belle chopine dans la bouche du monstre. Le crocodile ferme lentement sa gueule. L’auditoire retient son souffle. Au moment fatal, hop ! Une esquive, le dompteur récupère son zigomar de prolongement indemne. C’est le délire ! On l’ovationne… Je te fatigue pas ? Vrai ? D’ailleurs, ça va être tout de suite fini.
Après les applaudissements, le dompteur s’adresse au public.
« — Y aurait-il dans l’assistance, un monsieur qui oserait en faire autant ? » demande-t-il à la ronde.
Alors voilà une grande pédale fiévreuse qui se lève et qui annonce : « Moi ! ».
Elle ajoute :
« — Mais faudra pas me taper sur la tête ! »
Ça t’amuse pas ? T’as peut-être pas bien compris. Relis à tête reposée pendant que je vais écluser un baby scotch.
. . . . . . . .
Ça y est ?
T’aimes ?
Pas tellement ?
Alors, cours te faire dévaluer le zouki rue Saint-Martin, pauvre cloche !
J’aime bien, temps à autre, glisser une histoire drôle dans mes books, même si elle ne l’est pas. Ça fait plaisir à mon pote Lulu. L’autre jour, il me disait : « Pourquoi tu causes pas du nucléaire dans tes zœuvres ? Des rayons schmurtz dernier modèle, de la guerre des étoiles (à matelas), des microprofesseurs et tout ce bigntz archimoderne qui fait que demain c’est déjà aujourd’hui ? » « Parce que je m’en branle, lui ai-je répondu. Y a des gonziers qui connaissent le sujet, et moi, faudrait que je l’étudie avant d’en causer. Pourquoi veux-tu que je me fasse chier la bite à potasser ? J’ai eu déjà assez de mal avec mes examens, jadis ! Les contraintes du savoir, je supporte pas plus que celle des moniteurs de ski que tu douilles à prix d’or pour t’engueuler parce que tu fais une faute de cane. »