Au premier étage, il est, près d’un vieux cadavre, une exquise jouvencelle, fraîche dépucelée, qui m’aime et que je convoite déjà malgré la radada’s boum de naguère. Alors, tout va bien, non ? Si on devait se suicider chaque fois qu’on a un os dans le turbin, la moyenne de vie chuterait de cinquante ans.
A l’aise, Antoine ! J’ai bien fait de venir. Il existe de vrais refuges. Celui-ci en est un.
Pas un bruit. Les voisines atteignent la zone de somnolence. Fectivement, je ne tarde pas à entendre un léger grincement en provenance de l’escadrin. La porte s’écarte, Heidi apparaît, exquise silhouette plus sombre que l’ombre ambiante, avec la tache pâle de ses cheveux d’or. Elle referme la porte, doucement, doucement. Comme y a pas de clé ni de verrou, elle amène une chaise dont elle cale le dossier sous le loquet. Oh ! dis donc, elle a des projets, Mam’zelle Fräulein. Tu vois, rien que de lui voir prendre cette précaution, j’en éprouve des turlutances dans l’antenne magique. C’est si éloquent. Je respire son désir comme un bouquet de muguet.
Elle a ôté ses chaussures et glisse en pas de patineuse sur le parquet bien briqué. Elle remonte sa jupe noire pour pouvoir se placer à califourchon sur mes genoux. Sa bouche vient voracer la mienne. Tout de suite on éclate. Le courant passe. Tout s’illumine en nous, nos sens sont dare-dare à l’incandescence.
Notre baiser n’en finit pas. On respire en biais, pas l’interrompre. J’ai glissé une main sous le pont de ses adorables jambes et voici ma dextre fofolle qui s’éclate. Tu parles : pas de collants, des bas ! Faut venir en Bavière pour trouver encore ce produit de « consumation ». Oh l’exquis renflement, ce mont émerveillant que ma caresse humidifie ! La joie pure et roide de la volupté quand elle s’impose simplement.
Tête haute, camarade Popol ! Le casque fourbi, la jugulaire à l’aplomb !
Elle s’affaisse (avec deux « f », y a qu’afin et Afrique, qu’en prennent qu’un, les gars) contre ma poitrine. Haletante. Oh ! le bruit soyeux de son souffle précipité. Oh ! l’odeur de blé mûr de ses cheveux mousseux. Elle est a bout de retenance. S’abandonne totalement. Me naufrage contre. Dans sa posture, pour la décarpiller, faudrait l’en aller de moi ; mais ne puis rompre la magiquerie du moment. Alors, il faut savoir payer le désir. Au diantre sa culotte. Mes mains rapaces la font éclater, doucement, mais implacablement. Poff ! Chers admirables lambeaux que je porterai à mes lèvres tout à l’heure, plus tard, après. Mais ceci est une autre histoire. Mon cher grand zigomard dodelineur irruptionne. Coucou, me voilà ! Ebloui de rut ! Sauvage. Vite ! Vite ! Elle « s’aide » de son mieux, la Heidi chérie, participant à la manœuvre, comme un motard intrépide traîne du genou dans un virage en épingle à cheveux. Et voilà ! Merci. Entrez, vous êtes chez vous, marquis ! Vous prendrez bien quelque chose ? C’est l’instant solennel de l’irrattrapable. En place, en position. La charge héroïque peut démarrer. Mais gâche pas le bonheur, Ernest ! Vas-y doucement, presse pas le mouvement. T’as tout ton temps. Tatou tond tant ! Tâte où on tend ! C’est à elle, d’ailleurs de prendre l’initiative à pleines miches. D’imprimer le tempo. Elle le comprend bien, cette exquise surdouée. L’instinct, chez les petites fumelles, c’est irremplaçable. Tu peux rien contre. Alors la voilà qui se lance mollo, à la paresseuse. Elle me pratique sans le savoir le carrousel viennois.
En haut, deux dadames somnolentes se chuchotent des ragots en présence d’une vieillarde défunte. L’enterrement est pour quelle heure ? J’ose pas le lui demander, c’est pas le moment propice. Mémé, pour l’heure, c’est le cadet de ses soucis, à ma fleurette bavaroise. Elle souscrit aux exigences de son corps tout neuf. Et bravo. Le Seigneur nous a donné l’instinct de reproduction et, pour nous encourager à le pratiquer, Il l’a rendu agréable. Là est Sa grande infinie bonté ; là Son esprit souverain. Mais les mal foutus de la coiffe, les tordus de l’âme, les biscornus de la conscience ont tenté, en édictant des principes moraux, de faire capoter l’intention ineffable de Dieu. Ils ont voulu brimer l’amour, le rendre honteux, le meurtrir avec des cilices. Ils ont décidé, ces tristes nœuds abjects, tordus, grisâtres et je m’en doute bien, fripés, ils ont décidé de bafouer ce présent du ciel en le mettant pratiquement hors la loi ! Ah ! les indignes ! Honte sur eux. Que leurs testicules se dessèchent ! Que toute érection les quitte à jamais pour ce crime de lèse-baisance !
Nous, on a parfaitement pigé le message divin. On le glorifie en usant comme des fous de ce qui nous est accordé.
La voilà qui passe en seconde, Heidi. Puis, sans marquer de palier, en troisième ! Hep ! minute ! Trop de fougue nuit. Je la rappelle à la mesure d’une bonne petite tape sur le dargiflard. Elle pige, ma pouliche et refrène sagement.
On est bien dans l’obscurité de cette pièce chargée de végétaux. Une obsédante odeur de serre à laquelle s’ajoutent celles de la cire et du vieux bois.
Je laisse aller…
J’oublie mes vicissitudes. Les tribulations de la chair sont tellement plus importantes que les autres ! Et soudain, mon abandon cesse. Je n’étais tendu que de l’archet, je le suis du système nerveux tout entier. Faut dire qu’il y a de quoi. Mais une brève explication pour éclairer ta lanterne sourde. Mon fauteuil est tourné face à la fenêtre. Au gré des mouvements d’Heidi, lesquels faut-il te le préciser, sont alternativement ascendants et descendants (as sans dents et dé sans dents), j’aperçois brièvement ladite fenêtre à travers les rideaux à grille brodés d’amours joufflus.
Une seconde chaque fois. A peine.
Et tu sais pas ? Je constate que les volets se disjoignent imperceptiblement. Un rai de lumière extérieur, perpendiculaire, se joint à ceux, horizontaux, des fentes naturelles. S’élargit, puis se rétrécit.
La chose est ponctuée d’un léger grincement. Pas d’erreur : quelqu’un est en train de forcer les volets !
CHAPITRE IX
La phrase était trop forte pour que je ne change pas de chapitre. C’est le moment aigu que les Ricains passent leur pub dans le feuilleton. La situasse rebondit. Alors eux, plouf ! Débandez, m’sieurs-dames ! Voilà Cocu Colé à boire glacé ! L’enfance du lard, comme disait un porcelet que j’ai bien connu.
Mes deux mains bloquent le délicieux yoyotement de fesses de ma tendre partenaire. Elle doit croire que je lui fais halte parce que Dudule voudrait descendre en marche. Surprise, elle sort ses aérofreins, jugule sa fougue sensorielle, comme l’écrivait Paul Claudel dans Le Nonce fêta Marie, me regarde avec des yeux qui, progressivement déchavirent.
— Quelqu’un essaie d’entrer par la fenêtre, chuchoté-je.
Tu crois qu’elle panique, crie au secours, se cache la tête dans ma braguette ? Que nenni, mon Kiki. Ce qui lui vient en premier, c’est l’incrédulité.
— Non, pas possible ? s’étonne-t-elle calmement en regardant la croisée.
L’ouverture s’élargit. Le gonzier qui craque les volets va bientôt arriver au bout de ses peines.
Nous sommes là, encore l’un dans l’autre, à visionner les exploits d’un mystérieux visiteur nocturne, sans plus piper (si j’ose m’exprimer de la sorte).
Bon ! Il est temps d’appliquer le dispositif d’alerte. Pour commencer, je récupère M. Glandu et le remets coucouche panier. La môme désarçonne.
Froidement, j’appréhende la situasse.
— Tu vas te glisser sous le canapé et ne plus bouger quoi qu’il arrive jusqu’à ce que je t’appelle, compris ?
— Qu’est-ce que vous allez faire ?
— Dépêche-toi !
Vaincue par mon autorité, les nerfs encore trépidants de son désir brisé, dirait Marguerite Yourcenar, elle se glisse, avec son cher petit slip dévasté, sous le canapé de bois. Ma pomme, je m’accroupis derrière une sorte de reposoir tarabiscoté supportant une chiée de plantes en pot que tu te croirais quai aux Fleurs. Je conserve encore par-devers moi le pistolet que j’ai trouvé dans la boîte de peinture de Virginia Salski. Le rends opérationnel en ôtant le cran de sûreté.