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Près de moi, la tronche de caméléon continue son cirque. Mais ça commence à s’éveiller dans le Landerneau. Des fenêtres s’ouvrent, des lumières naissent.

Le tireur de la bagnole me croyant out, se risque hors de sa tire afin de récupérer son pote. Il le hèle !

— Avance ! lui crie-t-il en anglais ! Quick !

Quick mon cul, Lulu ! L’autre ne se rend plus compte de rien et poursuit sa gigue infernale. Son pote radine en courant tandis que l’auto recule pour venir au niveau du lézard. Donc, ils sont trois. Du moins deux opérationnels.

— Qu’est-ce que tu as, tu es blessé ? demande l’arrivant.

L’autre l’ignore. Son pote tente de le saisir par la taille pour l’obliger à grimper dans la bagnole. Mais le nergumène n’arrête pas d’énergumer. Ses trémulations sont si fortes qu’autant essayer de vouloir faire monter dans la voiture un couple de tigres en train de baiser.

J’en profite pour me dresser d’une détente et braquer le copain altruiste.

— Si tu bouges, je t’en sers autant ! Tu vois l’effet que ça fait ?

Il n’insiste pas, abandonne son complice et lève les bras.

— Laisse quimper ton feu, l’artiste !

Son arme choit sur le paveton.

Bon, eh bien maintenant je n’ai plus le choix car les portes s’ouvrent et des gens surgissent. Faut les mettre et fissa !

— Dis à ton pote qui est au volant de jeter son artillerie par la portière et de ne pas jouer au con, sinon vous recevez la potion magique tous les deux !

Le gusman obtempère. Un second feu jonche le sol jusque-là innocent de l’impasse.

— Voilà, tu m’ouvres la portière. Je vais prendre place à l’arrière, et quand je serai installé, toi tu rejoindras ton pote devant. Au moindre faux mouvement de l’un de vous, c’est l’irréparable, compris ? Dites-vous que j’en aurai toujours un dans ma ligne d’arrosage et que, plus rapide que moi tu meurs ! Une connerie et vous morflez l’un et l’autre.

L’exemple du copain qui se tord est suffisamment éloquent pour le convaincre.

Nous voici à bord. Le chauffeur est un Noir avec une nuque grosse comme le tour de taille du regretté Alfred Hitchcock.

— Allez, en route, intimé-je.

— Où on va ? demande le conducteur.

— Chez vous puisque je détiens ce que vous recherchiez, logique, non ?

CHAPITRE XI

Ils ont un certain avantage sur moi : ils savent ce qu’est l’arme inventée par Karl Bruckner.

Moi, j’ai un avantage certain sur eux : j’en dispose.

Un mec avisé déclarerait que nous sommes complémentaires. Cette notion de complémentarité devrait favoriser nos entretiens.

Les deux types filent doux, soucieux de ne pas recevoir une décharge.

Mais quelle décharge ?

De quoi souffrait donc le caméléon pour se tordre et hurler de la sorte, indifférent à tout ce qui n’est pas son mal ?

Perplexe, je caresse le tambour chromé du « fusil » (puisqu’il faut bien le qualifier). Si cette invention est standardisée, probable qu’avec les techniques nouvelles nées pendant le demi-siècle séparant la réalisation de Bruckner de cet instant où elle est remise à jour, probable qu’on trouvera le moyen de la rendre plus maniable en l’allégeant et en la faisant davantage compacte.

Un grésillement se fait entendre. Un appel radio. Le type qui m’a tiré dessus me coule un regard interrogateur.

— Réponds ! fais-je. Dis que tout va bien et que vous avez découvert l’engin.

Docile, il décroche le tubuffeur préconcentré et s’annonce :

— Voilà, Krutz, dit-il.

Une voix féminine, profonde comme celle de Marlène Dietrich, questionne :

— Vous avez des nouvelles ?

— Oui, tout est o.k. ; les amis ont déniché le prototype et nous le ramenons !

— Parfait.

On coupe.

Laconique, hein ? Mais l’essentiel est dit, alors à quoi bon conférencer ?

La chignole, une Audi break grise et noire, arrive à la hauteur de mon auberge…

— Arrêtez ! enjoins-je.

Le gros Noir pile devant les bacs de géraniums décorant la terrasse. Une colle : comment prévenir mes potes sans quitter les deux malfrats ?

Je mate la façade pimpante, bavaroise en plein, et la bonne idée me vient. J’ai toujours sur moi le pistolet de Virginia Salski équipé d’un silencieux. Je repère la chambre de Carson et je défouraille dans sa fenêtre. Bris de verre, mais pas vacarmeux le moindre. J’attends. Elle va bien finir par s’informer, la môme, non ? Pour me mettre en évidence, j’entrebâille ma portière afin d’allumer le plafonnier et me mettre en évidence. Des minutes s’écoulent et une silhouette apparaît à l’angle du balcon. Prudente, Carson a quitté sa chambre et contourné l’auberge avant de risquer un œil.

— Carson ! hélé-je, c’est moi, réveillez mes potes et pointez-vous tous les trois, j’ai du neuf.

Elle se retire.

Les deux vilains soupirent sur leurs sièges. Ils commencent à trouver l’expédition saumâtre. Etant hommes d’action, l’inertie à laquelle je les contrains leur cigogne le mental. Graine de terroristes, ces messieurs. Ils sont entraînés à agir, pas à poireauter comme deux cons dans une tire sous la menace d’une arme.

Je décèle un léger frémissement dans l’épaule gauche du chauffeur. Et suis près à te parier un régime totalitaire contre un régime de bananes qu’il a un feu ou autre chose placardé quelque part sous son siège ou dans le vide-poches de sa portière. Mine de nothing, j’avance le tire-prunes de Virginia au niveau de sa nuque. Une flopée de secondes passent, suffisantes pour tricoter une minute. Et puis la chose se produit. Le gros lève son bras gauche armé par-dessus son épaule, sans se retourner, avec une promptitude stupéfiante et caramélise à tout-va. Quatre bastos se plantent dans le dossier de mon siège, vu que, me gaffant du coup, et rivalisant de vitesse avec cézigue, je me suis déplacé sur ma droite.

Une cinquième détonation, très faible, ridicule comparée au badaboum tonitruant des premières, retentit. Mister Driver déguste un petit cône d’acier dans la boîte à idées et s’écroule en avant.

— Ce ne sont pas des manières, fais-je à son pote, lequel est un chouïa livide. Si vous ne respectez pas nos conventions on va droit à un nouveau Stalingrad.

Là-dessus, une sixième détonation, plus importante que ses devancières, déchire le silence de l’aube. Mais cette fois, il s’agit d’un pet béruréen. Vingt autres lui succèdent. La façon du Gros de saluer la naissance du jour.

Le trio s’approche à pas vifs. Sa Majesté est en train d’ajuster son bénoche. Elle est en corps de chemise et maugrée que merde, c’est pas une heure catholique pour s’arracher des toiles. Pinuche est en calbute, mais il a passé son veston et mis son cher vénérable bitos. Seule Carson est habillée comme pour se rendre à un thé dansant. Elle a même pris le temps de se maquiller.

Les trois membres de mon corps franc s’arrêtent devant l’Audi. Bérurier en balance un de plus et une odeur d’abattoirs en grève passe comme un zéphyr avarié par ma vitre baissée.

— Où qu’t’as trouvé c’t’équipe ? demanda l’Excellence.

— Sur le porche de l’église, alors je l’ai recueillie. Ça t’ennuierait d’évacuer mon chauffeur qui a eu un malaise ? Flanque-le dans un coin où il n’attirera pas trop l’attention.

— Dans le coffre de vot’ tire, ça te plairait ?

— S’il peut y tenir…

— On l’tassera. Tu m’donnes un coup de main, César ?