Выбрать главу

Mes deux potes s’activent et en un instant, le chauffeur est devenu bagage.

— Prends le volant ! ordonné-je au survivant. Et surtout pense que la moindre bêtise te ferait rater cette journée ainsi que les quarante années qui suivront.

« Vous autres, fais-je à Carson, vous allez me filer à distance et vous tenir prêts à intervenir en cas de problèmes graves. »

— Où allons-nous ?

— Je l’ignore, mais nous y allons !

Munich !

Tu vois la grande Maison de la bière, pas loin du bureau de tabac ?

Eh bien, c’est à deux cents mètres de là, dans une rue qui jouxte l’usine à pisse. Un bel immeuble neuf : verre et béton. Douze étages, vue sur la mer. Comment ? Y a pas la mer à Munich ? Ah ! bon. Je croyais… T’es certain ? Pas de Caspienne, de mer d’Azov, de Baltique ? Non, j’insiste pas. Y a pas la mer, y a pas la mer. On ne va pas péter une pendule pour ça. Disons qu’il y a les Alpes, au moins ? En tout cas, elles ne sont pas loin. Donc, l’immeuble dont à propos duquel je te cause a vue sur les Alpes. Chouette, non ? Surtout dans le soleil levant, là que va notre pays…

Mon assassin par défaut ralentit et demande :

— Qu’est-ce que je dois faire ? C’est ici.

— Où remisez-vous la bagnole habituellement ?

— Au parking du sous-sol.

— Alors vas-y.

— La carte magnétique commandant l’entrée est dans la boîte à gants.

— Prends-la, mais s’il s’y trouve un flingue, abstiens-toi d’y toucher, sinon tes chers parents seraient d’enterrement après-demain.

Il se penche. Moi, sur le qui-vive à bloc !

Je l’observe. Il cramponne le petit rectangle clé. On pique dans la rampe d’accès. Barrière jaune et noire, très chleuh. Elle se soulève docilement. Mon chauffeur roule jusqu’au troisième niveau et va se ranger dans un box portant le numéro 341. Je te donne cette précision pour si des fois, passant par Munich pour t’acheter une choucroute, t’aurais besoin de placarder ta pompe.

Gaz coupés. Silence. La chignole émet ces légers craquements de la ferraille chauffée lorsqu’elle se met à refroidir.

— On va à quel étage ?

— Septième.

— Chez qui ?

— Arabian Company.

— Ce sont des bureaux ?

— Oui. Mais quelqu’un y habite.

— Les babioles que vous avez récupérées dans l’église de Bärbach s’y trouvent ?

— Je suppose ; mais ce n’est pas mon affaire.

— Qu’est-ce que c’est que ce truc brillant, sous le tableau de bord ?

— Quoi donc ?

Il se penche pour regarder. Je lui bassine la nuque avec la crosse du pétard de Virginia Salski. Il poursuit sa plongée et s’affale sur la banquette passager.

Moi, tournemain, je le muselle et le ligote avec les deux ceintures de sécurité.

Qu’ensuite de, je remonte à l’air libre, lesté de mon barda joli.

Je renouche la guinde à Béru. M. le ministre est au volant ; congestionné, l’air rogue. Il se tient en double file. Carson est descendue et examine le grand immeuble neuf. Pinuche dort à l’arrière de la tire.

— Je pars en visite, leur annoncé-je. Septième étage : Arabian Company. Si dans un an et un jour je n’ai pas reparu, mon cadavre sera à vous !

Et sans plus en casser, j’engouffre dans la vaste entrée marmoréenne et verreuse, avec une bioutifoule sculpture de bronze sur un socle qui représente je ne sais quoi, mais sur trois mètres de haut.

Il y a trois locataires par étage. L’Arabian Company se situe pile en face de l’ascenseur. Une fois devant la forte lourde bardée de serrures, j’hésite. Vais-je essayer de la bricoler afin d’entrer par surprise ? Je dénombre quatre verrous, made in Germany, avec d’étroits orifices qui en disent long sur leur inexpugnabilité. Pas le temps de m’attaquer à ce puzzle. Alors, je sonne. On verra bien.

Que je te précise : il y a un judas à la lourde. Optique vachement performante, je le subodore. On atteint ici le top niveau de la technique. Les frizous, tu les connais ? Ne fabriquent que ce l’haut de gamme. Eux autres, la gnognotte, connais pas ! Du surchoix, toujours : bagnoles, appareils photo, fours crématoires, rien que du super-extra. La classe !

Je conserve ma main plaquée sur le voyant.

De ce fait, rien ne se passe.

Je ne bronche plus. Ne sonne plus. Attends. A l’intérieur, ils doivent se demander si c’est lard ou goret. Ils pigent pas que le judas soit aveuglé et qu’on ne sonne plus. Guerre d’usure. Saint-glinglin ! Mais patience. Ces gens ne peuvent demeurer très longtemps en état d’incompréhension. Ils veulent sortir de la nuit. Question de patience pour moi. Je te répéterai jamais suffisamment que mon métier c’est avant tout l’art d’attendre. Toute situation a besoin de mûrir. Ensuite elle tombe de sa branche comme une poire blette.

Cinq minutes passent. Je passe avec elles. Une crampe me biche, mais je ne peux pas changer de paluche. La demoiselle qui t’astique la membrane est contrainte, elle aussi, de dominer ses fourmis musculaires.

Je songe à des trucs… A des amis… Je pense à la petite Heidi qu’on a dû réveiller et qui voit débouler les poulardins à kibours plats, et aussi la presse, les magistrats, la morgue, l’Identité judicieuse, tout le bidule ! Pauvrette. Qu’aura même pas eu le temps de se fourbir le trésor. Sommeilleuse avec les cinq morts de la maison. Elle va raconter quoi ?

Un léger claquement. Ça y est : on délourde. Ceux de l’intérieur peuvent plus y tenir. Ils veulent savoir pourquoi le gicleur du judas est bouché. Ils ont tout supposé. En ce moment, ils en sont à la probabilité suivante : Celui qui a sonné, avait collé un corps étranger contre l’œilleton. Comme personne ne répondait, il est reparti en le laissant en place. IL FAUT S’EN ASSURER !

Un deuxième cric-crac, un troisième, un quatrième enfin. Je bande mes muscles. La porte frémit légèrement. A toi, l’artiste. Je fous un tel coup d’épaule dans le panneau qu’il ferait reculer le mont Ventoux de dix mètres. Je perçois un fort bruit, plutôt sourd.

Me voici dans un hall de réception. Des guichets déserts, des boxes vitrés…

Au sol, je découvre une personne blonde, platinée comme on n’ose plus, sauf encore quelques putes de vitrine à Hambourg. En robe de chambre bleue à col blanc. Pure soie. Vaguement empâtée. La quarantaine dépassée à fond de train. Non maquillée, un gros nichon à l’air libre, veiné de bleu, des cuisses de lanceuse de poids soviétique. Elle a dû morfler die Tür en pleine bouille car son nez saignote et elle est groggy.

Elle tenait un feu en pogne, un calibre de shérif, à barillet, canon chromé, crosse de bois verni, mais l’a lâché sous le choc. Je l’empoche. Quand j’aurai récolté tous les flingues de ces dames, je prendrai rendez-vous avec Gastine-Renette pour qu’ils me fassent une propose de rachat en bloc.

— Maâme aurait-il-t-elle glissé su’ une peau d’banane ? demande le ministre.

Mes valeureux compagnons sont là, sur le palier, touchante fresque. Le Gros sans veste, le Vieux sans bénard, la demoiselle belle à rêver partout !

C’est elle qui entre la première, de sa démarche aérienne. C’est la grâce, la beauté, la sensualité à l’état pur. Mais cependant, je m’enhardis à te le seriner, bien que tu n’en aies strictement rien à branler, depuis que je me la suis « payée », comme disent les marchands de robinets avec valves de sécurité, cette somptuosité de la nature a cessé de me fasciner.

— Qu’est-ce que c’est que ce curieux objet ? me demande-t-elle en me montrant le fusil batouilleur[6].

вернуться

6

Du verbe « batouiller », qui ne veut strictement rien dire et que j’utilise ici pour la première et dernière fois de ma brillante carrière, alors profite-z-en.

San-A.