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— Je te préfère en bas résille, fit Mc Cash pour détendre le Grec.

— Un des employés du casino peut te reconnaître, dit ce dernier, peu rassuré.

— Si les deux entrées sont hermétiques, on tombera sur Enian et ses hommes, pas sur un employé.

Des lumières filtraient des yachts à la nuit tombée, trop loin pour deviner ce qu’il s’y tramait. Mc Cash laissa Stavros manœuvrer le zodiac dans la baie silencieuse. La brise rafraîchit un peu son visage mais son pouls battait plus vite. La lune les guida jusqu’à la rive. La façade de l’hôtel-casino apparut, faiblement éclairée.

Des palmiers balançaient sous les étoiles naissantes lorsqu’ils accostèrent. Un homme les attendait, sans doute alerté par les mouvements de l’annexe depuis le yacht. Mc Cash et Stavros grimpèrent sur le ponton, une simple avancée dans la mer.

— Qu’est-ce que vous faites là? leur lança aussitôt le cerbère.

— Ektor est salement malade, répondit le Grec. On se charge de la cargaison.

L’homme était vêtu d’un costume sombre, élégant. Un type de la sécurité.

— C’est trop tôt, dit-il. Et ce n’est pas les ordres.

— Téléphone à Enian, renvoya-t-il, Ektor l’a prévenu.

Le garde eut un rictus suspicieux, empoigna son portable mais n’eut pas le temps de s’en servir: Mc Cash lui planta le browning sous le nez.

— Un geste, un mot, tu es mort. Où sont les filles?

— Quoi?

— Les réfugiées que Varon Basha séquestre: où elles sont? Réponds!

— Là-bas, dit-il en désignant l’hôtel.

— Où ça, là-bas?

— Au sous-sol.

— OK, tu vas venir avec nous… Passe devant.

Le garde hésita, croisa l’œil du cyclope.

— Pense seulement à tenter quelque chose, je te tire une balle entre les omoplates. Maintenant avance. Doucement.

Quittant le ponton, ils suivirent l’allée et découvrirent une terrasse aux lumières tamisées, avec un jardin de cactus et de bambous qui masquaient en partie le bâtiment. Le hall se profilait, le restaurant, mais il n’y avait aucun client, nulle part. Même les chambres à l’étage paraissaient inhabitées. Mc Cash tenait l’arme braquée sous son polo pour échapper aux caméras de surveillance. Il n’en repéra aucune.

— Avance jusqu’à l’accueil, dit-il dans le dos du type.

Le grand hall marbré de l’hôtel apparut derrière les feuillages, et une silhouette féminine derrière le bureau de la réception. Une fontaine bruissait là, avec fioritures et jets d’eau un peu pompeux. Une fausse blonde à l’accueil souriait à leur approche mais deux yeux vifs les calculaient.

— Oui?

L’expression de son visage changea lorsqu’elle entendit un choc et vit le type de la sécurité s’affaler sur le marbre.

— Toi, tu la boucles, la prévint-il.

Mc Cash s’agenouilla, insensible à ses sutures, tira un Taser des poches de l’homme à terre. Derrière le comptoir, la blonde restait tétanisée sous son vernis.

— Il y a combien de gardes dans l’hôtel?

— Cinq… Six, répondit-elle.

— Et dans le casino?

— Il est fermé ce soir. L’hôtel aussi.

— Qu’est-ce que tu fais là, alors?

La fille se pinça les lèvres.

— Pourquoi tout est fermé? insista-t-il.

— Ordre du patron, bredouilla-t-elle.

— Où sont les types de la sécurité?

— Partis avec le patron. Je ne sais pas où.

— Le patron, c’est Varon Basha?

Son hochement de tête laissa penser que oui. Mc Cash ne chercha pas à savoir où l’Albanais était parti.

— Les réfugiées sont au sous-sol? Je te cause, Sharon Stone!

— Oui…

— Combien de gardes?

— Un… Un, je crois.

Stavros épiait les angles du grand hall comme si des mafieux armés allaient surgir d’un instant à l’autre.

— Tu vas me mener jusqu’aux filles, ordonna Mc Cash.

Il pinça le coude de la blonde pour l’engager à obéir. Stavros le regardait faire, incrédule. Mc Cash lui donna le browning, garda le Taser sous sa veste.

— Cache cet enfoiré derrière le comptoir, lança-t-il à l’intention du garde à terre.

Ils prirent l’escalier de service. Une lumière blafarde éclairait les marches.

— C’est où? demanda-t-il tout bas.

— Au fond du couloir… Sur la gauche après l’antichambre.

La blonde de l’accueil tremblait sous sa robe. Elle n’était pas une simple employée, et ce type lui faisait peur.

— Continue à marcher devant moi, dit-il. Aie l’air naturelle et tout ira bien pour toi.

Il faisait plus frais dans le couloir. Pas de caméras de surveillance visibles mais plusieurs portes de service. Un homme apparut alors à l’angle, large d’épaules où s’éventaient des cheveux filasse: il reconnut la blonde de l’accueil, pas le grand type qui l’accompagnait.

— Qu’est-ce qui se passe? dit-il. C’est qui ce type?

Le garde croisait les mains devant lui, trapèzes tendus, attendant la réponse qui le détendrait, et réagit trop tard: une décharge de cinquante mille volts le foudroya. La blonde étouffa un cri de stupeur devant le regard noir qui lui intimait de la boucler. Mc Cash trouva un Glock, calibre 9 mm, et deux chargeurs dans les poches du type qui grésillait à terre, les fourra dans sa ceinture et dans ses poches. Il poussa la fille vers la porte capitonnée qui leur faisait face, enjamba l’homme encore agité de soubresauts et entra avec elle, le Taser à la main.

Le décor était froid, presque clinique, une pièce elle aussi capitonnée où un groupe de femmes s’étaient dressées, alertées par son intrusion. Elles étaient sept autour d’Angélique, des réfugiées en majorité du Moyen-Orient qu’il vit à peine, obnubilé par le visage stupéfait de la Sénégalaise. Leurs regards se percutèrent une seconde — Angélique vivante, Angélique son ange noir et seul amour évaporé par sa faute, Angélique qui le fixait avec un mélange de surprise et d’effarement, ses yeux couleur miel envoyant des signaux d’espoir démesuré — un instant magnétique qui pouvait les perdre. Il fit quelques pas vers elle et sans réfléchir la prit dans ses bras.

— Ça va?

— Oui… Oui.

C’était bon de la sentir, chaude et vivante contre sa poitrine. Angélique se dégagea pour mieux le dévisager.

— Bon Dieu, Mc Cash, qu’est-ce que tu fais là?

— Pas le temps de causer: pour le moment il faut qu’on se tire d’ici. Varon Basha peut débarquer d’une minute à l’autre.

— C’est qui?

— Le chef des passeurs. Je t’expliquerai, abrégea-t-il sous le regard incrédule des jeunes femmes. Stavros est avec moi, là-haut, dit-il en désignant l’étage. Il y a un bateau dans la baie qui nous attend; maintenant fichons le camp d’ici.

— Pas sans les filles, rétorqua Angélique.

— Dis-leur de se magner le cul.

Les réfugiées n’avaient pas besoin qu’on leur expose la situation. Mc Cash braqua le Taser vers la blonde de l’accueil et la foudroya avant qu’elle ait poussé un cri. Angélique la regarda choir à ses pieds, croisa l’œil enfiévré du borgne.

— Prêtes?