Angélique pâlissait de rage et d’incompréhension, comme si on crachait sur le cadavre de Marco.
— À combien s’élève le contrat pour Kerouan? s’échina l’autre. Vingt mille? Quarante mille euros? Pour Raoul et le Grec, tu as fait un prix de gros? Hein le borgne, ça t’a rapporté combien, ces trois meurtres?
Le côté théâtral de la diatribe lui montait au cerveau.
— Ce n’est pas trois personnes que j’ai tuées mais une bonne dizaine, répondit-il. Je peux te montrer comment on fait si tu veux.
L’émissaire de la famille Kerouan hocha la tête. Tout cela lui semblait clair comme de l’eau de roche. Mc Cash ne perdit pas de temps à lui dire qu’ils aimaient Marco comme un frère.
— Tu divagues, Lefloc, résuma-t-il.
— Ah oui: dans ce cas, qu’est-ce que tu fais ici?
— Je rentre de vacances, ça ne se voit pas que je suis bronzé? Rien de tel que la Grèce pour renouer avec son ex. Pas vrai Angel?
La Sénégalaise planta une bite imaginaire dans sa joue en guise de réponse.
— Ha ha! s’amusa le privé. Dis plutôt que tu viens prendre ta part du gâteau! Mc Cash, devenu tueur à la petite semaine pour le compte de deux sœurs vénales, quelle belle reconversion! La seule chose qui m’intrigue, enchaîna-t-il, c’est ce que vient faire le Jasper dans cette histoire…
Le regard de Mc Cash changea.
— Oui, ce cargo semble t’intéresser, je me demande bien pourquoi. Tu peux m’éclairer?
— J’ai toujours rêvé d’acheter un cargo pour me balader.
— Te casse pas: j’ai fini par poser quelques questions à Legouas, le responsable de l’ITF, au sujet du naufrage. Et figure-toi que Legouas m’a justement dit que tu étais venu lui poser des questions au sujet d’un navire bloqué au port de Brest: le Jasper… Pourquoi?
— Écoute, Joe-la-manucure, tu nous fatigues avec tes histoires de petits bateaux.
Le détective sentit qu’il avait tapé juste.
— On se reverra, dit-il d’un air entendu: bien plus tôt que vous ne l’imaginez.
— C’est ça.
Mc Cash prit Angélique par le bras.
— Tirons-nous avant que je lui marche sur la gueule.
Le vent sifflait par la vitre cassée de la Jaguar. Mc Cash conduisait sur la quatre-voies de Nantes, Angélique à ses côtés, comme n’importe quel couple en vacances. L’entrevue avec Lefloc avait fait l’effet d’une douche froide. La route défilait, monotone malgré le soleil éclatant. Encore cinquante kilomètres avant la départementale qui menait au sud du Finistère, où attendaient Zoé et Alice. Angélique boudait sur le siège voisin, ou faisait semblant. Le cauchemar de l’île était passé, mais difficile de savoir à quoi elle pensait tant elle avait l’habitude de battre le chaud et le froid. Une fille excessive, comme lui.
— Tu n’as pas un peu musique? demanda-t-elle bientôt.
— Il y a un cédé dans l’autoradio.
— C’est quoi?
— Je ne sais pas… Spoke Orkestra.
Elle poussa le bouton play, écouta les strophes s’égrainer au rythme de la guitare saturée, jusqu’à la fin de la chanson. Ce n’était pas la voix de son vieux copain D’, mais celle de Nada.
Angélique s’ébroua sur le siège de la Jaguar.
— Dis donc, ça donne envie ton truc…
Le borgne sourit au volant, entendit qu’elle ôtait sa ceinture. Il se tourna vers elle. Ses yeux en amande étaient devenus espiègles, comme elle pouvait l’être parfois, mais il ne s’attendait pas à ça.
— En guise de remerciement, dit-elle, pour tout ce que tu as fait pour moi.
Angélique se colla à lui, ouvrit la braguette de son pantalon et, doucement, sortit le petit animal de sa cage, qui à l’air libre prit son envol. Mc Cash se cramponna au volant, subjugué. Elle se pencha vers son entrejambe en calant sa mèche rebelle sur son oreille, lécha en rond les crêtes de son gland, le sentit s’étendre dans sa bouche, l’asticota pour le mettre sous tension, puis sous haute tension, la langue comme un petit serpent de soie, joua de ses lèvres pulpeuses et bientôt l’avala tout entier. Les cendres de cigarette virevoltaient pollen dans l’habitacle. Enfin, quand sa bouche l’eut caressé à point, Angélique le branla entre ses lèvres pour goûter les gémissements bienheureux qui montaient en lui, jusqu’à l’infini.