Elle les malaxa comme on arrache la tapisserie, tant qu’il en eut le souffle coupé, puis elle le masturba vite et fort, le décalottant méchamment. Mc Cash pouvait à peine ouvrir la bouche, une enclume dans le bas du ventre. Enfin, quand il fut à point, elle grimpa sur lui sans le quitter des yeux ni relâcher le martyre de ses bourses. Elle se l’enfonça jusque-là, avec ses pupilles qui semblaient lui dire «Regarde, petit Blanc: regarde comme je t’aime!».
La lionne le tenait dans sa gueule: il lui suffisait de serrer un peu plus. Alors, quand elle sentit monter la chaleur tragique, quand elle sut qu’elle allait jouir et qu’elle n’y pourrait plus rien, Angélique relâcha son étreinte sur ses bourses pour mieux cueillir l’extase qui déboulait dans son corps. Elle eut un cri comme un éclair à retardement, avant d’éclater en sanglots.
Des torrents de larmes, qui inondèrent ses joues cramoisies et semblaient ne plus pouvoir s’arrêter…
Mc Cash roula sur le sofa défloré, le cœur dans la gorge.
Putain, toujours aussi cinglée, celle-là.
Le ciel s’était agrandi à l’heure de midi. Mc Cash sortit de chez Zoé, des hirondelles dans le sang.
Il y pensa tout le trajet.
À tout ce qu’il venait de vivre avec Angélique, ou plutôt à ce qu’ils venaient de ne pas vivre, toute cette impuissance, ces étoiles mal alignées, festival d’occasions ratées d’un amour qui n’existait qu’en rêve…
Saudade, la nostalgie du possible. Mc Cash avait espéré retrouver son amour perdu mais le passé ne se rattrape pas; quand il nous a filé entre les mains, il s’en va s’imaginer d’autres présents, sans nous. Angélique faisait partie de ce rêve, une vie parallèle faite d’illusions, de fausses croyances, de mythes effondrés. Il n’y avait aucun futur, et rien à espérer. Mc Cash était seul, il l’avait toujours su. Le petit mécano amoureux qu’il s’était fabriqué ne tenait pas, la preuve, les boulons s’étaient fait la malle à la première incartade. Il ne lui restait que les vis enfoncées bien profond, et le sentiment d’être passé à côté de lui-même. Angélique.
Au fond, la violence les suivait depuis l’enfance, et ne les quitterait jamais. Quel gâchis…
La Jaguar lambina dans les rues d’Audierne, fit ronfler ses douze cylindres pour doubler les engins agricoles, coupa avant la pointe du Raz pour atteindre la baie des Trépassés.
Un ciel de traîne se mariait aux couleurs de l’océan et il était bien le seul. Mc Cash claqua la portière, marcha jusqu’à la plage en respirant le grand air du large, pour ravaler ses larmes.
Alice attendait le long du ruisseau qui s’écoulait vers les vagues, les rouleaux bouillonnants où des surfeurs maladroits s’échinaient. Elle portait un short en jean noir et le tee-shirt Bowie que lui avait donné Julie. Penchée sur le sable, elle ne l’avait pas vu, mais la gamine sentit la présence de son père dans son dos et se redressa.
— Ça y est, sourit-elle, tu as réglé tes affaires?
— Oui… Oui.
Alice épousseta le sable fiché sur son short, l’œil inquisiteur. Son père n’avait pas l’air dans son assiette, on aurait même dit qu’il allait pleurer. Des embruns salés revenaient du rivage, épousant leur silence. Mc Cash soupira, comme si un trop-plein d’émotions lui comprimait la poitrine et, de guerre lasse, se tourna vers la Jaguar qui séchait près de la dune. Il ne savait pas où ils iraient tous les deux mais il trouverait, n’importe quoi loin d’ici où crevaient ses fantômes. Aussi sûr que seule cette gamine le tenait en vie.
— Viens, dit-il, on se casse.