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Les types de la DST ? Pour quel motif ? Quelqu’un était venu ici, quelqu’un qui cherchait quelque chose. Quoi ? Dans un tiroir de la table de nuit, un couteau à cran d’arrêt. La lame était comme neuve. Sur le bureau, un sachet de cannabis. Il sentit. De la locale. Laissa. Continua à fouiller. Dans un placard, la télé : petite, grosse, sale, couleur. Par terre, un vieux magnétoscope, branché. Mc Cash s’agenouilla et jeta un œil aux papiers répandus sur la moquette. Courriers bancaires, rappels d’amendes impayées concernant une 504 Peugeot, convocation à la CAF pour des documents manquants, on trouvait un peu de tout. Il remarqua alors les lettres éparpillées alentour : des lettres manuscrites. Les formes étaient variées mais l’écriture identique. Toutes signées « Alice ».

Le borgne en parcourut quelques-unes et, n’y comprenant rien ou presque, abandonna : il venait de repérer la pile de magazines sous le bureau. Des exemplaires invendus, visiblement. Il en prit un au hasard, lut le titre, L’Ankou Magazine, et commença à se sentir vraiment agacé. Enfin, il trouva deux sacs de voyage, renversés derrière la porte. L’un d’eux abritait encore une culotte. Une petite culotte. Des affaires d’été gisaient là, comme si on les avait vidés. Parmi elle, un passeport. Si Le Cairan était parti en vacances, il n’avait pas quitté la France.

*

La vieille dame qui partageait le deuxième étage avec le député Rogemoux n’apporta guère plus d’éléments ; selon elle, le « pauvre monsieur Rogemoux » était un homme « courtois » pour ne pas dire « parfaitement bien élevé », et sa femme très « comme il faut ». Mc Cash prit congé.

La petite machine de guerre mise en place par le policier commença à donner ses premiers résultats : grâce à des pratiques courantes quoique illégales, il eut d’abord accès au compte courant de Le Cairan. Après examen des dépenses, il apprit que celui-ci avait retiré de l’argent avec sa carte bleue au Crédit Agricole de Cancale, le samedi du meurtre, à 17 h 42. Somme retirée : cinquante euros.

De lui, Mc Cash savait peu de chose, sinon qu’il partageait un courrier impressionnant avec une certaine Alice, laquelle semblait fournir l’essentiel des photos parues dans L’Ankou Magazine. Alice Arbizu — il avait lu son nom dans l’ours du canard.

Arbizu. Un nom basque. Comme la piste du préfet. Une fille, comme la propriétaire du petit sac de sport : c’était un peu maigre mais après un supplément d’information via ses réseaux illégaux, la nouvelle tomba sur son neuroscripteur : Alice Arbizu était avec Frédéric Le Cairan. (Distributeur du Crédit Agricole de Cancale, samedi 16 juin, 17 h 43. Somme retirée : cent euros.)

Puisque Le Cairan ne semblait plus utiliser sa carte bleue depuis son retrait à Cancale, Mc Cash fit vérifier les dépenses de la fille : ainsi on retrouva vite sa trace, d’abord à la station-service Total, le 30, puis à la poissonnerie « L’arrivage » de Saint-Renan (le 2 juillet), enfin à la Caisse d’Épargne du Conquet (le 4 — retrait d’argent liquide au guichet : cinq cents euros).

Saint-Renan, Le Conquet : la pointe du Finistère Nord. Ils traînaient peut-être encore dans les environs… Mc Cash partit en chasse, un jeudi.

*

Quelques moulins à vent à la retraite paissaient sur le bassin de l’Ildut.

La Safrane passa le Manoir de Goulven, pittoresque construction tassée sous un toit de mousse dont la particularité consistait en un profond dégueuloir où la jet-set seigneuriale venait jadis se soulager lors des fêtes, avant d’atteindre la route de Pen-ar-ménez qui menait au hameau de Tréganaet. Le bourg de Locmaria-Plouzané se situait juste après.

La petite ville du Conquet appartenant à la communauté de communes du pays d’Iroise, Mc Cash avait commencé par demander aux gendarmes des environs de le renseigner sur la présence d’une 504 bleu métallisé immatriculée 6667ND35 dans la région. Il poursuivait ses recherches de son côté quand la nouvelle tomba, soudaine, un samedi matin : le garagiste d’un village voisin affirmait qu’une 504 répondant au signalement était bien en réparation chez lui… Il fonça.

Les fanions ballaient mollement dans l’azur : Mc Cash se gara devant les pompes. Le garagiste bricolait à l’atelier, penché sur un moteur. C’était un petit homme sec au nez aquilin, de la limaille de fer sur le bleu de travail.

— Vous avez vu ce zigoto ?

Mc Cash brandissait une photographie empruntée chez Le Cairan.

— Hum, baragouina le type.

— Ils sont venus quand ?

— Hier soir.

Alice était donc toujours avec lui.

— J’allais fermer, ajouta le garagiste en passant ses paumes sur son bleu crasseux. Un pneu crevé à l’avant, fit-il d’un coup de tête vers les établis.

Mc Cash marcha jusqu’à la 504, couverte d’immondices. Il se pencha vers l’aile avant gauche et constata qu’elle était enfoncée.

— Ils ont eu un accident ?

— Pas que je sache.

— Il y a de la peinture grise sur la carrosserie.

Le garagiste haussa les épaules comme si on lui parlait de mathématique quantique. Mc Cash resta un moment au milieu de la limaille, indécis.

— Bon, et ils passent quand la rechercher ?

L’autre regarda sa montre pleine de cambouis.

— Ça fait une heure que je les attends. J’sais pas ce qui font, bougonna-t-il, mais moi je ferme : j’ai faim.

Il se nettoya les mains avec une graisse ocre.

— Quand ils ont déposé la voiture hier soir, reprit le borgne, ils sont repartis à pied ?

— Oui.

— Ils ne vous ont pas dit où ils habitaient ?

— Si : pas loin, ils ont dit…

Il inspecta ses mains, presque propres. Mc Cash allait repartir mais se ravisa. Le garagiste n’avait pas bougé.

— Vous rouvrez à quelle heure ?

— Après manger. Vers les deux heures.

— Hum… S’ils reviennent durant mon absence, dites-leur qu’ils feraient mieux de m’attendre…

Comme l’homme ne bougeait toujours pas, Mc Cash sortit de l’atelier.

Sa petite enquête auprès des commerçants du bourg confirma leur présence à Locmaria puisqu’une charmante crêpière lui signala qu’« Alice ? Oh ! Si elle est quelque part, c’est chez son copain Mavel ! On la voit plus souvent mais c’est ici qu’elle a grandi la petite ! ».

Il était une heure de l’après-midi. Mc Cash avait le temps de les intercepter chez ce Mavel qui, selon la dame patronnesse, habitait vers les rochers de Trégana.

Il tourna un peu en rond avant qu’un riverain ne lui indique la route exacte. Enfin, la Safrane du policier s’engagea sur le chemin de la maison.

Personne sur la terrasse. Il y avait des riverains mais pas de voisins directs. La mer était à trois cents mètres, derrière la haie de cyprès. Mc Cash claqua la portière, ajusta le bandeau dans le reflet de la vitre et traversa le bout de pelouse. Il y avait une table de jardin et un Velux ouvert à l’étage. Alerté par un craquement sec sous sa semelle, il inclina la tête vers le sol, s’agenouilla, vit les cartilages de crabe répandus sur la terrasse et frappa bientôt à la porte vitrée du salon.