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Deux jeunes gens suivaient un tranquille chemin Noyé dans les moissons qui couvraient la campagne. Ils ne s'étreignaient point du bras ou de la main ; L'homme ne levait pas les yeux sur sa compagne.
Elle dit, s'asseyant au revers d'un talus : « Allez, j'avais bien vu que vous ne m'aimiez plus. » Il fit un geste pour répondre : « Est-ce ma faute ? » Puis il s'assit près d'elle. Ils songeaient, côte à côte. Elle reprit : « Un an ! rien qu'un an ! et voilà Comment tout cet amour éternel s'envola ! Mon âme vibre encor de tes douces paroles ! J'ai le cœur tout brûlant de tes caresses folles ! Qui donc t'a pu changer du jour au lendemain ? Tu m'embrassais hier, mon Amour ; et ta main, Aujourd'hui, semble fuir sitôt qu'elle me touche. Pourquoi donc n'as-tu plus de baisers sur la bouche ? Pourquoi ? réponds ! » – Il dit : « – Est-ce que je le sais ? » Elle mit son regard dans le sien pour y lire : « Tu ne te souviens plus comme tu m'embrassais, Et comme chaque étreinte était un long délire ? » Il se leva, roulant entre ses doigts distraits La mince cigarette, et, d'une voix lassée : « Non, c'est fini, dit-il, à quoi bon les regrets ? On ne rappelle pas une chose passée, Et nous n'y pouvons rien, mon amie ! » À pas lents Ils partirent, le front penché, les bras ballants. Elle avait des sanglots qui lui gonflaient la gorge, Et des larmes venaient luire au bord de ses yeux. Ils firent s'envoler au milieu d'un champ d'orge Deux pigeons qui, s'aimant, fuirent d'un vol joyeux. Autour d'eux, sous leurs pieds, dans l'azur sur leur tête, L'Amour était partout comme une grande fête. Longtemps le couple ailé dans le ciel bleu tourna. Un gars qui s'en allait au travail entonna Une chanson qui fit accourir, rouge et tendre, La servante de ferme embusquée à l'attendre.
Ils marchaient sans parler. Il semblait irrité Et la guettait parfois d'un regard de côté ; Ils gagnèrent un bois. Sur l'herbe d'une sente, À travers la verdure encor claire et récente, Des flaques de soleil tombaient devant leurs pas ; Ils avançaient dessus et ne les voyaient pas. Mais elle s'affaissa, haletante et sans force, Au pied d'un arbre dont elle étreignit l'écorce, Ne pouvant retenir ses sanglots et ses cris.
Il attendit d'abord, immobile et surpris, Espérant que bientôt elle serait calmée, Et sa lèvre lançait des filets de fumée Qu'il regardait monter, se perdre dans l'air pur. Puis il frappa du pied, et soudain, le front dur : « Finissez, je ne veux ni larmes ni querelle. » « Laissez-moi souffrir seule, allez-vous-en », dit-elle. Et relevant sur lui ses yeux noyés de pleurs : « Oh ! comme j'avais l'âme éperdue et ravie ! Et maintenant elle est si pleine de douleurs !… Quand on aime, pourquoi n'est-ce pas pour la vie ? Pourquoi cesser d'aimer ? Moi, je t'aime… Et jamais Tu ne m'aimeras plus ainsi que tu m'aimais ! » Il dit : « Je n'y peux rien. La vie est ainsi faite. Chaque joie, ici-bas, est toujours incomplète. Le bonheur n'a qu'un temps. Je ne t'ai point promis Que cela durerait jusqu'au bord de la tombe. Un amour naît, vieillit comme le reste, et tombe. Et puis, si tu le veux, nous deviendrons amis Et nous aurons, après cette dure secousse, L'affection des vieux amants, sereine et douce. » Et pour la relever il la prit par le bras. Mais elle sanglota : « Non, tu ne comprends pas. » Et, se tordant les mains dans une douleur folle, Elle criait : « Mon Dieu ! mon Dieu ! » Lui, sans parole, La regardait. Il dit : « Tu ne veux pas finir, Je m'en vais » et partit pour ne plus revenir.
Elle se sentit seule et releva la tête. Des légions d'oiseaux faisaient une tempête De cris joyeux. Parfois un rossignol lointain Jetait un trille aigu dans l'air frais du matin, Et son souple gosier semblait rouler des perles. Dans tout le gai feuillage éclataient des chansons : Le hautbois des linots et le sifflet des merles, Et le petit refrain alerte des pinsons. Quelques hardis pierrots, sur l'herbe de la sente, S'aimaient, le bec ouvert et l'aile frémissante. Elle sentait partout, sous le bois reverdi, Courir et palpiter un souffle ardent et tendre ; Alors, levant les yeux vers le ciel, elle dit : « Amour ! l'homme est trop bas pour jamais te comprendre ! »

Propos des rues

Quand sur le boulevard je vais flâner un brin, Combien de fois j'entends, sans mourir de chagrin, Deux messieurs décorés, qui semblent fort capables, Causer, en se faisant des sourires aimables.

PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ

Comment, c'est vous ?

DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ

                    Par quel hasard ?

PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ

                                   Et la santé ?

DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ

Pas mal, et vous ?