PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ
DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ
PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ
S'il peut continuer, nous aurons un été
Magnifique !
DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ
PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ
Demain je vais à l'herbe !
Dans ma propriété.
DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ
C'est le moment, tout part.
PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ
Oui. – Chez moi les lilas ont un peu de retard ;
Le fond de l'air est sec et les nuits sont très fraîches.
DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ
Voici la lune rousse. Aurez-vous bien des pêches ?
PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ
DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ
PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ
DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ
PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ
DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ
Oh ! par le temps qui court,
Tout le monde est malade. – Avez-vous vu le drame
De Machin ?
PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ
Moi ? – Non pas – Qu'en dit-on ?
DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ
Presque un four.
Ce n'est pas assez fait au courant de la plume.
Ce n'est point du Sardou. Très fort, Sardou !
PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ
DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ
Machin s'applique trop. C'est bon dans un volume,
On y remarque moins le travail et l'effort ;
Mais au théâtre il faut écrire comme on cause.
PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ
Moi je reprends Feuillet. En voilà, de la prose !
Quand à tous les faiseurs de livres d'aujourd'hui
Je m'en prive. – Je n'ai plus l'âge où l'on peut lire
Beaucoup ; et mon journal suffit à mon ennui.
DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ
Le journal… et… le sexe !…
– Ils ont ce petit rire
Par lequel on avoue un vice comme il faut. –
DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ
PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ
Oh ! ça non. – Je n'ai pas ce défaut.
DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ
Et vous vous occupez toujours de politique ?
PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ
Beaucoup, c'est même là ma consolation !
DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ
Oh ! consacrer sa vie à la Chose publique,
Certes, c'est une grande et noble ambition.
Nous avons maintenant une fière phalange
D'orateurs à la Chambre.
PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ
Ils sont très forts, très forts.
DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ
Mais quel malheur que Thiers et Changarnier soient morts !
À propos, lisez-vous ce Zola ?
PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ
DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ
Et l'on viendra se plaindre après que tout est cher,
Et qu'on fraude, et qu'on trompe, et qu'on vole, et qu'on pille !
On sape la morale, on détruit la famille.
Où tombons-nous ?
PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ
Hélas !… Allons, adieu mon cher,
L'heure me presse.
DEUXIÈME MONSIEUR DÉCORÉ
Adieu. Compliments à madame.
PREMIER MONSIEUR DÉCORÉ
Je n'y manquerai pas. Mes respects, s'il vous plaît,
À votre demoiselle.
– Et chacun s'en allait. –
Et des prêtres savants disent qu'ils ont une âme !
Et que s'il est un signe où l'on voit sûrement
Qu'un Dieu fit naître l'homme au-dessus de la bête,
C'est qu'il mit la pensée auguste dans sa tête,
Et que ce noble esprit progresse incessamment !
Mais voilà si longtemps que ce vieux monde existe,
Et la sottise humaine obstinément persiste !
Entre l'homme et le veau si mon cœur hésitait,
Ma raison saurait bien le choix qu'il faudrait faire !
Car je ne comprends pas, ô cuistres, qu'on préfère
La bêtise qui parle à celle qui se tait !