S’il me faut expliquer un si long verbiage
Je serai si tu veux l’ami... de ton ménage.
Non daté.
Fête de la Saint-Polycarpe
Monsieur Flaubert, en ce beau jour de fête
Retrempez-vous dans l’sein d’vos amis,
Pour que d’leurs voeux, elle soit l’interprète
Ils ont fait v’nir un’ artist’ de Paris.
Monsieur Flaubert, votre patron se nomme
Saint Polycarpe, un saint bien distingué.
On dit partout que c’était un brave homme
Mais il paraît qu’il n’était pas très gai.
Il s’écriait, ce pauvre Polycarpe,
En ce bas mond’ tout va de mal en pis
Et cependant il pince de la harpe,
Tout comme un autre au sein du Paradis.
Monsieur Flaubert vous ferez d’la musique
Aussi là-haut quand vous serez péri
Car vous avez un chic ecclésiastique
A fair’ dresser les ch’veux de Jules Ferry.
En attendant coulez des jours prospères
Que mille fleurs naissent dessous vos pieds,
N’oubliez pas que Dieu dit à nos pères
Ces mots sublimes : “Croisset, multipliez.”
Rappelez-vous qu’ici-bas dans la vie
Il est bon d’faire chaque chose à son tour
Nous avons eu les enfants d’vot’génie,
Nous voulons voir les enfants d’vot’amour.
Mais dans nos voeux n’oublions pas la France,
Formons pour elle les souhaits les plus doux
N’est-elle pas notre unique espérance,
N’est-elle pas notre mère à nous tous ?
Monsieur Flaubert, acceptez cette page
Où notre coeur se montre à vous sans fard.
Pour vous en faire un plus brillant hommage
On attendait Madam’ Sarah Bernardt.
N’dédaignez pas celle qui la remplace
Depuis huit jours son temps ne se passe qu’à
Faire du trapèz’, prendr’ des douch’s à la glace,
C’est vot’ servant’, c’est Madame Pasca.
Non daté.
Vers d’album
Lorsque j’ai bien dîné, je me sens tout morose,
Et fort embarrassé d’écrire quelque chose.
Non daté.
Enfant, pourquoi pleurer ?
Enfant, pourquoi pleurer, puisque sur ton passage
On écarte toujours les ronces du chemin ?
Une larme fait mal sur un jeune visage,
Cueille et tresse les fleurs qu’on jette sous ta main.
Chante, petit enfant, toute chose a son heure ;
Va de ton pied léger, par le sentier fleuri ;
Tout paraît s’attrister sitôt que l’enfant pleure,
Et tout paraît heureux lorsque l’enfant sourit.
Comme un rayon joyeux ton rire doit éclore,
Et l’oiseau doit chanter sous l’ombre des berceaux,
Car le bon Dieu là-haut écoute dès l’aurore
Le rire des enfants et le chant des oiseaux.
Ajaccio, 1880
Le moulin
(Fragment)
... Tandis que devant moi,
Dans la clarté douteuse où s’ébauchait sa forme,
Debout sur le coteau comme un monstre vivant
Dont la lune sur l’herbe étalait l’ombre énorme,
Un immense moulin tournait ses bras au vent.
D’où vient qu’alors je vis, comme on voit dans un songe
Quelque corps effrayant qui se dresse et s’allonge
Jusqu’à toucher du front le lointain firmament,
Le vieux moulin grandir si démesurément
Que ses bras, tournoyant avec un bruit de voiles,
Tout à coup se perdaient au milieu des étoiles,
Pour retomber, brillant d’une poussière d’or
Qu’ils avaient dérobée aux robes des comètes ?
Puis, comme pour revoir leurs sublimes conquêtes,
A peine descendus, ils remontaient encor.
Non daté.
Sabbat
Imité de l’alemand
La lune traîne
Ses longs rayons,
Et sur les monts
Et dans la plaine,
Entendez-vous
Ce bruit étrange ?
C’est la phalange
Des loups-garous.
La ronde des sorcières
Tourne,
Tourne,
Tourne,
Tourne,
La ronde des sorcières
Tourne sur les bruyères.
Par sauts, par bonds,
Viennent les gnomes ;
Fuis les fantômes,
Puis les démons ;
Et pour la danse
Plus d’un pendu
Est descendu
De la potence.
Tous ces êtres hideux
Tournent,
Tournent,
Tournent,
Tournent,
Tous ces êtres hideux
Tournent autour des feux.
Ce sont vos fêtes,
Venez, damnés !
Guillotinés,
Portez vos têtes !
Et vous, corbeaux,
Criez de joie,
Car votre proie
Sort des tombeaux.