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Il cherchait son histoire en regardant ses bas. Élégante ? Beaucoup le sont. – La destinée L'avait-elle fait naître en haut ou bien en bas ? Pauvre mais déshonnête, ou sage et fortunée ?
Mais, comme elle entendait un pas suivre le sien, Elle se retourna. C'était une merveille. Il sentit en son cœur naître comme un lien Et voulut lui parler, sachant bien que l'oreille
Est le chemin de l'âme. Ils furent séparés Par un attroupement au détour d'une rue. Lorsqu'il eut bien maudit les badauds désœuvrés Et qu'il chercha sa dame, elle était disparue.
Il ressentit d'abord un véritable ennui, Puis, comme une âme en peine, erra de place en place, Se rafraîchit le front aux fontaines Wallace, Et rentra se coucher fort avant dans la nuit.
Vous direz qu'il avait l'âme trop ingénue ; Si l'on ne rêvait point, que ferait-on souvent ? Mais n'est-il pas charmant, lorsque gémit le vent, De rêver, près du feu, d'une belle inconnue ?
De ce moment si court, huit jours il fut heureux. Autour de lui dansait l'essaim brillant des songes Qui sans cesse éveillait en son cœur amoureux Les pensers les plus doux et les plus doux mensonges.
Ses rêves étaient sots à dormir tout debout ; Il bâtissait sans fin de grandes aventures. Lorsque l'âme est naïve et qu'un sang jeune bout, Notre espoir se nourrit aux folles impostures.
Il la suivait alors aux pays étrangers ; Ensemble ils visitaient les plaines de l'Hellade Et comme un chevalier d'une ancienne ballade Il l'arrachait toujours à d'étranges dangers.
Parfois au flanc des monts, au bord d'un précipice, Ils allaient échangeant de doux propos d'amour ; Souvent même il savait saisir l'instant propice
Pour ravir un baiser qu'on lui rendait toujours.
Puis, les mains dans les mains, et penchés aux portières D'une chaise de poste emportée au galop, Ils restaient là songeurs durant des nuits entières, Car la lune brillait et se mirait dans l'eau.
Tantôt il la voyait, rêveuse châtelaine, Aux balustres sculptés des gothiques balcons ; Tantôt folle et légère et suivant par la plaine Le lévrier rapide ou le vol des faucons.
Page, il avait l'esprit de se faire aimer d'elle ; La dame au vieux baron était vite infidèle. Il la suivait partout, et dans les grands bois sourds Avec sa châtelaine il s'égarait toujours.
Pendant huit jours entiers il rêva de la sorte, À ses meilleurs amis il défendait sa porte ; Ne recevait personne, et quelquefois, le soir, Sur un vieux banc désert, seul, il allait s'asseoir.
Un matin, il était encore de bonne heure, Il s'éveillait, bâillant et se frottant les yeux ; Une troupe d'amis envahit sa demeure Parlant tous à la fois, avec des cris joyeux.
Le plan du jour était d'aller à la campagne, D'essayer un canot et d'errer dans les bois, De scandaliser fort les honnêtes bourgeois, Et de dîner sur l'herbe avec glace et champagne.
Il répondit d'abord, plein d'un parfait dédain, Que leur fête pour lui n'était guère attrayante ; Mais quand il vit partir la cohorte bruyante, Et qu'il se trouva seul, il réfléchit soudain
Qu'on est bien pour songer sur les berges fleuries ; Et que l'eau qui s'écoule et fuit en murmurant Soulève mollement les tristes rêveries Comme des rameaux morts qu'emporte le courant ;
Et que c'est une ivresse entraînante et profonde De courir au hasard et boire à pleins poumons Le grand air libre et pur qui va des prés aux monts, L'âpre senteur des foins et la fraîcheur de l'onde ;
Que la rive murmure et fait un bruit charmant, Qu'aux chansons des rameurs les peines sont bercées, Et que l'esprit s'égare et flotte doucement, Comme au courant du fleuve, au courant des pensées.
Alors il appela son groom, sauta du lit, S'habilla, déjeuna, se rendit à la gare, Partit tranquillement en fumant un cigare, Et retrouva bientôt tout son monde à Marly.
Des larmes de la nuit la plaine était humide ; Une brume légère au loin flottait encor ; Les gais oiseaux chantaient ; et le beau soleil d'or Jetait mainte étincelle à l'eau fraîche et limpide.
Lorsque la sève monte et que le bois verdit, Que de tous les côtés la grande vie éclate, Quand au soleil levant tout chante et resplendit, Le corps est plein de joie et l'âme se dilate.
Il est vrai qu'il avait noblement déjeuné, Quelques vapeurs de vin lui montaient à la tête ; L'air des champs pour finir lui mit le cœur en fête, Quand au courant du fleuve il se vit entraîné.
Le canot lentement allait à la dérive ; Un vent léger faisait murmurer les roseaux, Peuple frêle et chantant qui grandit sur la rive Et qui puise son âme au sein calme des eaux.
Vint le tour des rameurs, et, suivant la coutume, Leur chant rythmé frappa l'écho des environs ; Et, conduits par la voix, dans l'eau blanche d'écume De moment en moment tombaient les avirons.
Enfin, comme on songeait à gagner la cuisine, D'autres canots soudain passèrent auprès d'eux ; Un rire aigu partit d'une barque voisine Et s'en vint droit au cœur frapper mon amoureux.