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Y a de l’effervescence (de térébenthine) dans la délicieuse maisonnette.

Une qu’est admirable dans le rôle de la Dame aux Camélias qui verrait canner le père Duval d’une crise d’apoplexie, c’est Li Pût ! Elle pleure de vraies larmes. Elle pousse des cris de terreur. Elle dit qu’il faut absolument appeler la police, un médecin, les pompes funèbres, le muezzin d’à côté, le gouverneur de Malaga et d’autres gens encore. Son factotum la calme en lui tapotant le dos. Il la conjure de se ressaisir, d’être courageuse… Il tient conseil avec les sbires du défunt. Est-ce une bonne chose que d’alerter les autorités ? Ce décès entre les bras d’une Chinoise ne risque-t-il point de mal la foutre dans le royaume du prince ? On a vu des révolutions éclater pour moins que ça. Annoncer au monde qu’il a défunté comme un cardinal dans la couche d’une dame de minuscule vertu, c’est pas bon pour la postérité. Il a pas de conseils à leur donner, Koû d’Ban Boû, mais ça serait son prince à lui comment qu’il le rabattrait au palais en quatrième vitesse et déclarerait bien haut que Sa Majesté a eu un malaise en descendant de Rolls Royce. S’ils attendent trop, elle va raidir, l’altesse, et après, pour ce qui est de la trimbaler, ils pourront toujours galoper, ces petits canaillous. Qu’alors bon, ils admettent. Le futé au talkie-walkie consulte le petit vizir (le grand est à la pêche). Le petit vizir, il règle sa montre sur celle de Koû d’Ban Boû. Oui, oui, ramenez le prince rapidos et tâchez que personne le voie clamsé.

Elle est bonnarde, la combine de Lili Pute. Ses clients clabotent de mort naturelle, ensuite la famille et les familiers écrasent le coup parce que les circonstances ne sont pas reluisantes.

La rouée continue son cinoche. Elle chique à la terreur noire. Elle veut prévenir la terre entière ! Qu’en fin de compte, le petit vizir, de nouveau alerté, s’engage à lui faire porter d’urgence une ceinture en or massif rehaussée d’émeraudes grosses comme des œufs de pigeonne. Celle-là même que portait la princesse Rézéda au mariage du Grand Glandu avec Lady Di.

Li Pût fait dire qu’elle est traumatisée abominablement par ce décès survenu au débotté. La ceinture dorée ne vaut pas une bonne renommée. Si la chose transpire, sa carrière est foutue. Elle exige dix millions de pesetas pour aller se refaire un moral ailleurs. Le petit vizir prend sur lui. Banco !

Ensuite, les deux gardes du corps emmènent celui-ci (de corps). Quand ce petit monde est parti, Lili demande à son péone de lui servir un Drambuie double sur de la glace pilée ; ajoutant qu’elle l’a bien mérité.

Puis elle m’embrasse longuement, passionnément.

— Tu seras ma seule faiblesse, me dit-elle.

(LA) DEUXIÈME (EST) PARTIE (AUSSI)

SA PISTE

Ils débarquèrent à l’aéroport international de Kuala Lumpur au petit matin. En sortant de l’avion, ils furent suffoqués par la chaleur écrasant la piste de ciment. Elle était si intense qu’elle en paraissait « palpable ». Ils s’arrêtèrent sous l’aile géante de l’avion et eurent tous trois une profonde aspiration.

— Je n’aurais pas dû mettre mon Rasurel, murmura César Pinaud.

— J’ai soif ! répondit Alexandre-Benoît Bérurier.

Marie-Marie ne proféra pas un son, mais elle entrouvrit la bouche, espérant capter davantage d’oxygène. Vaine tentative : l’air déjà brûlant restait irrespirable.

« Qu’est-ce que ce sera dans l’après-midi ! » songea-t-elle.

Ils suivirent le flot des voyageurs jusqu’au bus bas sur pattes assurant la liaison avec le bâtiment d’arrivée. Il y flottait une curieuse odeur d’épices et de sueur.

— Ça fouette ! remarqua Béru, sans réaliser qu’il apportait une puissante contribution aux remugles du véhicule.

Quelques minutes plus tard, ils produisaient leurs passeports à des policiers malais. Ensuite, ils passèrent la douane. Un fonctionnaire décharné ordonna au Gros d’ouvrir sa valtoche, ce que Béru fit en grommelant qu’il était malheureux de se faire casser les couilles par un enculé de « niacouet ». Fort heureusement, le préposé ne parlait que le malais, l’anglais et un peu de tamil. Il considéra avec écœurement : les deux chemises tachées, la paire de chaussettes trouées et dépareillées, le jean portant aux fesses une trace indélébile de fer à repasser (Berthe s’était fait mettre par le facteur des recommandés tandis qu’elle repassait le futal), le tee-shirt vert sur lequel était écrit « I (cœur) beaujolpif », la paire d’espadrilles décordées et la serviette de toilette d’un blanc gris et jaune servant à envelopper un rasoir mécanique, un blaireau ne comportant plus que seize poils et un moignon de savon à barbe. Par souci de faire chier expressément ce voyageur obèse et sanguin, visiblement trop nourri, il avait vidé sur le sol la bouteille d’Arquebuse de Notre-Dame-de-l’Ermitage (50°), distillée par les soins éclairés de la Société Guyot, quai Perrache à Lyon.

— Sale con ! C’est ma pharmacie ! avait meuglé le Mammouth.

Le douanier n’en avait eu cure. Sur les instances de sa nièce et de son vieux compagnon d’équipée, Bérurier avait rongé son frein à main.

Ayant remis ses effets en place, il avait seulement demandé au douanier malais, d’un ton qui en disait long comme une quéquette de cheval sur ses sentiments à son endroit :

— Ça boume, oui ? Tout est en bonnet difforme ?

Après quoi, le trio s’était mis à la recherche d’un hôtel.

Ils descendirent à l’hôtel Shavâtihoushavatipah, sur l’avenue du 32 Septembre, l’une des principales artères fémorales de Kuala Lumpur. Ils y prirent deux chambres. L’une double, pour Béru et Pinuche, l’autre simple pour Marie-Marie. Et bien que cette seconde pièce fût la plus exiguë des deux, c’est là qu’ils tinrent conseil avant de se lancer dans l’une des aventures les plus extravagantes et les plus téméraires du XXIe siècle.

Marie-Marie se tint assise à la petite table de faux acajou, dans l’attitude qui lui était habituelle pour faire la classe à une trentaine de petits connards qui ne se rappelaient de Louis XIV que sa perruque et de Napoléon 1er que son prénom qui était Bonaparte. Béru prit l’unique fauteuil de la chambre ; quant à Pinaud, il déposa son cul monacal sur le porte-valise à claire-voie car il s’était toujours montré clairvoyant.

— Mes chéris, attaqua Marie-Marie, nous voici donc à pied d’œuvre. Je vous rappelle que d’après les renseignements que vous avez pu réunir, nous savons que les deux Chinois et Tonio ont quitté Malaga pour Londres. De là, ils ont pris un vol pour Hong Kong. Ils ont séjourné quatre jours à Hong Kong avant de s’envoler pour Kuala Lumpur. Il semble qu’ils n’en ont plus bougé. Là s’arrête leur piste. Cela dit, il n’est pas impossible qu’ils aient emprunté un autre mode de locomotion pour quitter la Malaisie : le train ou la voiture pour se rendre en Thaïlande par exemple ; le bateau pour aller ailleurs. C’est ce qu’il va nous falloir déterminer.

« Je suis convaincue qu’Antoine est toujours vivant. S’ils avaient voulu le tuer, ils ne lui auraient pas fait parcourir toutes ces distances. Trois mystères restent posés. Le premier : pourquoi ces Chinois l’emmènent-ils dans tous leurs déplacements ? Secundo : comment se fait-il qu’il accepte de les suivre ? Car, selon les témoignages recueillis, il voyage avec eux “normalement” et sous son nom, avec ses propres papiers. Troisio : s’il jouit d’une certaine liberté, comment se fait-il qu’il n’ait donné signe de vie à personne ? Ni à maman Félicie, ni à moi ! »

Elle eut des larmes plein les yeux et sa voix s’étrangla. Ses deux compagnons respectèrent d’autant plus son émotion qu’ils la partageaient. Un ange passa à tire-d’aile, buta contre la suspension de verre et disparut.