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Mamie Swan est en plein turlututu quand, par l’autre porte-fenêtre, surgit un autre couple.

Pas la peine d’allumer le plein feu, t’as déjà pigé ? Ou sinon c’est que tu es encore plus con qu’il n’est précisé dans ta biographie.

En effet, l’autre couple se compose bel et bien de l’ambassadeur et de Li Pût.

Un rideau d’harmonicas à fleurs archiduques nous sépare de lui. Une seconde séance amoureuse s’organise. Leçon d’amour dans un parc suspendu ! Ma chère splendeur lui confectionne de ces agaceries mijotées qui, d’emblée, lui valent les compliments du jury à l’unanimité, plus la voix du père Swan. C’est si extraordinairement very delicious qu’il en pousse des râles comme quand il morflera son infarct, le diplomate à la crème ! Il dit comme ça : « Ahowrrrr ! Braouhhh ! Sllllowwww ! Hurk ! » Un vrai Comanche sur le chantier de la guerre, ou le sentier de naguère.

A mon tour, voulant pas négliger madame, et puisqu’elle m’a stratifié l’Angélique, je la récompense d’un coup de guisot magistral, que tant pis pour la robe-fourreau remontée tant mal que bien jusqu’à son double menton. On forme un bath quatuor à cordes (vocales). Au programme : « La flûte enchantée et la Symphonie Fantastique ».

A un certain moment, un vieux diplomate hachuré se pointe sur la terrasse pour fumer un cigare. Ce qu’il constate le met en fuite ; et c’est tout bénef pour ses éponges parce que la nicotine, merci bien, tu sais à quoi ça conduit ?

Bref, on réussit à se dévergonder le couple au-delà de nos espérances. M. et Mme Swan se retrouvent à la fin de leurs ébats. Li Pût aide obligeamment l’ambassadrice à se requinquer. Les deux époux paraissent très tolérants, ils se congratulent réciproquement pour le panard géant qu’ils viennent de prendre au débotté, si je puis dire. Ils nous assurent de leur plus vive reconnaissance. Bien que provisoirement rassasiés, ils prévoient l’avenir. Et quand t’est-ce qu’on se revoit, tout ça ? Pile ce que souhaitait Lili Pute. On fait comme les Arabes travaillant dans les palmeraies : on prend datte !

— Ah ! chéri, tu as été inouï, m’assure Li Pût un peu plus tard. Travailler avec toi devient de l’art.

SA MISSION (toujours elle)

— T’es d’une pâleur cave d’Amérique, ma gosse ; déclare tonton Béru, soucieux. Si tu continueras à t’bouffer l’sang, t’vas d’viendre poitrinaire comm’ la Dame aux Bégonias. Faut qu’on va rentrer, ma loute. Y vont finir par t’virer de l’Enseignage à force d’absenter. L’Sana, il est court-juté, on n’y peut rien. Y s’plaît dans sa nouvelle vie au point d’m’fout’ su’ la gueule quand t’est-ce je lu précone de rentrer. Un jour ça lu passera, y reviendra d’son erreur…

La pauvrette fait « non non » de la tête.

— Il faut s’emparer de lui par la force, mon oncle ! déclare-t-elle. Il est en danger. Cette Chinoise est une meurtrière qui l’a réduit à merci. Je sens que son charme n’est pas le seul facteur de séduction. Elle le drogue fatalement ! N’est-ce pas, oncle César ?

— J’en ai la conviction, admet Baderne-Baderne. Souviens-toi de son regard, Alexandre-Benoît : ce n’était plus le sien, mais celui d’un illuminé.

— Donc, nous devons le sauver.

Le Surgonflé hausse les épaules.

— Souate, mes braves, admettons qu’y soye camé, seul’ment la drogue t’fait pas aimer qui qu’t’aime pas. Pardonn’-moi si j’m’escuse, môme, mais le Tonio est fou d’cette pécore-crème-vanille ! Ça s’voiliait.

— Il en est fou artificiellement ! s’obstine Marie-Marie. Il en est fou parce qu’on lui fait prendre des produits ayant une action biochimique sur les neurones de son cerveau.

L’Inconvaincant commence à trouver qu’on lui pompe l’air avec les états d’âme artificiels de San-Antonio. Son crochet dans la clape lui est resté sur l’estomac, puis-je me permettre d’ainsi m’exprimer ? Oui ? Bon, merci.

— Les neurones à ton grand glandeur, j’en ai plein l’cul, ma fille ! J’te dis qu’not’ pot’ est plus not’ pote. Il a viré voyou pour sa miss Jaunisse, un point c’est tout à la ligne.

— Les voilà ! annonce soudain Pinuche.

Ils se mettent à regarder en direction de la maison coloniale où loge le couple à Singapour. Leurs haleines ont embué les vitres de la Honda où ils se tiennent. Ils y pratiquent de discrètes meurtrières du bout des doigts.

En silence, ils voient sortir San-Antonio et Li Pût, enlacés. Le couple avance d’un pas rapide, cuisse contre cuisse, synchronisant voluptueusement leur marche.

— Pour un mec chnouffé, y tutube pas trop, ricane Bérurier.

Marie-Marie pleure en regardant s’éloigner les deux amants vers le centre de la ville.

— Si qu’on enlèverait ce connard, reprend l’Enflure, c’s’rait comme on dit en langage judicieux : un porte-voix de portefaix su’ sa personn’.

— Il ne s’appartient plus ! balbutie sa nièce d’un ton haché menu par les sanglots. Je vous jure qu’il faut le sauver !

— Eh ben vous l’sauverez sans moi ! déclare Béru tout net. Ecoutez : la Pine les a suvis à Poilala Autour[5] jusqu’à la raie-au-porc. Est-ce que l’Grand a r’chigné pour prend’ l’avion qui les a amenés z’ici ? Mes couilles ! Et je pèse mes mots. Et là, dis, il a l’air déclaveté, Marie-Marie ? Mords-me-les, la manière pâmeuse qu’ils vont ? Faut t’rend’ quand Lévy danse : y s’adorent. Tire un trait d’sus, ma péronnelle, t’en r’trouv’ras un aut’, un mieux. J’connais cent mecs qui rév’raient d’faire leur chourave d’toi, mon Trognon. N’s’rait-il que Francis Galurin, l’fils à mon pote d’régiment qu’est mat’lassier. Allez, zou, on a assez suffisamment traîné dans ces pays sans beaujolais ni rillettes. Quand j’pense qu’on paye l’voiliage av’c nos prop’ éconocroques ! A une époque qu’ le carbure d’vient rarissime !

Le couple, tout là-bas, a disparu, happé par le grouillement de l’immense port.

Marie-Marie essuie ses larmes, comme naguère elle a essuyé la buée sur la vitre.

Je te laisse méditer la splendeur d’une telle image que j’ai refusé de vendre à Epinal, bien qu’on m’en offrît une fortune.

— Ecoute, mon oncle, rentre, moi je reste. Je ne l’abandonnerai jamais, ayant l’intime conviction qu’il est en grand danger et qu’il ne s’appartient plus.

Pinaud se racle la gamelle.

— Je reste avec toi, Marie-Marie. Avant de quitter Paris, j’ai cousu quelques louis d’or que nous avions dans la doublure de ma veste. Nous les vendrons dans une banque, ce qui nous permettra de tenir le coup quelque temps encore.

Le Gravos se mord les lèvres, pète en souplesse après s’être penché sur la droite, tel un motocycliste négociant un virage.

— C’qu’v’pouvez t’être chiants, les deux ! déclare-t-il. Bon, on va l’rapter, ton grand vaurien, pisque t’es enragée !

— Merci, mon oncle.

— Mais, bordel de merde en branches, pourquoi t’est-ce qu’tu acharnes à croire en lui, mouflette ?

— Je l’aime. La preuve : c’est moi toute seule qui les ai retrouvés à Singapour.

— Bédame, t’as questionné tous les bagagisses de la raie-au-porc en leur montrant la photo de ces deux viceloques !

* * *

On est devenus inséparables, les Swan et nous deux. La partouzette maison, ils en raffolent, mes Ricains. Bien des couples fatigués se résolvent à cette pauvreté, manière de se stimuler la glandaille. A court de cinoche mental, ils passent aux splendeurs orientales : la scène épique du harem en folie interprétée par toute la troupe ! La cochonnerie géante, pour le confort des copulations.

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5

Béru veut parler de Kuala Lumpur.