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—  Méfie-toi de Hank, c’est le plus dangereux, dit Petersen. Pei tire mal.

—  Ne vous inquiétez pas. C’est l’heure, je crois. »

Quand il se présenta à la porte du parc 12, une foule bigarrée l’attendait, hommes et femmes mêlés. Inconsciemment il se redressa pour passer devant eux, la carabine à la main droite. Le prévôt l’attendait, en compagnie de ses deux adversaires et de l’arbitre.

« Selon la loi du Peuple des étoiles, vous allez combattre pour effacer les injures. Vos noms ?

—  Pei Kwang, technicien.

—  Hank Harrison, pilote.

—  Tinkar Holroy …

—  Planétaire, cria une voix.

—  Lieutenant de la Garde stellaire de Sa Majesté l’Empereur Ktius le Septième, acheva-t-il d’une voix calme.

—  Bien que le combat d’un seul homme contre deux soit peu fréquent, rien dans la loi ne l’interdit. Vous aurez chacun cinq cartouches par adversaire, ce qui signifie que vous, Holroy, en aurez dix. Vous allez gagner vos postes, et quand la fusée fumigène montera, vous commencerez le combat. Il ne se termina que par la mort du ou des combattants d’un des camps. Vous serez libres d’employer vos armes de la manière qui vous paraîtra bonne. Voici vos munitions. Allez ! »

Tinkar ne bougea pas. Il était déjà presque à son poste. L’arbitre se dirigea vers l’ascenseur qui le conduirait à la petite cabine suspendue, d’où il dominerait les allées et les bosquets. Le public se retira derrière des murs de transplex, montés le matin. Pei et Hank filèrent, applaudis par beaucoup.

« Tuez-le, Stelléens ! »

Le cri perça le brouhaha. Tinkar tourna vivement la tête. Au premier rang, la tête rousse de la nièce du teknor passait au-dessus de la barrière. Hank la salua.

Peu à peu, le silence se fit. Tinkar vérifia que son arme était prête à tirer, neuf coups dans le magasin, un dans le tonnerre. Alors, lentement, il se dirigea vers le bosquet qui était son vrai point de départ, et attendit, les yeux levés vers la voûte.

Il était très calme, comme toujours avant la bataille. Cette absurde bagarre pesait peu en face des périls qu’il avait déjà courus, il lui manquait seulement un compagnon d’armes. Il était isolé dans ce peuple hostile, à l’exception peut-être de deux personnes, dont il n’était même pas sûr. Oréna ? Était-il plus qu’un jouet pour elle ? Que cachait l’amitié subite du chimiste ?

Avec un fusement, le fumigène bondit vers la voûte, monta presque jusqu’au toit de métal, perdu dans l’irradiation, redescendit lentement, suspendu à son parachute, dériva lentement vers lui.

« Deux possibilités, pensa Tinkar. Les attendre, caché, ou aller à leur rencontre. La deuxième est mieux à mon goût. Allons-y. »

Il se glissa doucement vers la gauche, attentif à ne pas heurter des fourrés dont le mouvement l’aurait trahi, fila droit devant lui, vers le ruisseau qui roulait son eau toujours renouvelée, en circuit fermé. Il progressa par bonds, se collant à terre entre eux, écoutant, scrutant les frondaisons. Il déboucha sur une large allée transversale.

« Ils ne l’ont certainement pas encore atteinte et, comme elle va d’un mur à l’autre, ils la traverseront nécessairement. Attendons. »

Il resta longtemps immobile, arme prête, surveillant les deux côtés, masqué par une épaisse touffe d’herbe haute. Là-bas, à près de cent mètres, un bosquet remua légèrement et il concentra son attention sur lui. Au bout d’un moment, quelque chose de blanc bougea. Tout en continuant à jeter un coup d’œil de l’autre côté toutes les cinq secondes, il visa le bosquet. Une tête parut, l’espace d’un éclair, disparut, comme une tête de tortue rétractée dans la carapace. Cela avait suffi au Terrien : Pei ! Tinkar estima la largeur de l’espace nu (15 m), la pesanteur (0,90 g), les possibilités physiques de Pei. Sans élan, deux secondes au moins pour traverser. La vélocité moyenne de sa propre balle était de 800 m/s. C’était court, mais faisable. Il visa le bord opposé au bosquet.

Pei jaillit. Au dernier moment, en même temps qu’il tirait, Tinkar baissa sa visée, répugnant à tuer. L’homme roula, disparut dans les broussailles.

« Manqué ? » s’interrogea le Terrien. Il ne le pensait pas. Il avait été champion de tir, toutes armes, de la flotte impériale, et avait touché des cibles plus difficiles. Il rampa rapidement, s’éloignant du lieu où un petit nuage de fumée légère indiquait encore sa présence.

Pwiououn !

La balle siffla trop haut et à droite. Il scruta rapidement le paysage, vit une petite boule bleue se dissolvant dans l’atmosphère, tira, deux fois, en éventail, rampa un peu plus loin.

Plus que six balles contre quatre, à moins que Pei ne soit pas gravement touché, ou que l’autre utilise ses munitions. Mais non, c’était interdit par les règlements.

Il se déplaça, contournant le point où Pei était tombé, tout en restant en vue de l’allée. L’attaque le surprit presque. En face de lui, une silhouette se dressa, à vingt mètres, arme épaulée. Il roula de côté, sentit le projectile s’enfoncer dans le sol à quelques centimètres de lui, l’éclaboussant de graviers, tira sans viser, roula à nouveau derrière des arbustes. Entre les troncs, il entrevit Hank courant de toutes ses forces, traversant l’allée en diagonale, mais les branches l’empêchèrent de tirer. Il bondit à son tour dans l’autre sens, vit les cailloux de l’allée jaillir devant lui au moment où il plongeait dans les herbes.

Cinq balles contre trois ! Heureusement que Pei n’était qu’un amateur !

Il rampa, attentif à ne pas faire osciller les broussailles qui le cachaient, s’embusqua de nouveau.

« Il ne vise pas très bien, mais sait approcher. Comment a-t-il fait pour que je ne voie rien ? »

Vers la droite, il trouva un petit ravinement profond d’un demi-mètre.

« Voilà ce que c’est que de bien connaître le terrain ! Ce qu’un homme a fait, un autre peut le faire. Mais est-il assez familier avec ce parc pour repérer de loin ce caniveau ? Bah ! essayons ! »

Il revint vers l’allée, où la tranchée s’arrêtait, continuée par un tuyau trop petit pour qu’il y passât. Il tira de sa poche un mouchoir, le déchira en lanières, étouffant le bruit, attacha la corde ainsi obtenue au tronc d’un arbuste, revint dans le creux, tira légèrement. L’arbuste remua comme si quelqu’un l’avait heurté par mégarde. Rien. Il attendit, secouant de temps en temps la corde. Les minutes coulèrent …

Une détonation, toute proche, le fit sursauter. Il leva la tête, tira sans viser sur la fumée. Un hurlement déchirant creva le silence. Il se dressa sur ses coudes, sentit un choc violent à l’épaule, n’entendit le coup que bien après.

« Fou ! Triple idiot ! Se laisser prendre si bêtement ! »

Le sang coulait, gluant et tiède, le long de son bras gauche. Il remua l’épaule doucement, grimaça de douleur.

« Rien de cassé, la balle a simplement traversé ou effleuré les chairs », pensa-t-il tout en rampant aussi vite qu’il le pouvait, s’attendant d’un moment à l’autre à voir la face de Hank penchée sur son fusil. Au bout de quelques mètres, il s’arrêta, se retourna, écouta. À part un léger bruissement loin derrière lui, tout était silencieux. Il continua à avancer, ne voulant pas que son bras blessé se raidisse, parvint au bout du parc, près du mur transparent. Deux Stelléens le regardaient, impassibles. L’un d’eux montra la tache de sang qui s’élargissait sur sa chemise. Il leur sourit, puis continua sa progression.

L’allée transversale l’arrêta. Il réfléchit un moment devant elle. Hank n’avait plus qu’une balle, alors qu’il lui en restait quatre. S’il arrivait à le forcer à tirer cette dernière cartouche, l’autre serait à sa merci. Avec précaution, il enleva sa chemise, explora la plaie, profond sillon dans le deltoïde. Le sang coulait encore, et il était impossible, placée comme elle l’était, de bander la blessure sans immobiliser le bras.