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Tinkar un geste d’indifférence.

« Que m’importe ? Quelle qu’en soit l’origine, le fait est là. Iolia est morte, par ma faute et par la vôtre. Je me moque du futur du Peuple des étoiles, et c’est uniquement en souvenir d’Iolia et des pèlerins que je vous donne ces plans.

—  Pouvons-nous faire quelque chose pour toi ?

—  Oui, me ramener à la Terre.

—  Cela pourrait être dangereux pour le Tilsin.

—  Pas maintenant que vous avez des traceurs. Vous me laisserez dans l’espace, à portée de vedette de la planète.

—  J’avais espéré que tu pourrais t’intégrer à nous, Tinkar, fit Tan avec regret. Nous avons besoin d’hommes de ta valeur, pour contenir les Mpfifis. Et Anaena …

—  Je ne me laisserai pas acheter, pas plus avec une femme qu’avec des honneurs ou du pouvoir.

—  Et Anaena aura du chagrin, continua tranquillement le teknor. Me crois-tu assez bas pour proposer ma nièce en marché ?

—  Tu le vois, nous n’arriverons jamais à nous comprendre. Il vaut mieux que je retourne vers les miens.

—  Soit. Je te reverrai avant ton départ. »

La Terre tournait sous lui, la vraie Terre des hommes, dévoilant par les trous des nuages ses contours familiers. Quelques minutes plus tôt, il avait pris contact par radio, reçu ses ordres d’atterrissage. Dans trois heures, il toucherait le sol natal, mais cette idée le laissait froid.

« Tu reviendras, Tinkar, avait dit Holonas quand il était allé lui faire ses adieux. Tu es devenu plus Stelléen que tu ne le crois, et tu laisses ici trop de toi-même pour pouvoir l’abandonner à jamais. Tu as grandi, aussi. Si j’ai bien compris les leçons de l’Histoire, tu n’aimeras guère mieux ce que tu vas trouver que ce que tu avais quitté, et que tu as appris, chez nous, à mépriser. »

« Tu reviendras, Tinkar, avait dit le teknor. L’Empire écroulé, rien n’est plus à ta taille sur cette planète. Et tu trouveras un Tilsin transformé. Nul à bord ne pourra oublier qu’il te doit la vie ! »

« Tu reviendras, Tinkar, avait dit Anaena. Tu reviendras parce que je t’aime ! »

Il en doutait. Si changée que soit la Terre, c’était néanmoins son monde, sa civilisation. Petit à petit il oublierait. Il n’y avait que deux mois qu’Iolia était morte, et déjà il pouvait penser à elle sans devenir fou. Oh ! la douleur ne disparaîtrait jamais, le vide ne serait jamais comblé. Mais il devait y avoir tellement à faire sur la Terre …

Il se remémora ce que lui avait appris l’écoute des postes terrestres. L’Empire était tombé. Il ignorait encore les circonstances de sa chute, mais le Conseil qui gouvernait maintenant la planète ne cessait de lancer des appels aux derniers impériaux, leur demandant de cesser le combat, de se rallier pour reconstruire.

Le moment vint où l’astroport lui donna l’ordre d’atterrir. Il glissa lentement au-dessus du continent européen, effaré par les destructions qu’il pouvait voir partout. Br’lin, Lyon, Marseï n’étaient que ruines. Impéria apparut enfin, à cheval sur le détroit qui séparait l’Europe de l’Afrique. Les grands ponts intercontinentaux étaient écroulés, peu de navires voguaient sur la mer. Sur la rive sud, là où le palais impérial avait dressé son orgueilleuse silhouette sur le ciel, un vaste cratère s’ouvrait. L’astroport apparut enfin, immense étendue de béton, sur laquelle autrefois fourmillaient croiseurs ou éclaireurs. Il était presque vide maintenant, et, à gauche, des amas de ferraille rouillée marquaient la place de la tour de contrôle. Une petite tour, dérisoire, à peine haute de cent mètres, portait maintenant les antennes directrices.

Il eut un coup au cœur : là, coque cabossée, mais presque intact, le Scorpion, son torpilleur ! Il l’aurait reconnu entre mille. Nul autre n’avait cette proue effilée, ces deux tourelles doubles escamotables un peu en arrière du maître-beau.

« Ce vieux Scorpion ! Il en est sorti vivant ! »

Qui le commandait maintenant ? Un de ses anciens camarades ? Un inconnu ? Il fit piquer la vedette, négligeant les signaux, atterrit à côté de lui, sauta sur le sol. Il courut sur le béton craquelé, colla sa joue contre l’acier chauffé de soleil.

« Eh là ! Qu’est-ce qui vous prend ? Nous aurions pu vous tirer dessus, savez-vous ? »

Une voiture venait de s’arrêter près de lui, avec quatre hommes.

« Tinkar ! On me l’avait dit, mais je ne l’avais pas cru ! Où étais-tu pendant tout ce temps ? On t’avait porté disparu ! »

Per Erikson lui souriait derrière le pare-brise.

« Je te raconterai.

—  Tu viens te rendre ?

—  Peut-être. J’ignore tout de la situation.

—  Monte. Je t’expliquerai.

—  Qui commande le Scorpion ?

—  Moi. Mais nous ne naviguons plus guère. Autre chose à faire. Tu sais que l’Empire est fini ? Le peuple a pris le pouvoir, et nous sommes gouvernés par le Conseil. Il n’y a plus de nobles.

—  Et tu es dans leur armée ?

—  Je n’avais jamais été un très fanatique partisan de l’ordre ancien. J’étais même suspect, pendant les derniers temps. Je me suis rendu presque tout de suite. Et toi ?

—  J’ai fait pire, mentit Tinkar. Je n’ai pas délivré les ordres à la 7e flotte. Tiens, les voilà ! »

Il tira de sa veste le pli intact, où luisait le sceau impérial.

« Magnifique ! Tu vas être reçu à bras ouverts ! Si la 7e flotte était arrivée, tout aurait pu changer. Mais je ne t’aurais pas cru du côté des insurgés.

—  Te souviens-tu de Hékor ?

—  C’était ton ami, n’est-ce pas ? Je comprends.

—  Qui gouverne ?

—  Il y a Jon Simak, Louis Lantier, Herman Schwabe. Les autres, tu ne les connaissais pas. »

Mentalement, Tinkar fit la grimace. Trois anciens généraux, célèbres dans tout l’Empire pour leur vénalité, et leur soif de pouvoir.

« Je croyais que le peuple …

—  Le Conseil gouverne au nom du peuple, coupa Erikson, lui donnant un coup dans les côtes. Tout à l’heure, tu vas être interrogé sur tes aventures. Pour le moment, as-tu déjeuné ? Non ? Eh bien, nous allons le faire ensemble. »

Le mess occupait une baraque de planches et de tôles. Le repas fut copieux, mais médiocre.

« Raconte-moi ce que tu as fait. Je ne devrais pas en parler avec toi, mais … »

Erikson se pencha en avant, confidentiel.

« Nous, anciens de la Garde stellaire, nous devons nous serrer les coudes. Tu sais peut-être des choses qui seraient dangereuses pour toi. Je t’indiquerai lesquelles, le cas échéant.

—  Oh ! Je ne crois pas avoir grand-chose à craindre. Après avoir reçu mes ordres, j’ai décollé, pris la route de Fomalhaut, puis, hors de portée de détection, j’ai changé de cap, volé jusqu’à la limite de l’Empire, puis atterri sur une planète humaine.

—  Une de la première colonisation ? Comment vont les choses, là-bas ?

—  Pas mal ! J’ai été bien reçu, quoique j’aie fait exploser mon navire. Une de leurs astronef m’a ramené hier, et m’a laissé à deux millions de kilomètres de la Terre dans une de leurs vedettes.

—  Sont-ils forts ?

—  L’Empire, lors de sa plus grande puissance, aurait pu les écraser. Maintenant, nous ferons bien de les laisser en paix. Il y a là une confédération de plus de cent planètes. Ils ont quelques alliés non humains, aussi. »