Isaac Asimov
Prélude à Fondation
Pour Jennifer Brehl, dite « Le Crayon vert »,
la meilleure directrice littéraire du monde,
et la plus dure à la tâche.
Avertissement de l’auteur
Lorsque j’écrivis « Fondation », qui parut dans le numéro de mai 1942 d’Astounding Science Fiction, je n’avais aucunement conscience d’entamer une série de récits qui allaient finalement croître jusqu’à six volumes et près de quatre millions de signes (jusqu’à présent). Je n’avais pas plus conscience qu’elle formerait un tout avec l’ensemble de mes romans et nouvelles traitant des robots, ainsi qu’avec les textes évoquant l’Empire galactique, pour atteindre un total général (jusqu’à présent) de quatorze volumes, soit environ neuf millions de signes.
Si vous étudiez les dates de publication de ces ouvrages, vous verrez qu’il existe un hiatus de vingt-cinq années (entre 1957 et 1982), durant lequel je n’ai fait aucun ajout à cette série. Non pas que j’aie cessé d’écrire. A vrai dire, j’ai même écrit à plein régime durant tout ce quart de siècle, mais sur d’autres thèmes. Mon retour à la série en 1982 n’a pas été de mon fait : ce fut le résultat de la pression conjuguée, et finalement insoutenable, du public et des éditeurs.
Toujours est-il que la situation est devenue assez compliquée pour me faire sentir qu’une manière de guide de la série serait bien accueillie par les lecteurs, les livres n’ayant pas été rédigés dans l’ordre suivant lequel il conviendrait (peut-être) de les lire.
Les quatorze volumes, tous publiés aux États-Unis par Doubleday, brossent une sorte d’histoire du futur qui n’est certes peut-être pas entièrement cohérente, vu que je n’en ai pas programmé la cohérence dès le départ. L’ordre chronologique des livres, en termes d’histoire du futur (et non de date de publication), est donc le suivant :
1. The Complete Robot (1982) : il s’agit d’un recueil de trente et une nouvelles sur les robots, publiées entre 1940 et 1976 et incluant tous les textes de mon premier recueil, Les Robots (I, Robot, 1950). Depuis la publication de ce recueil, je n’ai écrit qu’une seule nouvelle sur ce thème ; il s’agit du « Robot qui rêvait » (« Robot Dreams »)[1].
2. Les Cavernes d’acier (The Caves of Steel, 1954) : le premier de mes romans sur les robots.
3. Face aux feux du soleil (The Naked Sun, 1957) : le second tome du cycle, suite du précédent.
4. Les Robots de l’aube (The Robots of Dawn, 1983) : le troisième roman sur les robots.
5. Les Robots et l’Empire (Robots and Empire, 1985) : le quatrième roman sur les robots.
6. Les Courants de l’espace (The Currents of Space, 1952) : le premier de mes romans sur l’Empire.
7. Tyrann (The Stars, Like Dust, 1951) : le second roman sur l’Empire.
8. Cailloux dans le ciel (Pebbles in the Sky, 1950) : le troisième roman sur l’Empire.
9. Prélude à Fondation (Prelude to Foundation, 1988) : le premier roman du cycle de la Fondation, mais le dernier paru (à ce jour).
10. Fondation (Foundation, 1951) : le second roman de la Fondation. En réalité, c’est un recueil de quatre textes publiés pour la première fois de 1942 à 1944 et précédés d’une introduction écrite pour l’édition en volume en 1949.
11. Fondation et Empire (Foundation and Empire, 1952) : le troisième roman du cycle de la Fondation, composé de deux récits publiés initialement en 1945.
12. Seconde Fondation (Second Foundation, 1953) : le quatrième roman du cycle, également composé de deux récits, initialement publiés en 1948 et 1949.
13. Fondation foudroyée (Foundation’s Edge, 1982) : le cinquième roman du cycle.
14. Terre et Fondation (Foundation and Earth, 1983) : le sixième roman du cycle.
Ajouterai-je d’autres livres à la série ? C’est bien possible. Il reste de la place pour loger un livre entre Les Robots et l’Empire (5) et Les Courants de l’espace (6), ainsi qu’entre Prélude à Fondation (9) et Fondation (10) ; et, bien entendu, on peut en intercaler encore ailleurs. Et je peux également faire suivre Terre et Fondation par d’autres volumes – autant qu’il me plaira…
Naturellement, il faudra bien qu’il y ait une limite, car je n’escompte pas vivre éternellement, mais j’ai bien l’intention de m’accrocher le plus longtemps possible.
I.A.
Mathématicien
CLÉON Ier— … dernier Empereur galactique de la dynastie Entun. Né en l’an 11988 de l’Ère Galactique, la même année que Hari Seldon. (On pense que la date de naissance de Seldon, que certains estiment douteuse, aurait pu être « ajustée » pour coïncider avec celle de Cléon que Seldon, peu après son arrivée sur Trantor, est censé avoir rencontré.)
Cléon est monté sur le trône impérial en 12010, à l’âge de vingt-deux ans, et son règne représente un étrange intervalle de calme dans ces temps troublés. Cela est dû sans aucun doute aux talents de son chef d’état-major, Eto Demerzel, qui sut si bien se dissimuler à la curiosité médiatique que l’on a fort peu de renseignements à son sujet.
Cléon, quant à lui…
1
Étouffant un léger bâillement, Cléon demanda : « Demerzel, auriez-vous, par hasard, entendu parler d’un certain Hari Seldon ? »
Cléon était empereur depuis dix ans à peine et, quand le protocole l’exigeait, il y avait des moments où, pourvu qu’il fût revêtu des atours et ornements idoines, il réussissait à paraître majestueux. Il y était arrivé, par exemple, pour son portrait holographique qui trônait dans une niche creusée dans le mur, juste derrière lui. On l’avait disposé de manière à dominer nettement d’autres niches contenant les hologrammes de plusieurs de ses ancêtres.
La reproduction n’était pas absolument honnête : les cheveux étaient châtain clair comme dans la réalité, mais un peu plus épais que ceux du modèle. En outre, le visage réel était légèrement asymétrique, le côté gauche de la lèvre supérieure remontant un peu plus que le droit, détail qui n’était pas particulièrement évident sur l’hologramme. Enfin, s’il s’était placé debout à côté de sa reproduction tridimensionnelle, on aurait remarqué qu’il mesurait deux centimètres de moins que le mètre quatre-vingt-trois de son image – et qu’il était peut-être un rien plus enveloppé.
Bien sûr, l’hologramme était le portrait officiel du couronnement et résumait toute sa jeunesse. Il en avait encore l’allure, gardant belle prestance, et, lorsqu’il échappait à l’impitoyable carcan des cérémonies officielles, il y avait dans ses traits une certaine aménité.
Sur ce ton respectueux qu’il cultivait avec soin, Demerzel répondit : « Hari Seldon ? Ce nom ne m’est pas familier, Sire. Devrais-je le connaître ?
1
Vingt-neuf de ces trente-deux nouvelles sont disponibles en français dans les recueils suivants:
2
Toutes les citations de l’Encyclopaedia Galactica reproduites ici proviennent de la 116e édition, publiée en 1020 E.F. par la