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Elle pense à l’affaire, elle ne songe qu’à ça. Je vous parie une feuille de température contre une feuille de rose qu’elle est comme qui dirait pour ainsi dire l’âme du bidule. Moi, j’aimerais bien mouler sur ce chapitre de peur de me faire coincer… Et pourtant il faut que je sache… J’ai les chocotes de me blesser à force de marcher sur des pointes d’épingles.

Nous avançons dans la pénombre du sous-bois. Des petits oiseaux se disent bonne notche dans les creux d’arbres. Le fond du ciel est d’un mauve verdâtre tirant sur le bleu indigo (excusez, j’étais daltonien dans une vie antérieure) et vous engage à la romance.

Je louche sur l’académie de ma compagne. J’estime les filles dont la taille ressemble à un rond de serviette et dont le soubassement est proportionné au balcon. Je donnerais n’importe quoi contre ce que vous voulez pour lui faire une démonstration de fusée volante à freinage épiscopal sur les moyeux latéraux du déversoir central.

Nous débouchons dans une clairière où végètent quelques touffes de genêts. Un écriteau est planté dans le mitan, afin de remettre les touristes égarés dans la bonne voie.

Hildegarde me le désigne du doigt.

J’emploie ce qui reste de lumière à lire la plaque : « Muséum. »

Elle me pousse du coude en clignant de l’œil. Si je conserve ma face de méduse attristée, je vais passer pour une crêpe. J’y vais d’un petit rire entendu, mais je vous avoue que je n’y entrave que pouic.

— Il y a longtemps que vous êtes dans la partie ? me demande-t-elle tandis que nous nous éloignons.

Je hoche la tête.

— Pff… Depuis toujours, pour ainsi dire.

De quelle partie veut-elle parler ?

— Et vous êtes sûr de vos clients ?

— Comme de moi-même !

Ça me fait penser à ce jeu de société, vous savez, qui consiste à répondre au jugé à des questions dont on ignore le sens.

Nous continuons notre balade. Maintenant je vais m’efforcer de l’orienter sur le sentiment, car le terrain devient de plus en plus brûlant.

— Si je m’attendais à faire une promenade au clair de lune en compagnie d’une jolie fille, roucoulé-je, fleur bleue en diable.

Elle me file un méchant coup de périscope. Le genre de regard qui pèse son bonhomme.

— Vous autres, les Français, vous êtes incapables de rester une heure avec une femme sans lui faire la cour, remarque-t-elle d’un ton assez méprisant.

Cette fille de tête carrée méprise l’amour. Pour elle c’est un exercice hygiénique, tout simplement… Elle n’y attache pas d’importance.

— Nous aimons la femme parce qu’elle est femme, dis-je. C’est peut-être de la légèreté à première vue, mais si on songe que la vie est précaire, on finit par convenir que ce culte en vaut un autre…

Elle secoue la tête.

— Pas d’accord, mon cher…

— Pourquoi ?

— La vie est une chose grave !

Cette philosophie pour marchand de robinets me casse les nougats. On peut débloquer commako à perte de vue, parler aussi de Dieu pendant qu’on y est, et se faire mousser le bulbe avec des théories filandreuses… Ça ne mène nulle part. On finit de toute façon par se casser le naze dans l’impasse des formules toutes faites. Tandis que si je porte ma main au fignedé de la demoiselle, ça me mène tout droit sur les routes fleuries de la félicité. À moins, bien entendu, qu’elle ne réponde à cette hardiesse par une beigne sur le museau.

Le clair-obscur est propice aux démonstrations de sympathie.

— Hildegarde, croassé-je, avec la voix d’un vieux corbeau enrhumé, Hildegarde, vous ne devriez pas m’entraîner dans cette forêt. La forte odeur des pins me chavire un peu. Nous autres, pauvres Parisiens, sommes en émoi dès que nous voyons un pot de réséda couvert de poussière, alors vous pensez : une forêt !

Elle éclate de rire.

— Vous n’êtes pas sérieux.

Je lui prends la taille. Elle ne me repousse pas. Si je manœuvre bien, avant longtemps, j’aurai égalisé vis-à-vis de Béru qui mène présentement à la marque sur le score d’un but à zéro.

Le hasard qui est un atout-maître place une racine perfide sous les pas de ma compagne. Elle trébuche. Je la retiens, mais insuffisamment, tout ce que je peux faire c’est freiner sa chute. Elle se répand sur le sable. Au lieu de la relever, je la rejoins.

Maintenant, plus la peine de parler. La position que nous venons d’adopter nous dispense de tout bla-bla. Et puis, on ne parle pas la bouche pleine, les gars. Vous le savez, ça n’est pas poli !

Cette Hildegarde prend peut-être la vie au sérieux, mais lorsqu’elle se met au boulot, elle a droit à un abattement sur la surtaxe progressive ! Quel feu d’artifice ! On joue au bûcheron et à la bûcheronne (avec le concours du Petit-Poucet) tout en œuvrant pour le renforcement du rapprochement franco-allemand.

Je ne voudrais pas affaiblir la tenue de cet ouvrage par un mot facile, mais je vous affirme néanmoins que lorsqu’elle est étendue sur la bruyère, cette fille a du caractère !

CHAPITRE VIII

On joue les Trappistes !

Depuis mon lit moelleux comme un rêve de jeune fille, je regarde par la fenêtre les agissements d’un oiseau occupé à prendre des brins de paille dans le toit de chaume pour faire son nid.

Cette image poétique me fait bien augurer de cette journée qui commence. Je bâille pour expirer ce qui pourrait rester de sommeil en moi et je tends l’oreille aux bruits de la maison.

Dans la pièce voisine, le Gros brame à tue-tête une altière chanson de chez nous, dont les paroles sont un témoignage du patrimoine intellectuel de notre pays dont au sujet duquel il faut dire qu’il est au monde ce que le gaz de ville est à la cuisinière électrique. Jugez plutôt de la qualité de ce texte vociféré par l’inspecteur Bérurier.

Suivons-les, suivons-les, Ces petits soldats français Car puisqu’ils servent la France C’est donc qu’ils sont Français. S’ils ne servaient pas la France Ils ne seraient pas Français, Mais puisqu’ils servent la France Alors ils sont Français !

Du Verlaine, quoi ! Et de la belle cuvée !

Je me lave et vais prendre une douche. Tandis que mon dos subit cette averse drue et piquante, je réfléchis au pourquoi du comment du chose.

J’éprouve une espèce de sourde angoisse par-delà ma joie de vivre… Si au moins je pouvais savoir ce qui doit se passer ici le 21 !

Hildegarde m’a demandé s’il y avait longtemps que j’étais dans la partie… De quelle partie s’agit-il ?

Lorsque je sors du cabinet de toilette, je la trouve assise sur mon lit, vêtue d’un Baby Doll qui ferait goder une statue chinoise de l’époque Ming, les jambes repliées, ce qui n’est pas fait pour gâcher la perspective, loin de là.

Je m’arrête, un tout petit peu surpris.

— Je pensais justement à toi, ma chérie !

— Vraiment ?

Je vais donner un tour de clé à la lourde et je rejoins la môme. Elle sent bon la savonnette de luxe. Je lui décerne mon patin hors série qui a obtenu la Palme d’Or au dernier Festival de Cannes et elle l’encaisse sans broncher. Comme je précise mes intentions, Hilde me repousse avec autorité.

Me parlez pas des femmes de tronche, c’est la pire espèce qui soit au monde ! Elles ont des formes et la manière de s’en servir, mais au lieu de ça, elles vous entreprennent sur des trucs calés qui échappent à votre compétence.