On oblique à angle droit. Et puis me balance sur une natte. Toujours dans l’indolorance.
Je gis la face contre le sol. Impossible, autrement que par les bruits, de réaliser où je suis. Au brouhaha piailleur, je conçois que je me trouve dans une assez vaste pièce où sont rassemblées plusieurs personnes. Des femmes, surtout ; quoique les bons-hommes de par ici ont des voix d’eunuques qui peuvent prêter à confusion.
Ça glapit que j’en ai des vertiges. À moins que ce ne soit la drogue paralysante qui me perturbe également le ciboulard ?
Je voudrais, au point où j’en suis, m’évanouir carrément, larguer la sombre réalité, m’abstraire ; mais je suis lucide à bloc. Énervé du bulbe comme lorsque tu as éclusé trop de caoua et qu’ensuite tu restes quarante-huit plombes sans pouvoir fermer l’œil.
À un moment donné, deux mains me font pivoter. Celles d’une grosse rombiasse chinoise qui a une tronche de lanterne en papier. Elle m’examine. Dit quelque chose à quelqu’un que je n’aperçois pas, mais mon olfactif infaillible me révèle Chiang Li. Les deux bougresses doivent parler de moi. La grosse à frite de bordelière hèle une troisième personne. Je vois entrer dans mon champ de vision un petit vieillard qui ressemble à un ouistiti naturalisé. C’est fou ce qu’il y a comme fossiles dans ce patelin. La peau sur les os, rien sur les dents et des lotos qui débordent. Pas joyce à contempler : la mort, sa préfiguration en tout cas. T’ajoutes une longue barbiche blanche, étroite comme s’il s’était collé trois porcifs de papier torche-cul au menton. Des cages à miel pareilles à des anses de corbeille. Il porte un complet noir étriqué qui achève de le foutriquer. Il tient une caissette laquée rouge pourvue d’une manette, l’ouvre. En sort un matériel d’acupuncteur, me semble-t-il. C’est un praticien, dirait-on.
Le voilà qui m’entreprend, se met à me virguler ses aiguilles un peu partout. Je continue de ne rien éprouver. En bois, l’Antonio ! Le gus poursuit son manège.
Et soudain, comme il me fiche dans le lard son ultime fléchette, je ressens une décharge de 110 volts dans le corps. Le big soubresaut ! Mon sensoriel est à nouveau connecté. Je peux remuer. Tourner la tête.
Ce que je découvre autour de moi est assez bizarre pour sembler surprenant : un vaste salon tendu de soie verte, avec des motifs de bois doré. Des divans le long des murs. Au centre, un lit spécial, plutôt une large banquette de cuir noir, basse.
Un homme basané, genre indien, est attaché dessus et compose une croix de Saint-André car chacun de ses pieds, chacune de ses mains sont fixés à un pied de la banquette.
Des filles en tuniques fendues sont sagement assises sur les canapés et regardent. Un second acupuncteur, moins délabré et parcheminé que celui qui vient de me restituer la mobilité, s’active sur ses centres nerveux. Il est appliqué. Porte des lunettes cerclées d’or qui l’intellectualisent. Il fait interne des hôpitaux.
Les femmes présentes ont cessé de jacasser. Rassurée sur mon sort, la gonzesse à frime de lanterne chinoise me délaisse pour aller s’agenouiller auprès du « patient » entravé. Je cherche du regard la somptueuse Chiang Li. Elle est accroupie derrière moi. Voyant que je la regarde, elle me sourit avec une fausse bienveillance qui ne me dit rien qui vaille.
— Vous avez récupéré ?
— Je dois ressembler à un porc-épic ? plaisanté-je.
Comme avec moi le calembour ne perd jamais ses droits d’auteur, j’ajoute :
— C’est ce qui s’appelle « faire sa pelote ».
Ça ne peut pas l’amuser car elle ne comprend pas le français !
Mais qu’arrive-t-il à l’Hindou ligoté ? Tu veux que je te dise ? l’Hindou se tend ! C’est farce, hein ? Figure-toi qu’il est en train de s’attraper une chopine carabinée, le basané ! Un membre actif long comme mon avant-bras et du diamètre de mon poignet. Le tout faramineux turlu, ma belle ! Du chibre de Cosaque ! Un produc de films « X » le met sous contrat dare-dare, en apercevant un mandrin de ce tonnage !
Satisfait, l’acupuncteur à besicles s’éloigne de la banquette. Les aiguilles sont restées plantées dans la géographie du gus. La tarderie à bouille de lune tapote la verge dressé. Le chibre reste droit comme une antenne radio. Qu’à peine la flatterie de Madame lui a imprimé une fugace dodelinance. Au contraire, dirais-je, elle paraît avoir conforté l’apothéose de l’outil.
Alors la meneuse de jeu se tourne vers les demoiselles réunies autour du prodige et désigne l’une d’elles.
La fille quitte sa place et s’approche de la banquette. Elle a une courbette devant le paf en érection, comme pour saluer, rendre hommage à cette trique très superbissimo. N’après quoi, elle se détunique en un tourne-cul. La voici presque nue, juste elle a conservé sa petite culotte blanche. Se place à califourchon sur l’Hindou, dos à lui, l’enjambe. Confucius soit loué ! La culotte est fendue d’une oreille à l’autre ! Ah ! l’étrange égorgement que voilà.
La demoiselle (dont je redoute une hypothétique virginité, compte tenu de l’engin qu’elle veut s’octroyer) tâche à opérer un périlleux ravitaillement en vol. La jonction crée l’orgasme ! Las, ce qui était à redouter se produit : le pafozoff hindou n’est pas en harmonie avec le frifri pékinois qui prétend l’absorber. Ce que voyant, Madame (sœur du roi) intervient avec une boîte d’onguent dont elle oint dûment la colonne du mec. Nouvel essai de la pauvrette ; nouvel échec. La « lanterne chinetoque » remplace alors son étroite pensionnaire par une seconde qu’elle espère davantage modulable.
— Intéressant, non ? me fait Chiang Li.
— Très, admets-je. Je n’ai qu’un seul regret : ne pas disposer d’une caméra afin de fixer cette opération pour le plus grand bonheur des populations hardantes.
— Vous savez ce qui se passera, lorsque l’homme aura livré sa semence ?
— Dites-le ! Vous brûlez de me le révéler !
— C’est vous qui prendrez sa place !
— Belle princesse, vous me faites grand honneur, mais n’oubliez pas que j’ai déjà donné.
— Notre technicien vous fera renouer avec la vigueur. Au reste, vous ne devez pas être très regardant sur ce chapitre, si j’en crois vos récentes prestations.
Pendant qu’on devisait chemin faisant, la seconde nana, mieux conditionnée, est parvenue à s’enquiller le minaret du julot. Oh ! pas totalement, elle n’en est qu’au tiers ; mais sa farouche volonté, son application, la vaseline dont le mâle est enduit sont autant d’éléments qui font bien augurer de la finalité de la chose.
Fectivement, la Miss Jaunisse dévale le thermomètre à moustache de l’Hindou. Elle grimace un peu, s’évertue avec la lenteur de la tortue si bien décrite par Jeannot, pèse des meules, pas-de-visse du fouinozoff et finit par aboutir.
Les donzelles saluent l’exploit par un concert de cris de liesse. Dopée, la vaillante entreprend d’exploiter sa victoire. Une gigue lente commence.
Les Chinoises, une chose que tu ne peux pas leur enlever (après leur culotte), c’est leur grâce. Cette danse du scalp sur chauve à col roulé, tu sais que c’est vachètement superbe ? Elle joue des bras, faisant la danseuse thaïlandaise, sauf qu’elle n’a pas des pelles à feu de vingt centimètres comme les gerces de Bangkok ; ses gratte-miches sont de dimensions courantes. Un mouvement ondulatoire du ventre, du cou, des épaules crée la magie.
L’Hindou, ça lui trépane les glandes, ce manège. Lui, le Kama-sutra, il l’a lu à l’école primaire, mais ce qu’on lui manigance là le hisse vers des sommets insoupçonnés. Il commence à rauquer du gosier : sa glotte qui lui tyrole les sens, à Brâkmondhar. C’est trop intense. Il va pas pouvoir tenir tout le rallye comme ça. Sûr qu’il déjantera au prochain virage ! Elle l’essore trop dans l’impétueux, Cunégonde, sans se soucier de la surchauffe. Sa tête de nœud est mise à prix, au brahmane brameur. Il crispe les mâchoires, ferme les yeux, fouisse des narines, mais quand faut y aller, faut y aller, Bébé ! Le voilà qui floconne à s’en fissurer le sacrum. Il débourre du fusil lance-harpon. Juste un glapissement pareil à un cri de malheur : suraigu !