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— Comment se fait-il que vous ayez été repêchés par Kong Kôm Lamoon, San-Antonio ? C’est inimaginable !

— Le génie pinulcien, monsieur le directeur.

— Qu’entendez-vous par là ?

— Au cours de la séance d’hypnose, des gens du « Singe Blanc » sont intervenus. Ils nous ont donc embarqués, Maldone, Sonia, Béru et moi, mais n’ont pas pris Pinaud pour la raison bien simple qu’ils ne le connaissaient pas puisque le bon César ne faisait pas partie de l’équipée au bordel, il attendait avec son vélo-pousse dans la rue.

— Et alors ?

— Au moment du rapt, Pinuche dormait, brisé de fatigue. Quand il s’est réveillé, on l’a mis au courant de ce qui venait de se passer. Alors, cet être obscur mais génial a fait fonctionner ses vieilles méninges moisies, monsieur le directeur. Le chef du commando avait montré à l’assistance une statuette représentant un singe blanc, pour bien signifier à tous qu’ils devaient s’écraser sous peine de sanctions. César a tenu le raisonnement suivant : « L’organisation du “Singe Blanc” a retrouvé San-Antonio et Bérurier sur l’ordre de Chiang Li puisque Lamoon, lui, ne connaît que Sana. Si le “Singe Blanc” obéit à cette fille, c’est parce qu’elle la dirige. D’après tout ce que je sais, à la faveur des derniers événements, si elle la dirige c’est à l’insu de son père. »

« Dûment interrogée, la belle Hindoue que Maldone a épousée a conforté Pinuche dans cette hypothèse. Du coup, mon brave ami a tenté un coup de poker : il s’est mis en rapport avec Lamoon pour lui réclamer de l’aide. Comme Kong Kôm Lamoon sait depuis plusieurs mois le rôle que joue Chiang Li au sein de l’Organisation et qu’il la surveille, il a deviné qu’on nous avait embarqués à bord du rafiot pour aller régler nos comptes en haute mer. Du coup, il s’est lancé à la poursuite du bateau avec son yacht rapide comprenant qu’il lui fallait prendre position et profiter des mutilations de sa fille pour récupérer son “trône”. »

— Venez avec moi, je vais me préparer, mon bon.

On repasse dans la piaule du Dabe. J’assiste à sa rasée, à son lotionnement, à son talquage. Il guirelille, Chilou. Chantonne.

— En somme, me dit-il, j’aurai éclairci cette sombre affaire en moins de trois jours, n’est-ce pas ? C’est pas mal !

— C’est même très bien, monsieur le directeur. Il ne subsiste qu’un ultime mystère.

— Allons, j’écoute ? De quoi s’agit-il ?

— L’assassinat de Marien Simon à l’hôtel Blatte et Confort. Là, je le reconnais, je suis perplexe. Qui est allé trouver ce garçon et, le voyant neutralisé, l’a bassement, crapuleusement, tué ?

Achille passe un mignon caleçon à fleurettes pour affronter « ces dames » asiatiques, objet de sa tenue.

— Je sais ! fait soudain celui qui sait tout.

— Alors sauvez-moi avant que je ne meure de curiosité, monsieur le directeur.

— Crime gratuit, San-Antonio. Crime sadique, crime de névrosé ! Savez-vous pourquoi on l’a tué, lui ? Parce que vous l’aviez rendu inoffensif ! Il était offert, ficelé, muselé. Téléphonez donc à Jérémie Blanc pour lui dire de s’occuper de la fille qui habitait l’appartement de Fluvio et de ses copains camés. Abasourdis par l’assassinat de leur ami Daniel, ces épaves sont allées rendre visite à Marien, son complice, son auxiliaire, son âme damnée, pour chercher conseil. Ils l’ont trouvé complètement neutralisé, à disposition. Alors leurs sombres instincts de frappes ont pris le dessus. D’ordinaire, ce type les dominait, les narguait. Il était l’amant de Fluvio. Alors ils l’ont mis à mort, San-Antonio. Comme on prend son pied ! Ils l’ont tué pour rien, à l’œil, certains de l’impunité.

Je me permets un geste privauteur en plaçant mes deux pattes de devant sur les épaules du Vioque.

— Mais bon Dieu, c’est bien sûr, patron ! Vous êtes un vrai chef !

— En avez-vous jamais douté, San-Antonio ?

— Non, monsieur le directeur, jamais !

PILOGUE

— Voulez-vous que je vous dise, monsieur Bérurier ? Votre fameux don, c’est de la couille ! San-Antonio m’en rebat les oreilles, mais je sais qu’il s’agit d’une honteuse poudre aux yeux. Je ricane ! Regardez-moi ricaner : hi, hi, hi !

— Là, vous bêchez vilain, m’sieur l’direqueur, proteste le Dinosaure, j’sus prêt à vous fournir une démonstrance, si vous voudriez.

— M’abaisser à cela ? Un homme comme moi, avec un homme comme vous ! Une démonstration de votre crétinisme ! Ah ! ça, monsieur, pour qui me prenez-vous !

— Pour saint Thomas, répond Alexandre-Benoît.

Il est interrompu par l’arrivée d’un émissaire de Kong Kôm Lamoon. Tout de blanc et de galons vêtu ; souriant, à courbettes, ce messager s’incline vingt fois et déclare :

— Mon maître charge moi remettre présent à monsieur directeur Police française.

Il s’efface et désigne six admirables créatures dans le couloir de l’hôtel. Admirables est trop piètre, je lui préfère « sublimes ». Le nec plus ultra ! Des beautés asiates au corps parfait. On en frissonne, les quatre, de les regarder. C’est la bouffée de chaleur instantanée, nord-sud, est-ouest. En profondeur.

Le Vieux se met à roucouler :

— Arrrroû roû oû oû… Faites-les entrer dans ma chambre, je vous prie. Antoine, avez-vous de la monnaie pour donner un pourboire à cet aimable commissionnaire ?

Les superbes et merveilleuses entrent chez Chilou en roulant des miches. Lui, il fait la roue. Il gémit d’aise. Il prébande ! Détrempe son calbute à fleurettes.

— Messieurs, vous me pardonnerez de vous lâcher. Je ne saurais résister cinq minutes de plus. Je… Pourquoi me fixez-vous de la sorte, Bérurier ? C’est indécent ! Ce que je vais connaître est paradisiaque. Ces chères jeunes filles m’attendent. J’ouvre la porte ! Oh ! Seigneur ! Il y en a déjà trois de presque dévêtues ! Où ont-elles trouvé des culottes aussi fabuleuses ? Et des jarretelles comme jadis ! Mais qu’est-ce qu’elles me font, les friponnes ! Attendez, mes chéries, j’arrive.

Il fonce dans sa chambre.

— Il ne va pas s’ennuyer, bêle la Pine. Joli lot. Personnes agréables et si parfaites !

— M’étonnerait qu’il en fasse grand-chose, assure Béru. Ah ! y croive pas en mon don, ce charognard !

Le bigophone retentit. C’est the king, le vrai : Kong Kôm Lamoon qui demande si son cadeau est parvenu à destination et s’il est apprécié.

Je le rassure.

— Jamais notre cher directeur n’a reçu de plus royal présent. Puis-je vous demander des nouvelles de Mlle votre fille ? risqué-je.

Léger temps. Ai-je gaffé ?

— Elle est dans un état assez critique depuis ce fâcheux accident de la circulation qui lui a sectionné les deux pieds, me répond Lamoon. Je l’ai installée près de moi. Coupée de tout et bien soignée, elle se remettra petit à petit, je l’assumerai complètement jusqu’à la fin de mes jours et, peut-être, des siens !

Son ton glacé me file les flubes. M’est avis qu’elle va déguster, la Princesse, à compter de tout de suite. Fini les complots, les coups d’État, les prises de pouvoir anticipées. Lamoon la tient d’une main de fer, sa gamine perverse. Il pourra chiquer les papa gâteaux tout son content ! Jouer papa-maman à lui tout seul.

On raccroche.

Béru qui regarde par le trou de la serrure jubile :

— Oh ! ce biscuit détrempé ! La vraie patte à vaisselle, Pépère ! Il roule sur la jante. Et pourtant c’est pas faute qu’elles lu fissent pas des combines rarissimeuses ! Mazette ! Un doigt dans l’œil de bronze, les vestibules léchés à deux en même temps ! Un vibromassage su’ l’petit soldat ! Et on y promène ternativement deux chattes humides su’ le tarin ! Oh ! le con ! La Faillite nous voilà ! Son bistougnet, tu croirerais de la gomme à mâcher mâchée. De la pâte à pain pas levée ! J’voudrerais le prend’ en photo !