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Mais que pouvait-il tirer du scaphandre de Brennan ?

Le devant était une reproduction en teintes fluorescentes de la Madone de Port Lligat, de Salvador Dali. Des montagnes flottaient au-dessus d’une mer bleue sans rides ; défiant la pesanteur, elles avaient des bases plates et lisses ; Il y avait une femme et un enfant d’une beauté surnaturelle, avec des fenêtres à travers eux. Autrement dit, rien pour Phssthpok.

Mais il y eut une chose qu’il comprit immédiatement.

Il alla examiner le tableau de bord avec précaution, car il ne voulait rien démolir avant d’avoir découvert comment tirer les informations astronomiques de l’ordinateur du monoplace. Lorsqu’il ouvrit l’avertisseur d’orages solaires pour vérifier sa destination, il le trouva étonnamment petit. Curieux, il poursuivit son enquête. La chose était en monopôles magnétiques.

Tel un kangourou, Phssthpok bondit dans l’espace interplanétaire. Il usa la moitié de la charge de gaz de son pistolet à réaction, puis il se calma en attendant la fin des quinze minutes de chute.

Il avait sauté dans la direction de la capsule de fret. Il fallait qu’il ligotât son prisonnier pour le protéger contre l’accélération. Une rapide inspection de l’astronef de l’autochtone avait déjà réduit de moitié sa zone d’investigations ; voici que maintenant il allait être obligé de l’abandonner. L’autochtone pouvait avoir des connaissances encore plus précieuses. Même dans ce cas, Phssthpok regretta amèrement la nécessité où il se trouvait de protéger son prisonnier ; car le temps qu’il y mettrait risquait de lui coûter sa mission et sa vie.

Les autochtones utilisaient des monopôles. Sans doute disposaient-ils du moyen de les détecter. Phssthpok avait capturé un autochtone, ce qui était un acte d’hostilité. Et le vaisseau non armé de Phssthpok employait une plus grande masse de pôles sud qu’il n’y en avait dans ce système solaire.

Probablement s’étaient-ils lancés maintenant à sa poursuite.

Ils ne pourraient pas le rattraper avant un délai raisonnable. Leurs propulseurs seraient plus puissants ; la pesanteur sur Objectif GO n° 1-3 était approximativement d’un virgule zéro neuf. Mais ils n’avaient pas l’autonomie des statoréacteurs. Avant que leurs plus gros propulseurs pussent faire la différence, ils seraient à court de combustible… à condition qu’il partît à temps.

Il freina pour arriver à la capsule de fret, utilisa son outil d’amollissement, et se glissa à travers la coque opaque en twing. Sans regarder, car il savait où elle se trouvait, il tendit la main pour saisir une poignée ; ses yeux cherchaient l’autochtone.

Il manqua la poignée. Il flotta dans l’espace vide pendant que ses muscles fondaient en compote.

L’autochtone avait crevé le filet et fouillait faiblement parmi les racines. Son ventre était devenu une boule dure, dilatée. Il n’y avait plus de vie dans ses yeux.

Avec une sorte de rage étonnée, Phssthpok se dit : Comment pourrai-je faire quelque chose s’ils continuent à changer les règles ?

Assez, je suis en train de penser comme un reproducteur. Un pas à la fois…

Phssthpok attrapa une poignée et se poussa en bas vers Brennan. Son prisonnier n’était plus qu’une chiffe ; de ses yeux presque fermés, on n’apercevait plus que le blanc sous les paupières ; sa main étreignait encore la moitié d’une racine. Phssthpok le fit tourner pour procéder à un examen.

Ça va.

Phssthpok rampa à travers la coque dans le vide et il contourna la capsule pour se diriger vers le petit bout de l’œuf. Il se faufila à l’intérieur et émergea dans une cabine juste assez grande pour l’accueillir.

Maintenant, il lui fallait trouver une cachette.

Plus question de quitter ce système solaire. Il lui fallait abandonner le reste de son engin, les laisser poursuivre les monopôles dans son compartiment de propulsion – vide.

C’était mettre tous ses œufs dans le même panier, mais il n’avait pas le choix. La situation aurait pu être pire. Bien que les instruments dans la capsule de fret n’eussent été conçus que pour détacher ce compartiment de l’orbite d’une quelconque planète, le propulseur lui-même – le polarisateur de pesanteur – le mènerait partout où il voudrait aller dans le puits de pesanteur d’Objectif GO n° 1. À condition qu’il réussît du premier coup. Et il ne pourrait se poser qu’une fois. Comme le propulseur d’un astronef, le polarisateur de pesanteur possédait les qualités et les défauts d’un paraplaneur. Phssthpok pourrait le braquer sur n’importe quel lieu où il désirait se rendre, même après avoir annulé sa vitesse, pourvu qu’il descendît. Le polarisateur ne l’élèverait pas contre la pesanteur.

Par comparaison avec les commandes de la propulsion par fusion, les commandes qui l’entouraient étaient d’une complexité terrible. Phssthpok commença à les manipuler. Le câble au petit bout de l’œuf s’arracha dans un échappement de flammes. Le twing devint transparent… et légèrement poreux ; dans un siècle, il aurait perdu une dangereuse quantité d’air. Les yeux quasi humains de Phssthpok se vitrifièrent. Les initiatives qu’il allait prendre exigeraient une concentration intense. Il n’avait pas osé ligoter son prisonnier, ni restreindre sa liberté de mouvements. Pour éviter qu’il ne s’écrasât, il serait obligé de maintenir en équilibre parfait les pesanteurs intérieure et extérieure. La coque, qui portait le champ de polarisation, pourrait fondre sous ces accélérations.

Le reste de son astronef flotta sur l’écran arrière de Phssthpok. Il tourna violemment deux boutons, et tout disparut.

Et maintenant, où aller ?

Il avait besoin de se cacher pendant des semaines. Il ne pouvait pas espérer trouver un refuge sur Objectif GO n° 1-3, étant donné leur technologie.

Mais l’espace était trop ouvert pour qu’il pût s’y dissimuler.

Il ne pourrait se poser qu’une fois. Où qu’il descendît, il serait obligé de rester, à moins qu’il ne sût monter un dispositif quelconque de lancement ou de signalisation.

Phssthpok fouilla le ciel. Il avait de bons yeux, et les planètes étaient grandes, faciles à identifier. La géante à anneaux gazeux aurait été une bonne cachette seulement elle se trouvait derrière lui. Une autre géante gazeuse avec des lunes se situait bien devant lui, mais trop loin : il ne l’atteindrait pas avant des jours et des jours de navigation. Or, les autochtones devaient déjà se lancer à ses trousses. Sans télescope, il ne les verrait que trop tard.

Celle-là. Il l’avait étudiée quand il était en possession d’un télescope. Petite, avec une faible pesanteur et des traces d’atmosphère. Des astéroïdes tout autour, et trop d’atmosphère pour que le vide se cimente. Avec de la chance, il y trouverait de profonds trous de poussière.

Il aurait dû l’étudier plus tôt. Il y avait peut-être des industries minières, voire des colonies. De toute façon, maintenant c’était trop tard. Depuis quelque temps, toute possibilité réelle de choisir n’existait plus. Cette planète serait son objectif. Lorsque viendrait le moment de la quitter, il lui faudrait espérer que l’autochtone pourrait adresser des signaux à son espèce. Cette perspective-là ne lui souriait pas beaucoup.

Chapitre II

Le robot était un cylindre vertical d’un mètre vingt qui flottait en toute sérénité dans un angle du salon de lecture du Struldbrugs’ Club{Les Struldbrugs, dans les voyages de Gulliver, de Swift, étaient des habitants du royaume de Luggnagg qui, condamnés à l’immortalité mais non exemptés des tares de la sénilité, recevaient à partir de 80 ans une petite pension de l’état.}. Ses deux nuances de brun mat se fondaient dans la tonalité des murs, ce qui le rendait presque invisible. Apparemment, ce robot était immobile. À sa base évasée, des pales bourdonnaient discrètement pour le maintenir à quelques centimètres du plancher et, à l’intérieur de la coupole banale qui lui servait de tête, des analyseurs tournaient sans répit pour observer les moindres recoins de la pièce.