Выбрать главу

— Mars ?

— Mars, ou une orbite autour de Mars, ou les lunes. Si c’était une orbite, nous devrions l’avoir repéré à présent. Même chose pour les lunes elles ont toutes deux des stations d’observation. Sauf qu’elles appartiennent aux Nations Unies… »

Luke se mit à rire. Nick ferma les yeux avec une expression peinée.

Mars était le dépotoir du système. En réalité, il y avait peu de planètes utiles dans le système solaire : la Terre, Mercure et l’atmosphère de Jupiter, c’était tout. L’important, c’était les astéroïdes. Mais Mars avait été une déception amère. Un désert presque sans air, couvert de cratères et de mers d’une poussière ultrafine, avec une atmosphère trop subtile pour être considérée comme toxique. Quelque part dans Solis Lacus, se trouvait une base abandonnée, vestige de la troisième et dernière tentative de l’Homme sur cette planète couleur de rouille. Personne ne voulait de Mars.

Lorsque la Charte de la Zone Libre fut signée, après que la Zone eut prouvé par l’embargo et la propagande que la Terre avait davantage besoin de la Zone que celle-ci de la Terre, les Nations Unies avaient été autorisées à conserver la Terre, la Lune, Titan, des droits dans les anneaux de Saturne, des droits de prospection minière sur Mercure, Mars et ses lunes.

Mars était tout juste un symbole. Mars n’avait jamais compté jusqu’à maintenant.

« Vous voyez le problème », insista Nick. Il retomba sur son fauteuil et remit le masseur en route. Sur tout son corps, de petits muscles cédaient sous la pesanteur de la Terre à laquelle il n’était pas accoutumé et, pour la première fois, manifestaient véhémentement leur existence. Le massage lui fit du bien.

Luke opina de la tête. « Étant donné que la Zone nous répète constamment d’avoir à nous tenir au large de ses possessions, vous ne pouvez pas reprocher aux Nations Unies d’essayer de vous rendre la monnaie de votre pièce. Nous devons avoir deux cents plaintes dans nos archives.

— Vous exagérez. Depuis la signature de la Charte de la Zone Libre, nous avons enregistré une soixantaine de violations, dont la plupart ont été autorisées et dédommagées par les Nations Unies.

— Que voulez-vous que fassent d’exceptionnel les Nations Unies ?

— Nous voulons avoir accès aux dossiers de la Terre ayant trait à l’étude de Mars. Que diable, Garner, les caméras de Phobos pourraient déjà nous montrer où l’intrus s’est posé ! Nous voulons avoir l’autorisation de scruter Mars à partir d’une orbite rapprochée. Nous voulons avoir l’autorisation de débarquer.

— Et qu’avez-vous obtenu jusqu’ici ? »

Nick ricana. « Les Nations Unies ne sont d’accord que pour deux choses. Nous pourrons scruter à notre guise la planète, mais de l’espace. Et pour avoir le droit d’éplucher leurs dossiers imbéciles, elles veulent nous imposer d’un million de marks !

— Payez ce million.

— C’est du vol.

— Est-ce là l’opinion d’un Zonier ? Pourquoi n’avez-vous pas de dossiers sur Mars ?

— Mars ne nous a jamais intéressés. Alors, à quoi bon ?

— Et les connaissances pures ?

— Un synonyme d’inutiles.

— Dans ces conditions, qu’est-ce qui vous fait désirer si fort des connaissances inutiles valant un million de marks ? »

Lentement, Nick se décida à répondre au sourire de son interlocuteur par un autre sourire. « C’est tout de même du vol. Comment diable la Terre a-t-elle su qu’elle aurait besoin de connaître Mars ?

— C’est le secret de la Recherche fondamentale. On prend l’habitude de découvrir le maximum possible sur toute chose. Et la plupart de ces découvertes sont utilisées tôt ou tard. Nous avons dépensé des milliards pour explorer Mars.

— J’autoriserai le versement d’un million de marks à la Bibliothèque universelle des Nations Unies. Maintenant, comment débarquer ? » Nick arrêta le masseur.

« J’ai… une idée sur la question. »

Une idée ridicule. Luke ne l’aurait pas envisagée un seul instant si le cadre de son existence actuelle avait été différent. Le Struldbrugs’ Club était luxueux et paisible, insonorisé partout, tapissé de draperies. Luke avait ravalé son propre rire dès qu’il s’était échappé de ses lèvres. Ici, on riait, on criait rarement. Le Club était un lieu de repos, après une vie de… non-repos ?

« Savez-vous piloter un vaisseau biplace, un Starfire ?

— Bien sûr. Il n’y a pas de différence dans les tableaux de bord. Des astronefs de la Zone emploient des propulseurs achetés chez Rolls-Royce en Angleterre.

— Je vous engage comme pilote au tarif d’un dollar par an. Je peux avoir un astronef paré dans six heures.

— Vous avez perdu la tête.

— Pas moi. Écoutez, Nick. Chaque prétendu diplomate aux Nations Unies sait à quel point il est important de trouver l’intrus. Mais personne ne bougera. Non pas par rancune à l’égard de la Zone. Ou du moins pas uniquement. Mais par inertie. Les Nations Unies sont un gouvernement mondial. Instrument difficile à manier, ce gouvernement, puisqu’il régente les vies de dix-huit milliards de gens. Pis encore : les Nations Unies se composent de nations individuelles. De nos jours, les nations ne sont plus très puissantes. Le temps arrivera vite où on aura oublié jusqu’à leurs noms. Je ne suis pas certain que ce soit une bonne chose, mais aujourd’hui le prestige national peut s’interposer. Il faut des semaines pour qu’elles se mettent d’accord sur n’importe quoi.

« Tandis qu’il n’existe pas de loi s’opposant à ce qu’un citoyen des Nations Unies aille où il lui plaît dans l’espace terrestre, ou embauche qui il veut. Un certain nombre de nos pilotes autour de la Lune sont des Zoniers. »

Nick secoua la tête comme s’il voulait clarifier ses pensées. « Garner, je ne vous comprends pas. Vous ne pouvez pas croire sérieusement que nous réussirons à trouver l’intrus avec un biplace. Je connais la poussière martienne. Il est caché dans l’une de ces mers de poussière, en train de disséquer Jack Brennan, et il sera impossible de l’atteindre sans avoir fouillé les déserts centimètre par centimètre avec des radars de profondeur.

— Très juste. Mais quand les politiciens se rendront compte que vous êtes parti pour fouiller Mars, que croyez-vous qu’ils feront ? Le fait que vous êtes embauché comme pilote est un détail technique évident pour tout le monde. Supposez que nous trouvions l’intrus ? La Zone s’en attribuera le mérite. »

Fermant les yeux, Nick tenta de réfléchir. Il n’était pas accoutumé à une logique qui tourne tellement en rond. Mais Garner semblait avoir raison. S’ils pensaient qu’il allait vers Mars, avec ou sans un Terrien comme compagnon… Nick Sohl, Premier président pour la Zone, habilité à conclure des traités.

Inquiétant. Ils enverraient une flotte pour commencer les recherches les premiers.

« Donc j’ai besoin d’un Terrien qui m’engage comme pilote. Pourquoi vous ?

— Je suis à même de me procurer un astronef maintenant. J’ai des relations.

— Okay. Obtenez l’astronef, puis trouvez un Terrien du type explorateur intrépide. Vendez-lui le vaisseau. Ensuite, il m’embauchera comme pilote. D’accord ?

— D’accord si vous voulez, mais je ne le ferai pas.

— Pourquoi ? » Nick le dévisagea. « Vous ne pensez pas sérieusement à m’accompagner ? »

Luke fit un mouvement de tête résolument affirmatif.

Nick ne put s’empêcher de rire. « Quel âge avez-vous ?