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«Steht er mit festen

Gefügigen Knochen

Auf der Erde,

So reicht er nicht auf,

Nur mit der Linde

Oder der Rebe

Sich zu vergleichen.»

(Lorsqu'il se tient sur la terre avec ses jambes solides et souples, il n'arrive pas à se comparer au tilleul ou à la vigne).

Je poussai un cri de triomphe: – Nous le tenons enfin, votre Erdmann, dis-je: cet homme qui «se tient sur la terre», donc cet homme de la terre (Erdemann ou Erdmann), ne peut réussir à se comparer au tilleul (Linde), donc à Lindemati ou à la vigne (Rebe), donc au marchand de vins (Weinhändler). En d'autres termes: ce Lindeman, l'étudiant inintelligent, devenu plus tard marchand de vins, était bien un âne, mais Erdwann est un âne plus grand encore, sans comparaison possible avec Lindeman. Ces discours méprisants ou railleurs, prononcés dans l'inconscient, sont très fréquents; aussi crus-je pouvoir affirmer que la cause principale de l'oubli du nom était trouvée.

Je demandai alors à quelle poésie étaient empruntés les vers cités. Z. répondit qu'ils faisaient partie d'un poème de Gœthe qui, croyait-il, commençait ainsi:

«Edel sei der Mensch,

Hilfreich und gut!»

(Que l'homme soit noble, secourable et bon!)

et il ajouta qu'on y trouvait aussi les vers suivants:

«Und hebt er sich aufwärts,

So spielen mit ihm die Winde.»

(Et lorsqu'il se redresse,

Les vents jouent avec lui.)

Le lendemain, j'ai cherché ce poème de Gcethe, et j'ai pu constater que le cas était beaucoup plus intéressant (mais aussi plus compliqué) qu'il ne l'avait paru au premier abord.

a) Les deux premiers vers cités (voir plus haut) étaient ainsi conçus:

«Steht er mit festen

Markigen (pleines de sève; et non gefügigen) Knochen»…

«Jambes souples» était une combinaison quelque peu singulière; mais je ne m'arrêterai pas là-dessus.

b) Et voici les vers suivants de cette strophe.

«Auf der wohlbegründeten

Dauernden Erde,

Reicht er nicht auf;

Nur mit der Eiche

Oder der Rebe

Sich zu vergleichen.»

(Sur la terre solide et durable, il n'arrive pas à se comparer au chêne ou à la vigne.)

Il n'est donc pas question de tilleul (Linde) dans toute cette poésie. Le remplacement du chêne (Eiche) par le tilleul (Linde) ne s'est effectué (dans son inconscient) que pour rendre possible le jeu de mots: «Terre-Tilleul-Vigne» (Erde-Linde-Rebe).

c) Ce poème est intitulé: «Les limites de l'Humanité» et contient une comparaison entre la toute-puissance des dieux et la faiblesse des hommes. Mais le poème qui commence par les vers: «Edel sei der Mensch, – Hilfreich und gut!», n'est pas du tout celui auquel Z. a emprunté sa strophe. Il est imprimé quelques pages plus loin; il est intitulé «Le divin» et contient également des pensées sur les dieux et les hommes. Comme cette question n'a pas été approfondie, je puis tout au plus supposer que des idées sur la vie et la mort, sur l'éphémère et l'éternel, sur la fragilité de la propre vie de Z. et sur la mort future ont pu également jouer un rôle dans la détermination de l'oubli qui s'est produit dans ce cas.»

Dans certains de ces exemples il faut avoir recours à toutes les finesses de la technique psychanalytique pour expliquer l'oubli d'un nom. Je renvoie ceux qui veulent se renseigner plus en détail sur ce genre de travail, à une communication de M. E. Jones (de Londres), traduite d'anglais en allemand [13].

M. Ferenczi a observé que l'oubli de noms peut se produire également à titre de symptôme hystérique. Il révèle alors un mécanisme fort éloigné de celui qui préside aux actes manqués. La communication suivante fera comprendre cette différence:

«J'ai actuellement en traitement une malade qui, bien que douée d'une bonne mémoire, ne peut se rappeler les noms propres, même les plus usuels, même ceux qui lui sont le plus familiers. L'analyse a montré que ce symptôme lui servait à faire ressortir son ignorance. Or, cette insistance sur son ignorance était une forme de reproche qu'elle adressait à ses parents pour n'avoir pas voulu lui donner une instruction supérieure. Son idée fixe de nettoyage (psychose de maîtresse de maison) provient en partie de la même source. Elle a l'air de dire ainsi à ses parents «Vous n'avez fait de moi qu'une femme de chambre.»

Je pourrais multiplier les exemples d'oublis de noms et en approfondir la discussion; mais je préfère ne pas aborder, à propos d'une seule question, la plupart des points de vue que nous aurons à envisager par la suite, en rapport avec d'autres questions. Qu'il me soit cependant permis de résumer en quelques propositions les résultats des analyses citées:

Le mécanisme de l'oubli de noms (ou, plus exactement, de l'oubli passager de noms) consiste dans l'obstacle qu'oppose à la reproduction voulue du nom, un enchaînement d'idées étrangères à ce nom et inconscientes. Entre le nom troublé et le complexe perturbateur il peut y avoir soit un rapport préexistant, soit un rapport qui s'établit, selon des voies apparemment artificielles, à la faveur d'associations superficielles (extérieures).

Les plus efficaces, parmi les complexes perturbateurs, sont ceux qui impliquent des rapports personnels, familiaux, professionnels.

Un nom qui, grâce à ses multiples sens, appartient à plusieurs ensembles d'idées (complexes), ne peut souvent entrer que difficilement en rapport avec un ensemble d'idées donné, car il en est empêché par le fait qu'il participe d'un autre complexe, plus fort.

Parmi les causes de ces troubles, on note en premier lieu et avec le plus de netteté le désir d'éviter un sentiment désagréable ou pénible que tel souvenir donné est susceptible de provoquer.

On peut, d'une façon générale, distinguer deux variétés principales d'oublis de noms: un nom est oublié soit parce qu'il rappelle lui-même une chose désagréable, soit parce qu'il se rattache à un autre nom, susceptible de provoquer un sentiment désagréable. Donc, la reproduction de noms est troublée soit à cause d'eux-mêmes, soit à cause de leurs associations plus ou moins éloignées.

Un coup d'œil sur ces propositions générales permet de comprendre pourquoi l'oubli passager de noms constitue un de nos actes manqués les plus fréquents.

Nous sommes cependant loin d'avoir noté toutes les particularités du phénomène en question. Je veux encore attirer l'attention sur le fait que l'oubli de noms est contagieux au plus haut degré. Dans une conversation entre deux personnes, il suffit que l'une prétende avoir oublié tel ou tel nom, pour que le même nom échappe à l'autre. Seulement, la personne chez laquelle l'oubli est un phénomène induit, retrouve plus facilement le nom oublié. Cet oubli «collectif» qui est un des phénomènes par lesquels se manifeste la psychologie des foules n'a pas encore fait l'objet de recherches psychanalytiques. M. Th. Reik a pu donner une bonne explication de ce remarquable phénomène, à propos d'un seul cas, particulièrement intéressant [14].