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Ils sortirent de la chambre et s’engagèrent dans les interminables couloirs du monastère.

– Ici, ce sont les cuisines… Là, la bibliothèque d’Histoire… Ici, une salle de travail… Là, la pièce où se trouvent les ordinateurs de Gérald…

Ils franchirent des portes, traversèrent des salles, arpentèrent d’interminables déambulatoires. Tous les styles d’architecture étaient présents, du plus ancien au plus moderne, mais celui qui dominait était le médiéval, conférant à l’ensemble non seulement une unité mais également, avec ses pierres de taille, ses voûtes et ses ogives, une impression de sérénité. Guillemot ouvrait grand ses yeux et ses oreilles. Tout finissait par s’entremêler et se confondre, tant il y avait d’endroits à voir !

– Ici, le patio, le seul endroit du monastère où sont autorisées les conversations bruyantes… Là, la bibliothèque du Monde Incertain, qui contient toutes les informations dont nous disposons à son sujet… Ici, le gymnase…

– Un gymnase, Maître ?

– Bien sûr ! As-tu déjà oublié l’importance de l’exercice physique ?

Ils continuèrent la visite de l’imposant monastère, Qadehar guidant Guillemot dans le labyrinthe des couloirs qui se ressemblaient tous, et la nuit s’annonça avant qu’ils en aient fait le tour. Ils se rendirent aux cuisines, où le Sorcier commanda un solide repas qu’il emporta sur un plateau jusqu’à leur chambre. Ils mangèrent de bon appétit, les yeux rivés sur l’étonnant spectacle des gorges peu à peu prises par la nuit.

– Tu continueras la visite de Gifdu tout seul. J’ai beaucoup de choses à faire, demain. Allons nous coucher, mon garçon.

– Bonne nuit, Maître Qadehar. Faites de beaux rêves !

– Toi aussi, Guillemot, toi aussi.

17 L’APPRENTI JOUE AU PIRATE

Guillemot était morose. Cela faisait presque deux semaines que Qadehar et lui étaient au monastère de Gifdu, haut lieu de la Guilde des Sorciers. Ils avaient déjà rencontré le Grand Mage à deux reprises, et le garçon avait dit au vieillard décharné tout ce qu’il savait. Il ne comprenait pas pourquoi son Maître prolongeait ainsi leur séjour… Le Gommon capturé sur la plage n’avait toujours pas parlé. Mais en quoi cela le concernait-il, lui ? Comme Romaric, Gontrand, Ambre et Coralie lui manquaient ! Il avait l’impression de les trahir, en restant loin d’eux ; et, surtout, de rater de bons moments ! Le visage d’Ambre lui revint à l’esprit sans qu’il fasse attention. Voilà qu’il en arrivait à regretter les moqueries de la fille la plus exaspérante d’Ys ! C’était bien le signe que sa solitude lui pesait vraiment. Il jeta un coup d’œil sur une Pierre Bavarde pour vérifier qu’il s’était engagé dans la bonne direction. Il pressa le pas dans l’escalier conduisant au rez-de-chaussée.

Qadehar le laissait seul la plus grande partie du temps. Il l’avait autorisé dès le premier jour – avec une voix curieusement ironique – à déambuler à sa guise dans les bâtiments. Guillemot était donc parti à la découverte du monastère. Bien entendu, comme tous les Apprentis qui séjournaient pour la première fois à Gifdu, il s’était perdu au tout début et avait dû appeler longtemps dans les couloirs, avant qu’un Sorcier vienne le chercher et le ramène à sa chambre !

A l’étonnement général, Guillemot, mis au défi par son Maître, avait compris en une seule journée ce que les nouveaux mettaient parfois une semaine à découvrir : à certains endroits des murs, des pierres gravées (que les Sorciers de Gifdu appelaient Pierres Bavardes) fournissaient des indications sur les directions à suivre ! Il ne lui avait fallu qu’un jour de plus pour déchiffrer les signes qui y figuraient. Il s’était alors livré à l’exploration du monastère, et il eut rapidement l’impression d’en avoir fait le tour.

Faute de la présence à Gifdu d’un autre Apprenti avec qui il aurait pu partager le plaisir de ses découvertes, Guillemot s’était mis ensuite à visiter avec assiduité les nombreuses salles de travail du monastère. De cette façon, outre Gérald dont il appréciait désormais l’humour grinçant, il avait fini par se lier d’amitié avec plusieurs Sorciers. Qadwan, le responsable du gymnase, était l’un d’eux. C’était un vieil homme solitaire, étonnamment souple et fort pour son âge, qu’il avait réussi à apprivoiser en lui racontant ses mésaventures avec les Orks.

Tous les matins, il aidait aussi Eugène, en charge de la poste du monastère, à trier les sacs de courrier arrivant à Gifdu des quatre coins du Pays d’Ys : simples citoyens, chefs de clan, parfois même Korrigans (Guillemot reconnaissait leur écriture minuscule et alambiquée), nombreux étaient ceux qui sollicitaient les conseils ou l’arbitrage de la Guilde !

En retour, les Sorciers de Gifdu s’étaient attachés à Guillemot, riaient de ses blagues et s’amusaient aussi du

sérieux avec lequel il promenait sa sacoche et son carnet d’Apprenti de bibliothèques en salles d’étude.

Le garçon apprenait beaucoup. Mais cette situation commençait quand même à lui peser véritablement. C’étaient ses vacances qu’il était en train de passer ici, loin de Troïl et de ses amis ! Il serait toujours temps de revenir à Gifdu plus tard, en octobre ou en novembre, pour les vacances de Samain.

En soupirant, il s’arrêta à la hauteur d’une Pierre Bavarde qui lui proposait trois destinations différentes. Il s’engagea dans un couloir mal éclairé pour se diriger vers la salle des ordinateurs.

Après avoir salué Gérald qui paraissait fort occupé par un travail de classement, il s’installa devant un écran libre. A cette heure de la journée – celle de la sieste ! – les hôtes de Gifdu étaient peu actifs ; d’autant que, depuis plusieurs jours, la chaleur était accablante, et la salle des ordinateurs n’était pas réputée pour être la plus fraîche ! Guillemot posa sa sacoche sur un coin de la table et mit la machine en route.

Il n’était pas exceptionnellement doué dans ce domaine, mais, comme la plupart des écoliers d’Ys, il maîtrisait suffisamment l’informatique pour passer le temps. Il commença par se promener dans le menu à la recherche d’un jeu. Comme il n’en trouvait pas, il lança une recherche plus poussée pour voir si le système de l’ordinateur n’en contenait pas un, que Gérald aurait volontairement mis hors de portée des Apprentis. Lorsque le moteur de recherche lui demanda le mot-clé indispensable pour son investigation, il tapa le mot « jeu ». La réponse lui parvint immédiatement : « introuvable ». Évidemment, cela aurait été trop simple. Il tapa « divertissement », avec le même résultat. Il essaya ensuite d’autres synonymes, puis différents noms de jeux qu’il aimait bien. Sans succès. Il allait renoncer, lorsqu’après

avoir inscrit : « Le Maître du Donjon », un jeu qu’il affectionnait entre tous, le moteur de recherche le conduisit devant une austère page de présentation, sur fond de ciel étoilé, qui affichait simplement en belle écriture manuscrite : « mot de passe ».

– Ah ! cela devient intéressant, murmura Guillemot.

Suivaient douze symboles identiques réclamant chacun

une lettre ou un chiffre ; soit un mot de passe d’une telle longueur que Guillemot n’aurait pas assez de toute une vie pour le trouver.

Cela lui sembla curieux qu’un simple jeu bénéficie d’une telle protection. Son excitation retomba, mais céda la place à une grande détermination.

– A nous deux, jeu mystérieux !