Выбрать главу

XXIX

Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement.

XXX

Quoique toutes les passions se dussent cacher, elles ne craignent pas néanmoins le jour; la seule envie est une passion timide et honteuse d'elle-même, qui n'ose se laisser voir.

XXXI

La jalousie est raisonnable, et juste en quelque manière, puisqu'elle ne cherche qu'à conserver un bien qui nous appartient, ou que nous croyons nous appartenir; au lieu que l'envie est une fureur qui nous fait toujours souhaiter la ruine du bien des autres.

XXXII

Le mal que nous faisons ne nous attire point tant de persécution et de haine que les bonnes qualités que nous avons.

XXXIII

Tout le monde trouve à redire en autrui ce qu'on trouve à redire en lui.

XXXIV

Si nous n'avions point de défauts, nous ne serions pas si aises d'en remarquer aux autres.

XXXV

La jalousie ne subsiste que dans les doutes, l'incertitude est sa matière; c'est une passion qui cherche tous les jours de nouveaux sujets d'inquiétude, et de nouveaux tourments; on cesse d'être jaloux dès qu'on est éclairci de ce qui causait la jalousie.

XXXVI

L'orgueil se dédommage toujours, et il ne perd rien lors même qu'il renonce à la vanité.

XXXVII

L'orgueil, comme lassé de ses artifices et de ses différentes métamorphoses, après avoir joué tout seul tous les personnages de la comédie humaine, se montre avec un visage naturel, et se découvre par la fierté; de sorte qu'à proprement parler la fierté est l'éclat et la déclaration de l'orgueil.

XXXVIII

Si nous n'avions point d'orgueil, nous ne nous plaindrions pas de celui des autres.

XXXIX

L'orgueil est égal dans tous les hommes, et il n'y a de différence qu'aux moyens et à la manière de le mettre au jour.

XL

La nature, qui a si sagement pourvu à la vie de l'homme par la disposition admirable des organes du corps, lui a sans doute donné l'orgueil pour lui épargner la douleur de connaître ses imperfections et ses misères.

XLI

L'orgueil a bien plus de part que la bonté aux remontrances que nous faisons à ceux qui commettent des fautes; et nous les reprenons bien moins pour les en corriger que pour les persuader que nous en sommes exempts

XLII

Nous promettons selon nos espérances, et nous tenons selon nos craintes.

XLIII

L'intérêt parle toutes sortes de langues, et joue toutes sortes de personnages, et même celui de désintéressé.

XLIV

L'intérêt, à qui on reproche d'aveugler les uns, est tout ce qui fait la lumière des autres.

XLV

Ceux qui s'appliquent trop aux petites choses deviennent ordinairement incapables des grandes.

XLVI

Nous n'avons pas assez de force pour suivre toute notre raison.

XLVII

L'homme est conduit, lorsqu'il croit se conduire, et pendant que par son esprit il vise à un endroit, son cœur l'achemine insensiblement à un autre

XLVIII

Nous ne nous apercevons que des emportements, et des mouvements extraordinaires de nos humeurs, et de notre tempérament, comme de la violence de la colère, mais personne quasi ne s'aperçoit que ces humeurs ont un cours ordinaire et réglé, qui meut et tourne imperceptiblement notre volonté à des actions différentes, elles roulent ensemble, s'il faut ainsi dire, et exercent successivement un empire secret en nous-mêmes; de sorte qu'elles ont une part considérable en toutes nos actions, sans que nous le puissions reconnaître.

XLIX

La force et la faiblesse de l'esprit sont mal nommées: elles ne sont en effet que la bonne ou la mauvaise disposition des organes du corps.

L

Le caprice de notre humeur est encore plus bizarre que celui de la fortune.

LI

La complexion qui fait le talent pour les petites choses est contraire à celle qu'il faut pour le talent des grandes.

LII

L'attachement ou l'indifférence pour la vie sont des goûts de l'amour-propre, dont on ne doit non plus disputer que de ceux de la langue ou du choix des couleurs.

LIII

C'est une espèce de bonheur de connaître jusques à quel point on doit être malheureux.

LIV

La félicité est dans le goût et non pas dans les choses; et c'est par avoir ce qu'on aime qu'on est heureux, et non pas par avoir ce que les autres trouvent aimable.

LV

Quand on ne trouve pas son repos en soi-même, il est inutile de le chercher ailleurs.

LVI

On n'est jamais si heureux ni si malheureux que l'on pense.

LVII

Ceux qui se sentent du mérite se piquent toujours d'être malheureux, pour persuader aux autres, et à eux-mêmes, qu'ils sont au-dessus de leurs malheurs, et qu'ils sont dignes d'être en butte à la fortune.

LVIII

Rien ne doit tant diminuer la satisfaction que nous avons de nous-mêmes, que de voir que nous avons été contents dans l'état, et dans les sentiments, que nous désapprouvons à cette heure.

LIX

On n'est jamais si malheureux qu'on croit, ni si heureux qu'on avait espéré.

LX

On se console souvent d'être malheureux par un certain plaisir qu'on trouve à le paraître.

LXI

Quelque différence qu'il y ait entre les fortunes, il y a pourtant une certaine proportion de biens et de maux qui les rend égales.

LXII

Quelques grands avantages que la nature donne, ce n'est pas elle, mais la fortune qui fait les héros.

LXIII

Le mépris des richesses dans les philosophes était un désir caché de venger leur mérite de l'injustice de la fortune par le mépris des mêmes biens dont elle les privait; c'était un secret qu'ils avaient trouvé pour se dédommager de l'avilissement de la pauvreté; c'était enfin un chemin détourné pour aller à la considération qu'ils ne pouvaient avoir par les richesses.

LXIV

La haine qu'on a pour les favoris n'est autre chose que l'amour de la faveur. Le dépit de ne la pas posséder se console et s'adoucit un peu par le mépris de ceux qui la possèdent; c'est enfin une secrète envie de la détruire, qui fait que nous leur ôtons nos propres hommages, ne pouvant pas leur ôter ce qui leur attire ceux de tout le monde.

LXV

Pour s'établir dans le monde on fait tout ce que l'on peut pour y paraître établi.

LXVI

Quoique la grandeur des ministres se flatte de celle de leurs actions, elles sont bien plus souvent les effets du hasard ou de quelque petit dessein.