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CCLXX

La magnanimité méprise tout pour avoir tout.

CCLXXI

La magnanimité est un noble effort de l'orgueil par lequel il rend l'homme maître de lui-même pour le rendre maître de toutes choses.

CCLXXII

Ier état – Il y a peu de choses impossibles d'elles-mêmes, et l'on trouve plus de voies que l'on ne pense pour y arriver. Et si nous avions assez d'application et de volonté, nous aurions toujours assez de moyens.

2e état – Il n'y a pas moins d'éloquence dans le ton de la voix que dans le choix des paroles.

CCLXXIII

La véritable éloquence consiste à dire tout ce qu'il faut et à ne dire que ce qu'il faut.

CCLXXIV

Il y a une éloquence dans les yeux et dans l'air de la personne qui ne persuade pas moins que celle de la parole.

CCLXXV

Il est aussi ordinaire de voir changer les goûts qu'il est rare de voir changer les inclinations.

CCLXXVI

L'intérêt donne toutes sortes de vertus et de vices.

CCLXXVII

L'humilité n'est souvent qu'une feinte soumission que nous employons pour soumettre effectivement tout le monde; c'est un mouvement de l'orgueil, par lequel il s'abaisse devant les hommes pour s'élever sur eux; c'est un déguisement, et son premier stratagème; mais quoique ces changements soient presque infinis, et qu'il soit admirable sous toutes sortes de figures, il faut avouer néanmoins qu'il n'est jamais si rare ni si extraordinaire que lorsqu'il se cache sous la forme et sous l'habit de l'humilité; car alors on le voir les yeux baissés, dans une contenance modeste et reposée; toutes ses paroles sont douces et respectueuses, pleines d'estime pour les autres et de dédain pour lui-même; si on l'en veut croire, il est indigne de tous les honneurs, il n'est capable d'aucun emploi, il ne reçoit les charges où on l'élève que comme un effet de la bonté des hommes, et de la faveur aveugle de la fortune. C'est l'orgueil qui joue tous ces personnages que l'on prend pour l'humilité.

CCLXXVIII

Tous les sentiments ont chacun un ton de voix, un geste et des mines qui leur sont propres; ce rapport bon, ou mauvais, fait les bons, ou les mauvais, comédiens, et c'est ce qui fait aussi que les personnes plaisent ou déplaisent.

CCLXXIX

Dans toutes les professions, et dans tous les arts, chacun se fait une mine et un extérieur qu'il met en la place de la chose dont il veut avoir le mérite, de sorte que tout le monde n'est composé que de mines, et c'est inutilement que nous travaillons à y trouver rien de réel.

CCLXXX

La gravité est un mystère du corps inventé pour cacher les défauts de l'esprit.

CCLXXXI

Il y a des personnes à qui les défauts siéent bien, et d'autres qui sont disgraciées avec leurs bonnes qualités.

CCLXXXII

Le luxe et la trop grande politesse dans les États sont le présage assuré de leur décadence parce que, tous les particuliers s'attachant à leurs intérêts propres, ils se détournent du bien public.

CCLXXXIII

La civilité est une envie d'en recevoir; c'est aussi un désir d'être estimé poli.

CCLXXXIV

Ier état – L'éducation que l'on donne aux princes est un second amour-propre qu'on leur inspire.

2e état – L'éducation que l'on donne d'ordinaire aux jeunes gens est un second orgueil qu'on leur inspire.

CCLXXXV

Ier état – Rien ne prouve tant que les philosophes ne sont pas si persuadés qu'ils disent que la mort n'est pas un mal, que le tourment qu'ils se donnent pour établir l'immortalité de leur nom par la perte de la vie.

2e état – Il n'y a point de passion où l'amour de soi-même règne si puissamment que dans l'amour; et on est toujours plus disposé de sacrifier tout le repos de ce qu'on aime que de perdre la moindre partie du sien.

CCLXXXVI

Il n'y a point de libéralité; ce n'est que la vanité de donner, que nous aimons mieux que ce que nous donnons.

CCLXXXVII

La pitié est un sentiment de nos propres maux dans un sujet étranger, c'est une prévoyance habile des malheurs où nous pouvons tomber, qui nous fait donner du secours aux autres pour les engager à nous le rendre dans de semblables occasions, de sorte que les services que nous rendons à ceux qui en ont besoin sont à proprement parler des biens anticipés que nous nous faisons à nous-mêmes.

CCLXXXVIII

La petitesse de l'esprit fait souvent l'opiniâtreté; et nous ne croyons pas aisément ce qui est au delà de ce que nous voyons

CCLXXXIX

On s'est trompé quand on a cru qu'il n'y avait que les violentes passions, comme l'ambition et l'amour, qui pussent triompher des autres. La paresse, toute languissante qu'elle est, ne laisse pas d'en être souvent la maîtresse; elle usurpe sur tous les desseins et sur toutes les actions de la vie; elle y détruit et y consomme insensiblement toutes les passions et toutes les vertus.

CCXC

De toutes les passions celle qui est la plus inconnue à nous-mêmes, c'est la paresse; elle est la plus ardente et la plus maligne de toutes, quoique sa violence soit insensible, et que les dommages qu'elle cause soient très cachés; si nous considérons attentivement son pouvoir, nous verrons qu'elle se rend en toutes rencontres maîtresse de nos sentiments, de nos intérêts et de nos plaisirs; c'est la rémore qui a la force d'arrêter les plus grands vaisseaux, c'est une bonace plus dangereuse aux plus importantes affaires que les écueils, et que les plus grandes tempêtes, le repos de la paresse est un charme secret de l'âme qui suspend soudainement les plus ardentes poursuites et les plus opiniâtres résolutions; pour donner enfin la véritable idée de cette passion, il faut dire que la paresse est comme une béatitude de l'âme, qui la console de toutes ses pertes, et qui lui tient lieu de tous les biens.

CCXCI

La promptitude avec laquelle nous croyons le mal sans l'avoir assez examiné est un effet de la paresse et de l'orgueil. On veut trouver des coupables, et on ne veut pas se donner la peine d'examiner les crimes.

CCXCII

Nous récusons tous les jours des juges pour les plus petits intérêts; et nous faisons dépendre notre gloire et notre réputation, qui sont les plus grands biens du monde, du jugement des hommes, qui nous sont tous contraires, ou par leur jalousie, ou par leur malignité, ou par leur préoccupation, ou par leur sottise; et c'est pour obtenir d'eux un arrêt en notre faveur que nous exposons notre repos et notre vie en cent manières, et que nous la condamnons à une infinité de soucis, de peines et de travaux.

CCXCIII

De plusieurs actions différentes que la Fortune arrange comme il lui plaît, il s'en fait plusieurs vertus.