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[107] Quoique toutes les passions montrent cette vérité, l'amour le fait voir plus clairement que les autres; car nous voyons un amoureux, agité de la rage où l'a mis un visible oubli, ou pour une infidélité découverte, conjurer le ciel et les enfers, et néanmoins, aussitôt que sa maîtresse s'est présentée et que sa vue a calmé la fureur de ses mouvements, son ravissement rend cette beauté innocente. Il n'accuse plus que lui-même, il condamne ses condamnations, et par cette vertu miraculeuse de l'amour-propre il ôte la noirceur aux actions mauvaises de sa maîtresse, et en sépare le crime pour en changer [sic] ses soupçons (pour cette maxime et la précédente: max. 88, I 101).

[108] La familiarité est un relâchement presque de toutes les règles de la vie civile que le libertinage a introduit dans la société pour nous faire parvenir à celle qu'on appelle commode (début de MP 33).

[109] C'est un effet de l'amour-propre qui, voulant tout accommoder à notre faiblesse, nous soustrait à l'honnête sujétion que nous imposent les bonnes mœurs et, pour chercher trop les moyens de nous les rendre commodes, le fait dégénérer en vices [sic] (MP 33, suite).

[110] Les femmes, ayant naturellement plus de mollesse que les hommes, tombent plutôt dans ce relâchement, et y perdent davantage: l'autorité du sexe ne se maintient pas, le respect qu'on lui doit diminue, et l'on peut dire que l'honnête y perd la plus grande partie de ses droits. Peu de gens sont cruels de cruauté, mais l'on peut dire que la plupart de hommes sont cruels et inhumains d'amour-propre (MP 33, fin, et MS 32, I 174).

[111] L'amour de la gloire, et plus encore la crainte de la honte, le dessein de faire fortune, le désir de rendre notre vie commode et agréable, et l'envie d'abaisser les autres, font naître cette valeur qui est célèbre parmi les hommes (max. 213, I 226)

[112] La vanité et la honte, et surtout le tempérament, fait la valeur des hommes, et la chasteté des femmes, dont on fait tant de bruit (max. 220, I 234).

[113] La parfaite valeur et la poltronnerie complète sont des extrémités où l'on arrive rarement; l'espace qui est entre deux est vaste, et contient toutes les autres espèces de courages: il n'y a pas moins de différence entre eux qu'il y en a entre les visages et les humeurs. Cependant ils conviennent en beaucoup de choses. Il y a des hommes qui s'exposent volontiers au commencement d'une action, et qui se relâchent et se rebutent aisément par sa durée. Il y en a qui sont assez constants quand ils ont satisfait à l'honneur du monde et qui font fort peu de chose au-delà. On en voit qui ne sont pas toujours également maîtres de leur peur; d'autres se laissent quelquefois emporter à des épouvantes générales; d'autres vont à la charge pour n'oser demeurer dans leurs postes. Enfin il s'en trouve à qui l'habitude des moindres périls affermit le courage et les prépare à s'exposer à de plus grands. Outre cela il y a un rapport général que l'on remarque entre tous les courages des différentes espèces dont nous venons de parler, qui est que la nuit, augmentant la crainte et cachant les bonnes et les mauvaises actions, leur donne la liberté de se ménager. Il y a encore un autre ménagement plus général, qui à parler absolument s'étend sur toutes sortes d'hommes c'est qu'il n'y en a point qui fassent tout ce qu'ils seraient capables de faire dans une action s'ils avaient une certitude d'en revenir, de sorte qu'il est véritable que la crainte de la mort ôte quelque chose à leur valeur et diminue son effet (max. 215, I 228).

[114] La pure valeur, s'il y en avait, serait de faire sans témoins ce qu'on est capable de faire devant le monde (max. 216, I 229).

[115] L'intrépidité est une force extraordinaire de l'âme par laquelle elle empêche les troubles, les désordres et les émotions que la vue des grands périls a accoutumé d'élever en elle. Par cette force les héros se maintiennent dans un état paisible et conservent l'usage libre de toutes leurs fonctions dans les accidents les plus terribles et les plus surprenants. Cette intrépidité doit soutenir le cœur dans les conjurations, au lieu que la seule valeur lui fournit toute la fermeté qui lui est nécessaire dans les périls de la guerre (max. 217 et MS 40, I 230 et 231).

[116] On ne veut point perdre la vie, et on veut acquérir de la gloire de là vient que les braves ont plus d'adresse et d'esprit pour éviter la mort que les gens de chicane pour conserver leurs biens (max. 221, I 235).

[117] La valeur dans les simples soldats est un métier périlleux qu'ils ont pris pour gagner leur vie (max. 214, I 227)

[118] La plupart des hommes s'exposent assez à la guerre pour sauver leur honneur; mais peu se veulent toujours exposer autant qu'il est nécessaire pour faire réussir le dessein pour lequel ils s'exposent (max. 219, I 233).

[119] Les grands et les ambitieux sont plus misérables que les médiocres: il faut moins pour contenter ceux-ci que ceux-là (MP I).

[120] La générosité est un désir de briller par des actions extraordinaires; c'est un habile et industrieux emploi du désintéressement, de la fermeté, de l'amitié et de la magnanimité pour aller promptement à une grande réputation (max. 246, I 268).

[121] Quelques grands avantages que la nature donne, ce n'est pas elle, mais la fortune, qui fait les héros (max. 53, I 62).

[122] La félicité est dans le goût, et non pas dans les choses, et c'est pour avoir ce qu'on aime qu'on est heureux, et non pas pour avoir ce que les autre trouvent aimable (max. 48, I 54).

[123] On pourrait dire qu'il n'y a point d'heureux ni de malheureux accidents, parce que les habiles gens savent profiter des mauvais et que les imprudents tournent bien souvent les plus avantageux à leur préjudice (max. 59, I 68).

[124] La nature fait le mérite, et la fortune le met en œuvre (max. 153, I 160).

[125] Les biens et les maux sont plus grands dans notre imagination qu'ils ne le sont en effet; et on n'est jamais si heureux, ni si malheureux, que l'on pense (max. 49, I 56).

[126] Quelque différence qu'il y ait entre les fortunes, il y a pourtant une certaine proportion de biens et de maux qui les rend égales (max. 52, I 61).

[127] Ceux qui se sentent du mérite se piquent toujours d'être malheureux, pour persuader aux autres et à eux-mêmes qu'il sont de véritables héros, puisque la mauvaise fortune ne s'opiniâtre jamais à persécuter que les personnes qui ont des qualités extraordinaires: de là vient qu'on se console souvent d'être malheureux par un certain plaisir qu'on trouve à le paraître (MS 10, I 60).

[128] On n'est jamais si malheureux qu'on croit, ni si heureux qu'on espère (MS 9, I 59).

[129] La plupart des gens ne voient dans les hommes que la vogue qu'ils ont, et le mérite de leur fortune (max. 212, I 224).