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J’envoie savoir de vos nouvelles, et si vous vous êtes souvenue de ce que vous m’aviez promis. Je vous ai cherché un écrivain qui fera mieux que l’autre. Je vous renvoie l’écrit de M Esprit que j’emportai dernièrement avec ce que vous m’avez donné, et je vous envoie aussi ce qui est ajouté aux sentences que vous n’avez point vues. Comme c’est tout ce que j’ai, je vous supplie très humblement qu’il ne se perde pas, et de mander quand je pourrai avoir l’honneur de vous voir pour prendre congé de vous.

25. Lettre de Mme de Sablé à La Rochefoucauld. Date inconnue

Si vous eussiez demandé à venir ici une heure plus tôt, je vous eusse dit non. Il y a quelques jours que j’avais tellement perdu l’appétit que je croyais que c’en était fait de mon foie et de mon estomac; mais, Dieu merci, j’ai mangé deux vives aujourd’hui; c’est pourquoi, encore que j’aie renoncé à voir tous les gens faits comme vous, je ne saurais résister à la tentation, et vous serez le très bien venu. Pour les maximes, ne m’en parlez plus, elles sont supprimées. M. de Sens a mis les vôtres au-dessus de cent piques, et ainsi de me parler d’avoir les miennes, c’est me parler de mon déshonneur.

26. Lettre de Mme de Sablé à La Rochefoucauld. Date inconnue.

Cette sentence n’est que pour faire une sentence, car je suis assurée qu’elle n’a pas son effet en ce sujet ici; mais vous jugerez aisément que la maladie que vous m’avez donnée des sentences ne peut manquer de jouer son jeu en toute rencontre. Encore que je comprenne fort bien que vous avez beaucoup d’affaires, je ne laisse pas à être surprise que vous puissiez aller à Liancourt sans me voir, et en quelque façon ce pourrait être une marque de la vérité de la sentence, puisque vous n’avez pas autant de plaisir de me parler de vos joies que vous en aviez de me parler de vos désirs et de vos inquiétudes. Néanmoins je vous pardonne sincèrement, jugeant bien les terribles embarras que vous avez. Vous pouvez penser par beaucoup de raisons la part que je prends à votre satisfaction, quand il n’y aurait que l’amour-propre de voir que j’ai si bien deviné ce qui est si ponctuellement arrivé

II. Jugements recueillis par Mme de Sablé

27. Lettre de Mme de Maure à Mme de Sablé. 3 mars 1661.

Il me semble, m’amour, que M. de La Rochefoucauld n’y est pas assez loué pour le lui envoyer, et du moins il y faudrait remettre quelque chose que j’ai oublié avant que de dire «Mais je trouve qu’il fait à l’homme une âme trop laide». Renvoyez-le moi, s’il vous plaît, m’amour, pour voir si je pourrai le rendre aussi propre pour lui qu’il peut l’être pour M Esprit Depuis que ceci fut écrit, M. le M[arquis] d’Antin étant ici avec M. le Comte de Maure, je leur montrai ce que vous et M. Esprit avez écrit; et en disant que j’avais bien de la peine à croire que vous vous fussiez méprise, parce que cela ne vous arrivait jamais, ils furent tous deux d’une même opinion, et je dis au philosophe d’écrire la sienne:

«Défense de Mme la M[arquise] de Sablé par M. le Marquis d’Antin, jadis M. l’abbé d’Antin. – Il y a un plus grand mécompte dans le mécompte prétendu parce qu’il est assuré que la possibilité suffit pour le fondement de la beauté, et principalement Mme la M[arquise] ayant restreint ce qui pouvait même convenir aux beautés en général à la beauté des productions de l’esprit, puisque les tragédies, et les romans, qui sont de ce nombre et d’une manière assez illustre et assez à la mode en tous les temps, n’ont pour l’ordinaire et peuvent même selon Aristote n’avoir que la possibilité et la vraisemblance pour fondement de leur beauté.»

28. Lettre de Mme de Maure à Mme de Sablé. Même époque.

Votre sentence, m’amour, est admirable et de ce tour court que j’aime aux sentences, et pour celle de M. Esprit, encore qu’il me semble qu’il y a de la témérité de croire qu’il puisse faillir, je ne saurais concevoir que, quand les passions font tant que de parler équitablement et raisonnablement, elles puissent offenser, si ce n’est Dieu qui voit les cœurs et qui voit par conséquent le principe de toutes les actions.

Je ne trouve pas non plus qu’il soit vrai que la charité ait le privilège de dire tout ce qui lui plaît; et j’eus une grande joie de ce que vous y ayez fait mettre le quasi que j’y ai trouvé; il faudrait, ce me semble, pour rendre cela véritable, que l’on vît le cœur aussi bien sur ce point-là que sur l’autre, car alors sans doute, comme on verrait que c’est la charité toute seule qui parle, toutes les personnes raisonnables recevraient bien les choses mêmes qui seraient les plus contraires à leurs sentiments; mais parce que le cœur ne se voit pas, nous voyons tous les jours que quand la repréhension est rude, elle blesse, encore qu’elle parte de la charité, et quand même elle est douce, elle ne laisse pas quelquefois de blesser, parce qu’il faut être merveilleusement raisonnable pour n’être pas blessée de tout ce qui donne de la confusion.

Je vous engage, ma chère m’amour, par la fidélité que nous avons l’une pour l’autre, de ne faire voir ceci qu’à Mlle de Chalais, car pour M. Esprit il n’y faut pas seulement songer. Je vous demande cela, m’amour, au pied de la lettre, c’est-à-dire qu’il ne sache jamais que je vous aie montré d’y trouver rien à redire. Je lui dis seulement quelque chose qui signifiait qu’il y fallait le quasi que vous y avez mis; mais vous, m’amour, vous m’apprendrez, s’il vous plaît, si je ne me suis point trompée dans le reste[…]

29. Lettre de Mlle de Vertus à Mme de Sablé. Printemps 1663.

[…] Que me dites-vous de ces maximes qu’on a montrées à M. le comte de Saint-Paul? Je ne sais ce que c’est, mais il me semble qu’il ne faudrait point trop le laisser entretenir par ce M. de Neuré; car c’est une personne qui apparemment n’est pas contente de Mme de Longueville, et qui a bien envie, à ce qu’on m’a dit, de rentrer dans cette maison. Si vous disiez à M. le comte de Saint-Paul qu’il ne faut pas qu’il s’amuse à les lire? Il a une grande déférence pour vous, et ainsi cela lui deviendrait suspect […]

30. Lettre de Mme de Schonberg à Mme de Sablé. 1663.

Je crus hier, tout le jour, vous pouvoir renvoyer vos maximes; mais il me fut impossible d’en trouver le temps. Je voulais vous écrire et m’étendre sur leur sujet. Je ne puis pas vous en dire mon sentiment en détail, tout ce qu’il m’en paraît, en général, c’est qu’il y a en cet ouvrage beaucoup d’esprit, peu de bonté, et forces vérités que j’aurais ignorées toute ma vie si l’on ne m’en avait fait apercevoir. Je ne suis pas encore parvenue à cette habileté d’esprit où l’on ne connaît dans le monde ni honneur ni bonté ni probité; je croyais qu’il y en pouvait avoir. Cependant, après la lecture de cet écrit, l’on demeure persuadé qu’il n’y a ni vice ni vertu à rien, et que l’on fait nécessairement toutes les actions de la vie. S’il est ainsi que nous ne nous puissions empêcher de faire tout ce que nous désirons, nous sommes excusables, et vous jugez de là combien ces maximes sont dangereuses. Je trouve encore que cela n’est pas bien écrit en français, c’est-à-dire que ce sont des phrases et des manières de parler qui sont plutôt d’un homme de la cour que d’un auteur. Cela ne me déplaît pas, et ce que je vous en puis dire de plus vrai est que je les entends toutes comme si je les avais faites, quoique bien des gens y trouvent de l’obscurité en certains endroits. Il y en a qui me charment, comme: «L’esprit est toujours la dupe du cœur». Je ne sais si vous l’entendez comme moi; mais je l’entends, ce me semble, bien joliment, et voici comment: c’est que l’esprit croit toujours, par son habileté et par ses raisonnements, faire faire au cœur ce qu’il veut, mais il se trompe, il en est la dupe, c’est toujours le cœur qui fait agir l’esprit; l’on suit tous ses mouvements, malgré que l’on en ait, et l’on les suit même sans croire les suivre. Cela se connaît mieux en galanterie qu’aux autres actions, et je me souviens de certains vers sur ce sujet qui ne seront pas mal à propos: