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Donc l’homme qui a donné l’ordre de me descendre le premier soir et celui qui a voulu me déguiser en feu d’artifice cette nuit ne font qu’un.

Moi qui ai horreur des gens qui s’intéressent trop à ma personne, je suis à mon affaire.

*

Cette confrontation des empreintes n’a pas demandé beaucoup de temps. Plutôt que d’aller au cinéma, je préfère muser dans Marseille.

Quelle ville ! Je propose à Favelli de m’accompagner.

— Où ça ? demande-t-il en riant.

Il ajoute qu’avec moi, on peut s’attendre à déclencher simultanément tout ce que la ville compte comme pistolets, néanmoins il attrape son chapeau et se couronne roi des flics marseillais.

La rue Saint-Ferréol n’est pas loin. Pourquoi prendre cette rue comme but de promenade ? Tout bonnement parce que le Chinois y demeurait et que je serais curieux de visiter son appartement. Si le lecteur a assez de mémoire pour se souvenir qu’il a payé ses impôts de l’an dernier, il n’a pas dû oublier que j’avais pris les clés du pauvre Confucius, à la morgue, l’autre jour.

Le hasard a voulu que ce trousseau, je le glisse dans la poche de mon pantalon, ce qui l’a sauvé de l’explosion de l’hôpital, et qu’ensuite, je le laisse à mon hôtel, précaution sans laquelle il aurait été détruit avec mes fringues chez la belle Elsa.

Le hasard ! Toujours lui… Moi je lui obéis aussi souvent qu’il m’obéit lui-même. J’ai vu une sorte de présage dans le fait que ces clés aient été épargnées au cours de mes récentes tribulations. Je me dis, avec un bon sens de maquignon normand, que si j’ai pu les conserver, c’est parce qu’il est dit que je dois m’en servir.

Ça vous paraît sans doute un peu simpliste comme raisonnement. Malgré toutes vos critiques, je m’entête à le tenir comme l’exemple type de ma philosophie.

L’appartement du Chinetoque se compose de deux pièces assez mal tenues : un studio et une cuisine. Favelli et moi commençons par fouiller consciencieusement de partout.

— Avez-vous une idée de ce que vous cherchez ? me demande malicieusement mon collègue.

— Écoutez, il se pourrait bien que ce magot ait eu de la drogue en sa possession. Lorsque je l’ai menacé d’une perquisition, il est devenu tout vert — ce qui est la façon de rougir des Chinois.

— D’accord, mais entre nous, qu’aurait à voir une question de drogue, à côté de celle qui nous préoccupe ?

— On ne sait jamais…

Nous continuons nos recherches. Et nous n’avons pas tort. Je pousse un cri de joie. À l’intérieur d’une statuette de bouddha, je déniche une petite boîte de lithinés, qui contient des étuis de messages pour pigeons. À l’intérieur de ceux-ci, il y a une poudre blanche.

— Sentez !

Favelli pose son éteignoir sur l’ouverture d’un des tubes. Il renifle.

— Coco, murmure-t-il.

— Oui, coco… Cette fois tout s’éclaire.

— Ah ! oui ?

— Ben, voyons… Le type qui a été enterré rue Paradis faisait du trafic avec Su-Chang. Il devait être préposé à l’envoi des messages, et il utilisait ce mode de transport ailé pour véhiculer sa came, laquelle came était réceptionnée par un complice de Nice. Un jour, Früger, ou quelqu’un d’autre, a découvert le pot aux roses. Le gars qui devait avoir un tube vide sur lui, pressentant un « interrogatoire », a dissimulé promptement ce tube dans sa bouche. Il a dû être lessivé avant d’avoir pu allonger le Chinois.

Favelli pousse un gloussement de dindon.

— Vous avez mis dans le mille, mon vieux. Maintenant la lumière se fait. Je m’étais toujours demandé ce que signifiait ce tube dans le bec du mort.

Je regarde ma montre. L’heure du retour est proche.

— Je regagne Nice. J’espère que mon assassin aura bientôt une paire de bracelets nickelés aux poignets.

— Je l’espère aussi.

CHAPITRE VI

Je ne suis pas un cave

Le dîner chez les Nertex est aussi cordial que la veille ; la chère y est tout aussi choisie. Ces gens-là mettent les petits plats dans les grands pour me recevoir. Néanmoins, je suis moins loquace. Ma tension d’esprit est très forte, car j’ai décidé que cette affaire à ricochets serait terminée une fois pour toutes demain matin. Et si elle s’achève comme j’ai décidé qu’elle s’achèverait, je crois que mes amis Nertex et leur adorable Julia auront une belle surprise en buvant leur café au lait.

J’ai fait travailler ma matière grise à bloc ces temps-ci, et j’en suis arrivé à la conclusion que le fameux docteur Silbarn est aussi américain que je suis guatémaltèque. Je suis persuadé que ce bonhomme, avec sa figure d’éponge, appartient à la bande des espions et qu’il s’est introduit chez les Nertex sous prétexte de collaboration scientifique, pour se trouver un abri sûr. Il sera dit que ma douce Julia aura été la dupe jusqu’à la gauche.

Ça vous en bouche une tartine, hein ?

Vous devez vous demander sur quoi je me base pour affirmer de pareilles choses. Eh bien, voilà : lorsque j’ai parlé de Chicago et de mon pote qui tient soi-disant un drugstore, j’ai lancé ça au chiqué, parce que j’ai l’habitude de me documenter sur les magots dont la trompette ne me revient pas. En réalité, je n’ai jamais connu personne à Chicago, pour la bonne raison que je n’y ai jamais porté mes grands pieds. Pourtant le Silbarn est tombé dans le piège. Ensuite, j’ai remarqué tout à l’heure qu’il trimbalait sous son bras gauche un de ces machins qui ne sont pas en vente libre. J’ai fait cette constatation d’une façon fortuite. Nous buvions du porto dans la bibliothèque. Julia recherchait un bouquin dans un rayon du haut, elle a poussé un cri, parce qu’elle venait de faire basculer une pile de livres et que celle-ci oscillait sans qu’elle parvienne à la stabiliser. Silbarn qui se trouvait à côté s’est précipité. C’est au moment où il a levé les bras que je me suis rendu compte qu’il portait un Luger dans une gaine de cuir. Drôle de trousse pour un médecin, vous ne trouvez pas ?

En épluchant une pêche aussi grosse qu’une boule d’escalier, je projette un petit coup fourré. Je me mets à parler d’un espion que j’ai arrêté l’an dernier à Lille et qui a passé à la casserole la semaine précédente.

— Une vraie gueule de tueur, dis-je, du reste j’ai encore sa photo sur moi.

Je sors la photo de mon oncle Ferdinand, que je promène dans un petit carnet et qui m’a déjà rendu pas mal de services, et je la présente à Mme Nertex, assise à ma gauche. La photographie fait le tour et me revient, il ne me reste qu’à la montrer à Silbarn. À ce moment-là, l’image me glisse des doigts et tombe dans le jus de ma pêche. Je m’excuse et l’essuie avec ma serviette, ceci pour effacer toutes les empreintes qui s’y trouvent déjà. Après quoi je la tends au toubib.

Quand il me la rend, je la remets précautionneusement dans mon carnet.

Après le dessert, nous passons au fumoir. Je ne sais comment je fais mon compte, mais je renverse ma tasse de café sur mon pantalon.

— Décidément, je suis un fichu maladroit ! m’exclamé-je.

Je demande la permission d’aller réparer les dégâts aux lavabos.

Si vous n’êtes pas une bande de pégreleux, vous avez déjà pigé que mes faux mouvements font partie d’un plan d’action préétabli. Dès que je suis isolé, j’examine la photo et la compare à la série d’empreintes photographiques que j’ai ramenées de Marseille.

Un beau sourire fend ma poire en deux.

Cette fois, ça y est, je tiens mon fameux zigoto : l’homme qui ordonne de me descendre et qui prend mon lit pour un terrain stratégique.