Выбрать главу

Tous les canons se sont mis à tirer en même temps, y compris les quatre que Mike servait lui-même par l’intermédiaire des Selsyns. Ces quatre canons tiraient à vue, sans l’intervention d’une commande manuelle : une bonne chose, car cela signifiait que Mike avait pu former correctement son élève et résoudre à la perfection le problème de la trajectoire.

Très rapidement il est devenu parfaitement clair que le vaisseau ne tournait pas autour de Luna mais faisait son approche pour alunir. Inutile de poser des questions : il devenait de plus en plus brillant alors que sa position par rapport aux étoiles ne changeait pas… Mais, bon sang ! C’est qu’il allait nous tomber sur le nez !

— Approche 500 kilomètres, a annoncé Mike avec calme. Prêts à tirer. Tous les canons en commande à distance, préparez-vous à tirer ; attention ! quatre-vingts secondes !

Les quatre-vingts secondes les plus longues que j’aie jamais vécues… Que cet engin était gros ! Mike a fait un compte à rebours toutes les dix secondes, jusqu’à moins trente, puis a annoncé les secondes : «… cinq – quatre – trois – deux – un – FEU ! » et, tout à coup, le vaisseau est devenu encore plus brillant.

J’ai failli ne pas voir la minuscule étincelle qui s’est détachée du vaisseau juste avant l’explosion. Mais Mike a brusquement dit :

— Fusée lancée. Les canons à synchronisation automatique avec moi, attendez les ordres. Les autres canons, continuez à tirer sur le vaisseau. Préparez-vous à recevoir de nouvelles coordonnées.

Quelques secondes après – ou quelques heures après –, il a donné de nouvelles coordonnées et ajouté :

— Feu à vue et à volonté !

J’ai essayé de regarder à la fois le vaisseau et la fusée, mais j’ai perdu les deux – j’ai abandonné les jumelles, puis j’ai brusquement vu la fusée… et aussi l’impact, entre nous et l’aire de la catapulte. Un peu plus près de nous, toutefois, à moins de 1 kilomètre. Non, ce n’était pas une fusée à ogive nucléaire, autrement je ne serais pas là pour vous raconter tout ça. Cela a quand même provoqué une grosse explosion avec un terrible éclair : le reste de carburant, sans doute. Une lueur éblouissante, malgré la lumière du soleil. Puis j’ai entendu et ressenti en même temps l’onde de choc transmise par le sol. Pourtant, il n’y a pas eu de dégâts, seulement quelques mètres cubes de roche pulvérisés.

Le vaisseau continuait sa descente, mais il ne brillait plus. Maintenant, j’apercevais ses contours : il ne me paraissait pas détérioré ; je m’attendais à voir en jaillir à tout instant des torrents de flammes et à le voir se poser en catastrophe.

Mais non, au lieu de ça, il s’est écrasé à une dizaine de kilomètres plus au nord, générant un merveilleux feu d’artifice avant de s’évanouir dans l’obscurité, ne laissant que de multiples papillons brillants sur nos rétines.

Mike a repris la parole :

— Annoncez les pertes, verrouillez les canons. Une fois les culasses sécurisées, venez au rapport.

— Canon Alice, rien à signaler.

— Canon Bambie, rien à signaler.

— Canon César, un homme blessé par éclat de rocher, la pression est maintenue.

Je suis descendu vers un téléphone en état de marche et j’ai appelé Mike.

— Qu’est-il arrivé, Mike ? Pourquoi ne t’ont-ils pas laissé les commandes lorsque tu as déconnecté leurs sondeurs ?

— Ils m’ont transmis les commandes, Man.

— Trop tard ?

— J’ai préféré qu’il s’écrase, Man. Cela m’a paru plus prudent.

* * *

Une heure plus tard, je suis allé en bas voir Mike pour la première fois depuis quatre ou cinq mois. J’avais trouvé en effet plus rapide de me rendre dans le Complexe Inférieur qu’à L City et, d’où je me situais, je pouvais me mettre en rapport avec n’importe qui, comme si j’avais été en ville. Personne ne risquait de m’interrompre. J’avais vraiment besoin de discuter avec Mike.

De l’aire de catapultage, j’avais essayé de téléphoner à Wyoh, à la station de métro ; j’avais obtenu quelqu’un de l’hôpital de campagne du Vieux Dôme qui m’avait appris que Wyoh était elle-même tombée d’épuisement et qu’on l’avait mise au lit, avec une dose de somnifère suffisante pour lui garantir une bonne nuit de repos. Finn s’était rendu en capsule avec ses types jusqu’à Churchill pour commander lui-même l’offensive contre les transports de troupes qui s’y trouvaient. Je n’avais pas pu localiser Stu. Hong-Kong et Prof restaient toujours isolés. Pour l’instant, il semblait qu’avec Mike, nous constituions tout le gouvernement à nous deux.

C’était alors le moment de lancer l’opération « Roc Dur ».

Cette opération ne consistait pas seulement à jeter des cailloux : il fallait encore dire à Terra ce que nous allions faire, pourquoi nous allions le faire et pourquoi nous avions raison. Prof, Stu, Sheenie et Adam avaient tous travaillé à ce programme en étudiant les effets d’une attaque simulée. Maintenant, l’attaque avait bien eu lieu et il nous fallait donc adapter notre propagande aux faits réels. Mike avait déjà tout rédigé, corrigé et imprimé pour que je puisse me mettre au travail.

J’ai levé les yeux du long rouleau de papier que j’étudiais.

— Mike, ces nouvelles et notre message aux N.F. supposent implicitement que nous avons gagné à Hong-Kong. Comment peux-tu en être sûr ?

— Les probabilités sont supérieures à 82 %.

— Est-ce suffisant pour expédier ces nouvelles ?

— Man, les probabilités nous disent que nous gagnerons là-bas et, si ce n’est déjà fait, cela ne peut tarder. Ce convoyeur de troupes ne peut se déplacer ; les autres étaient à sec de carburant, ou presque, et il n’y a pas, à Hong-Kong, la quantité voulue d’hydrogène, ils seraient obligés de venir ici, ce qui implique des mouvements de troupes en surface, par camions à chenilles souples. Ce serait déjà un sacré voyage pour des Lunatiques, avec le soleil au zénith. Cela signifierait encore qu’ils auraient à nous vaincre à leur arrivée, s’ils parviennent jusqu’ici. Tout cela est impossible. Je pars de l’hypothèse que ce module et les troupes qu’il transporte ne sont pas mieux armés que les autres.

— Qu’en est-il de l’équipe de secours envoyée à BL ?

— J’ai donné l’ordre de ne pas nous attendre. Man, je me suis permis de me servir de ta voix et j’ai tout préparé : les scènes d’horreur, au Vieux Dôme et ailleurs, surtout à Churchill-Supérieur, tout est prêt pour la vidéo. J’ai aussi rédigé des articles pour accompagner les illustrations. Nous pouvons sans attendre transmettre tout cela aux agences de presse de la Terre et en profiter pour annoncer l’opération Roc Dur.

J’ai respiré à fond avant de répondre :

— Exécution immédiate pour l’opération Roc Dur.

— Veux-tu donner toi-même les ordres ? Parle fort et je synchroniserai aussi bien les mots que la voix.

— Vas-y toi-même, à ta manière. Utilise ma voix et mets en avant mon autorité en tant que ministre de la Défense et en tant que chef provisoire du gouvernement. Vas-y, Mike, lance-leur des cailloux ! Et des gros ! Il faut leur faire mal !

— D’accord, Man !

25

« Un maximum de Schrecklichkeit à titre instructif et un minimum de pertes humaines. Aucune, si possible. »

C’est ainsi que Prof avait résumé la doctrine de l’opération Roc Dur, et c’est bien ce que nous avons essayé de faire, Mike et moi. L’idée était de frapper les vers de Terre avec assez de violence pour les convaincre… mais suffisamment de douceur pour ne pas leur faire mal. Ça paraît contradictoire ? Attendez de voir.