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— Peut-être plus tard, a dit Prof. Continuez.

— Boston va en recevoir une dans le port, New York dans Long Island Sound et une autre exactement entre ses deux plus grands ponts. Je pense que les ponts seront détruits, mais nous avons promis de ne pas les toucher et nous ne les toucherons pas. En descendant la côte Est, nous nous occuperons de deux villes de la baie de Delaware, puis deux encore sur la baie de Chesapeake – l’une d’elles d’une importance sentimentale et historique extrême. Plus au sud, nous frapperons encore trois grandes villes en choisissant les plans d’eau. À l’intérieur, nous bombarderons Cincinnati, Birmingham. Chattanooga, Oklahoma City, en choisissant pour ces villes soit les fleuves, soit les montagnes alentour. Ah, oui ! Dallas… Nous détruirons le spatiodrome de Dallas et il n’est pas impossible que nous touchions au sol quelques vaisseaux, il y en avait six la dernière fois que j’ai fait un sondage. Nous ne tuerons personne s’ils ne s’obstinent pas à stationner sur les objectifs ; Dallas est un endroit parfait, le spatiodrome est immense, plat et désert, et il y aura quand même une dizaine de millions de spectateurs.

— Si vous le touchez, a objecté Sheenie.

— Quand, pas si ! Chaque objectif doit recevoir une seconde bombe une heure plus tard. Si ni l’une ni l’autre n’atteint l’objectif, nous avons encore des charges en réserve et nous pourrons recommencer. Nous épargnerons par exemple des objectifs moins importants comme ceux du groupe qui s’étend de la baie de Delaware à celle de Chesapeake. Même chose pour les Grands Lacs. Quant à Dallas, nous avons conservé à son intention plusieurs charges, et même d’assez nombreuses… car nous pensons que cette ville sera défendue avec acharnement. Les réserves dureront environ six heures, c’est-à-dire aussi longtemps que nous pourrons voir l’Amérique du Nord ; quant aux dernières charges, elles peuvent être larguées n’importe où sur le continent… normal puisque plus on détourne la charge de loin, plus on peut déplacer le point d’impact.

— Je ne vous suis plus, a avoué Brody.

— C’est une question de vecteurs, juge. Une tuyère directionnelle peut faire subir à une charge une poussée vectorielle d’un certain nombre de mètres/seconde. Plus cette poussée vectorielle agit longtemps, plus la charge s’éloignera de son objectif originel. Si nous envoyons un signal à une tuyère directionnelle trois heures avant l’impact, nous déplaçons le point de ce dernier trois fois plus loin que si nous attendions la dernière heure pour le faire. Ce n’est pas aussi simple que ça, mais notre ordinateur peut calculer ces déviations… si vous lui en donnez le temps.

— Combien de temps faudrait-il ? a demandé Wolfgang.

J’ai fait exprès de ne pas comprendre.

— Un ordinateur peut résoudre cette sorte de problème presque instantanément, dès qu’on l’a programmé. Ces décisions sont déjà préprogrammées. Voici ce que cela donne : Si, sur un groupe d’objectifs A, B. C et D, vous vous apercevez que vous avez manqué trois objectifs avec la première et la seconde salve, vous repositionnez toutes les réserves de seconde ligne du premier groupe, de telle sorte que vous êtes alors capable de choisir ces trois objectifs tandis que vous redistribuez les réserves du deuxième groupe pour les utiliser éventuellement sur le groupe 2, ce qui permet de repositionner la troisième réserve du super-groupe Alpha, de telle manière que…

— Doucement ! s’est écrié Wolfgang. Je ne suis pas un ordinateur. Je voulais juste savoir de combien de temps nous disposions pour prendre notre décision.

— Ah ! (Et j’ai lentement regardé ma montre.) Vous disposez maintenant… de trois minutes cinquante-huit secondes pour annuler la charge de Kansas City. Le programme d’annulation se tient prêt et mon meilleur adjoint – un certain Mike – est à pied d’œuvre. Dois-je l’appeler au téléphone ?

C’est Sheenie qui a parlé :

— Grand Dieu ! Man, annule !

— Certainement pas ! a crié Finn. Qu’est-ce qui se passe, Terence ? Tu as les foies ?

— Je vous en prie, camarades, s’est interposé Prof.

— Vous savez, ai-je dit, je prends mes ordres auprès du chef de l’État, c’est-à-dire de Prof, ici présent. S’il veut notre avis, il n’a qu’à le demander. Inutile de nous crier dessus. (J’ai regardé ma montre.) Il reste deux minutes et demie. Il y a naturellement plus de marge pour les autres objectifs ; Kansas City est l’objectif le plus éloigné des eaux profondes. Pour certaines des villes de la région des Grands Lacs, il est déjà trop tard pour annuler l’opération ; nous pouvons seulement épargner le lac Supérieur. Salt Lake City dispose encore d’une minute. Après quoi, les charges vont arriver.

J’ai attendu.

— À tour de rôle, a dit Prof. Pour la poursuite du programme. Général Nielsen ?

— Da !

Gospoja Davis ?

Wyoh a respiré profondément.

— Da.

— Juge Brody ?

— Oui, bien sûr. C’est nécessaire.

— Wolfgang ?

— Oui.

— Comte La Joie ?

— Da.

— Gospodin Sheehan ?

— Vous perdez un pari, mais je suis avec vous. Unanimité.

— Un instant ! Manuel ?

— À vous de décider, Prof, comme toujours. C’est idiot de faire voter.

— J’ai bien conscience d’avoir à prendre la décision, gospodin ministre. Allez-y, continuez le bombardement.

* * *

Presque tous les objectifs que nous avions l’intention de frapper par la seconde salve ont été atteints malgré une défense acharnée, sauf Mexico. Il nous a semblé (c’est du moins ce que nous a indiqué Mike, avec 98,3 % de certitude) que les fusées antimissiles faisaient explosion sur l’ordre d’un radar d’approche mais que les Terriens avaient mal calculé la vulnérabilité de nos cylindres de roc massif. Ils n’ont détruit que trois rochers, les autres ont dévié et ont donc causé plus de mal que s’ils n’avaient pas essayé de les détruire.

New York a assez bien résisté. Dallas s’est révélé très coriace aussi. La différence résidait peut-être dans les commandes locales des fusées anti-missiles car il nous a paru invraisemblable que le poste de commandement des monts Cheyenne fût encore en mesure de fonctionner. Il était possible que nous n’ayons pu bouleverser complètement leur terrier (nous ne savions pas en effet à quelle profondeur il se trouvait), mais je parierais n’importe quoi qu’il n’y avait plus ni hommes ni ordinateurs en état de marche.

Dallas a provoqué l’explosion des cinq premières charges de rocher, ou les a déviées, aussi ai-je dit à Mike de retirer tout ce qu’il pouvait des monts Cheyenne et de l’envoyer sur Dallas… ce qu’il a pu faire deux salves plus tard ; les deux objectifs n’étant en effet séparés que d’un millier de kilomètres.

Les défenses de Dallas se sont écroulées à la salve suivante ; Mike a gratifié leur spatiodrome de trois charges supplémentaires (qui leur étaient de toute façon attribuées), puis s’est retourné vers les monts Cheyenne… les dernières charges n’avaient en effet pas encore été déviées et se dirigeaient toujours vers les montagnes. Il était encore en train de prodiguer de douces caresses cosmiques à ces montagnes dévastées quand l’Amérique a disparu de notre champ de tir, passant de l’autre côté de Terra.

Je suis resté avec Mike pendant toute la durée du bombardement, car je savais bien que c’était le plus violent que nous ferions jamais. Quand il s’est mis au repos en attendant l’heure de réduire la Grande Chine en poussière, Mike m’a dit pensivement :