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— C’est Mike, le président, ai-je dit. Cela va de soi. Et aussi le secrétaire. Nous n’écrirons jamais rien : première règle de sécurité. Avec Mike, nous n’en avons pas besoin. Faisons un tour d’horizon, pour voir où nous en sommes. Je suis nouveau dans le métier.

— Pour rester dans le domaine de la sécurité, a dit Prof, ajoutons que le secret de Mike doit être strictement réservé à cette cellule de direction et qu’il ne devra être étendu à d’autres qu’après un accord unanime de nous trois… correction, de nous quatre.

— Quel secret ? a demandé Wyoh. Mike veut bien garder nos secrets. Il est plus sûr que nous : au moins, on ne peut pas lui faire subir un lavage de cerveau. N’est-ce pas, cher Mike ?

— Je pourrais subir un lavage de cerveau avec un voltage suffisant, a avoué Mike. On pourrait aussi me réduire en pièces, me soumettre à des dissolvants ou à quelque entropie positive… mais je n’aime pas parler de ça. Cependant, si par « lavage de cerveau » vous entendez que je pourrais être contraint à livrer nos secrets, la réponse est absolument négative.

J’ai pris la parole :

— Wye, Prof veut parler du secret concernant Mike lui-même. Mike, mon vieux, tu es notre arme secrète, tu t’en rends compte, non ?

Avec pleine conscience, il m’a répondu :

— Il m’a fallu prendre ce fait en considération pour calculer les probabilités.

— Et sans toi, camarade, quelles étaient les probabilités ? Mauvaises ?

— Pas bonnes. Pas du même ordre.

— On ne te forcera pas, Mike, mais une arme secrète doit le rester. Mike, est-ce que quelqu’un d’autre soupçonne que tu es vivant ?

— Suis-je vivant ? (Sa voix dénotait une tragique incertitude.)

— Ne discutons pas du sens des mots. Naturellement, que tu es vivant !

— Je n’en étais pas certain. C’est agréable. Non, Mannie, mon premier ami, vous trois êtes les seuls à le savoir. Mes trois amis.

— Cela doit rester ainsi, si nous voulons gagner. Compris ? Nous trois seuls, et ne te confie à personne d’autre !

— Mais nous te parlerons très souvent ! a interrompu Wyoh.

— Ce n’est pas seulement d’accord, a dit brusquement Mike, c’est une nécessité. J’ai inclus cet élément dans mes calculs.

— Cela règle la question, ai-je conclu. Ils ont tout le reste ; nous avons Mike. Et nous demeurerons ainsi. Dis-moi, Mike, je viens d’avoir une affreuse pensée ! Allons-nous combattre Terra ?

— Oui… sauf si nous perdons avant.

— Euh… explique-toi. Existe-t-il des ordinateurs aussi intelligents que toi ? Doués eux aussi de conscience ?

Il a hésité.

— Je ne sais pas, Man.

— Pas d’informations ?

— Données insuffisantes. J’ai exploré ces deux facteurs, avec des journaux techniques et partout ailleurs. Aucun autre ordinateur sur le marché ne dispose de mes capacités actuelles… mais un modèle identique pourrait être augmenté de la même manière que je l’ai été. Il reste possible, en outre, qu’un ordinateur expérimental de grande puissance ait été conçu dans le secret.

— Hmm… c’est un risque à courir.

— Oui, Man.

— Il n’existe pas un seul ordinateur aussi intelligent que Mike ! a répliqué Wyoh avec dédain. Ne sois pas stupide, Mannie.

— Wyoh, ce qu’il dit n’est pas stupide. Man, j’ai trouvé un compte rendu inquiétant. Il prétend que l’on a fait des essais à l’Université de Pékin pour combiner des ordinateurs avec des cerveaux humains afin de parvenir à une capacité massive. Un cyborg calculateur.

— Donnent-ils des détails ?

— L’article était non-technique.

— Bon… Ne nous préoccupons pas de ce que nous ne pouvons empêcher. D’accord, Prof ?

— Exact, Manuel. Un révolutionnaire doit garder l’esprit aussi libre que possible, sinon la tension deviendrait intolérable.

— Je n’en crois pas un mot, a déclaré Wyoh. Nous avons Mike et nous allons gagner ! Mike chéri, tu viens de dire que nous allions combattre Terra… et Mannie affirme que c’est une bataille que nous ne pouvons pas remporter. Tu dois bien avoir quelque idée sur la manière de les vaincre, pour nous donner une chance sur sept. À quoi penses-tu ?

— À les bombarder avec des rochers, a répondu Mike.

— Très drôle, lui ai-je dit. Wyoh, une chose à la fois. Nous n’avons même pas réfléchi au moyen de quitter ce lupanar sans nous faire pincer. Mike, Prof dit que neuf gardes ont péri la nuit dernière et Wyoh que leur effectif complet est de vingt-sept. Ce qui en laisserait dix-huit. Peux-tu le confirmer, nous dire où ils se trouvent et ce qu’ils manigancent ? Nous ne pouvons pas faire la révolution sans une certaine liberté de mouvement.

Prof m’a interrompu :

— Voilà un problème temporaire, Manuel, que nous pouvons traiter tout seuls. Le point établi par Wyoming est fondamental et doit être discuté tous les jours, jusqu’à ce qu’il soit résolu. Je m’intéresse beaucoup aux idées de Mike.

— D’accord, d’accord… Attendez seulement que Mike m’ait répondu.

— Désolé, monsieur.

— Mike ?

— Man, le nombre officiel des gardes du Gardien s’élève à vingt-sept. Si neuf ont été tués, le nombre officiel est maintenant de dix-huit.

— Pourquoi t’entêtes-tu à parler de « nombre officiel », Mike ?

— Les données potentiellement valables à ma disposition sont incomplètes. Permettez-moi de vous les indiquer avant de tirer des conclusions sujettes à révision. Officiellement, sans tenir compte des employés administratifs, le service de sécurité ne comprend que les gardes du corps. Mais je dispose des fiches de paie de l’Ensemble Administratif et vingt-sept n’est pas le nombre des membres du personnel qui émargent au budget de ce service.

Prof a approuvé :

— Des agents secrets.

— Tout juste, Prof. Qui sont ces autres personnes ?

Mike a répondu :

— Juste des numéros de compte, Man. Je conjecture que les noms correspondants doivent se trouver dans un classeur permanent du chef de la Sûreté.

— Un instant, Mike. Le chef de la Sûreté, Alvarez, utilise tes classements ?

— Je le suppose, étant donné qu’un signal de recherche bloque son dossier.

— Bon sang ! me suis-je écrié avant d’ajouter : Prof, n’est-ce pas merveilleux ? Il utilise Mike pour conserver ses dossiers. Mike sait où ils se trouvent mais ne peut pas y accéder !

— Pourquoi pas, Manuel ?

J’ai essayé d’expliquer à Prof et à Wyoh les différentes sortes de mémoires d’un ordinateur : la mémoire permanente, ineffaçable parce que partie intégrante de son schéma logique et avec laquelle il peut penser ; les mémoires de courte durée, utilisées pour les programmations habituelles avant d’être annulées, comme une mémoire humaine qui vous dit si vous avez sucré ou non votre café ; les mémoires temporaires qui durent autant que nécessaire – des millisecondes, des jours, des années –, mais qui disparaissent quand on n’en a plus besoin ; certaines données emmagasinées en permanence, qui s’apparentent à l’éducation reçue par un homme mais qui sont apprises à la perfection et ne s’oublient jamais – bien qu’on puisse les condenser, les disposer autrement, les changer d’emplacement, les éditer ; et pour finir, mais ce n’est pas exhaustif, toute une série de mémoires spéciales, des annuaires jusqu’aux logiciels les plus compliqués, chaque classement étant doté de son propre signal d’exploration, avec d’innombrables signaux de blocage successifs, parallèles, temporaires, géographiques, et bien d’autres.