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Je me demande si la mort vaut vraiment le coup d’être vécue.

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Souvenez-vous: ne jamais perdre de vue le côté drôle des choses tristes! Sinon, l’existence devient vite la Vallée des Sanglots. Ainsi, moi qui vous cause, lorsque j’assiste à un enterrement, je ne manque pas d’emporter le goupillon que m’a offert mon ami Lathuile, l’antiquaire. Au moment d’asperger le cercueil, quand la personne qui me précède me tend le goupillon collectif je le refuse d’un air grave et je sors le mien de ma poche. La bouille de l’intéressé, à ce moment-là, n’est pas racontable.

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Les cimetières sont éclairés au néant.

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La neige unifie les tombes.

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Je trouve stupide de passer aux morts leurs habits du dimanche. S’habille-t-on pour aller se coucher?

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Le cortège s’est égaillé (ce qui peut paraître incongru lorsqu’il s’agit de funérailles).

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Si tu as un pied dans la tombe, fais-le couper.

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Le croque-mort s’est pété une cheville en faisant le valdingue. On le coltine jusqu’au corbillard qui attend devant la grille du cimetière. On l’allonge à la place du passager. C’est la première fois qu’il fait du tourisme à bord de sa calèche. Jusqu’alors, il n’avait jamais eu l’occasion de se payer l’intérieur. Pour lui, c’est une promotion, en somme.

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L’agaçant, c’est qu’il faut toujours et partout faire la queue: à l’entrée des cinoches comme à la sortie des cimetières!

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Quand tu as des lettres de condoléances à expédier, ne tarde jamais, sinon le destinataire ne sait même plus de qui il s’agit.

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C’est une espèce de brouillon de vieillard! Un projet de cadavre!

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Il est trop vieux pour exister.

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L’existence est une immense fabrique de vieillards.

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Il est des défunts que l’on maquille outrageusement pour qu’ils fassent bonne contenance dans leur cercueil vitré, sur la place Rouge ou ailleurs; moi, j’ai jamais pigé qu’on expose des macchabées. C’est une insulte qu’on leur fait, car les grands hommes le sont par leur vie, non par leur charogne.

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Côté bar, deux vieux crabes à monocle, au faciès couperosé, éclusent leur soixante-douzième scotch de la journée en échangeant des réflexions d’une voix pâteuse. On dirait qu’ils attendent, non pas quelqu’un, mais quelque chose de très important. En fait, ce qu’ils attendent, c’est leur mort, ces chers vieux désœuvrés. Ils n’ont rien d’autre à branler que de laisser couler le temps.

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Il était si vieux qu’il avait l’air d’un oubli.

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La vie nous presse.

La mort aussi.

Il ne faut pas longtemps pour mourir.

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Je devais me préparer à recueillir son dernier soupir, encore que je n’aurais su où le mettre.

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C’est toujours émouvant, l’ouverture d’un testament. Une surprenante métamorphose réussit à transformer les dernières volontés d’un vivant en premières volontés d’un défunt.

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Ce qui me gêne dans la mort, c’est ce gros tas de viande qu’on laisse aux autres. Ils sont obligés de composer avec et nous de décomposer.

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Un époux mort n’est plus un mari.

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À la première Toussaint, les chers défunts font toujours le plein. Ensuite, le temps fait son boulot.

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Il faut que les autres meurent pour qu’on s’aperçoive de sa propre vie.

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Comme disait un tueur à gages: s’il aime les fleurs, il va en avoir bientôt.

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Il a l’air emmerdé d’un mec qui a paumé le corbillard de sa femme dans un encombrement de la circulation.

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Je préfère la mort de Félix Faure, qui a dessoudé en se faisant tétiner Popaul par une dame, à celle de Jehanne d’Arc.

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Un mort, c’est un mort et quand un mort est mort, on ne peut pas cracher à la gueule de sa mémoire.

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C’est fou le nombre de gus qu’étaient faits pour vivre jusqu’à cent piges et qui sont morts avant!

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On met les cimetières aux confins des communes.

Chacun chez soi!

À la Saint-Ducon, n’oubliez pas de fleurir ma tombe!

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Notre date de naissance et notre date de décès sont en train de joindre les deux bouts.

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Les morts ont un passé, kif les vivants.

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Les gens raffolent de voir leur blase gravé. Ça les mène jusqu’au cimetière, cette marotte.

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Où es-tu pauvre mort qui te prétendais immortel?

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Le plus beau destin que puisse connaître un héros, c’est de disparaître avant qu’on ne s’aperçoive qu’il n’était qu’un homme.

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Il est arrivé qu’on fusille des morts, mais on n’en a jamais guillotiné.

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La foule est un cimetière déambulatoire.

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Le maréchal Ney, mort de n’avoir su choisir entre le bourbon et la fine Napoléon…

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Il vint apporter l’extrême-onction au roi avec une onction extrême.

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Quand les Grands clabotent, on se dit que le monde va être mutilé. Et puis non, ça se cicatrise en vitesse. On les remplace, on s’en passe.

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La postérité, ça se prépare. Regardez-les, tous: les grands compositeurs, les peintres célèbres, les écrivains à petits tirages, comment ils prennent leur piédestal, tout vivants, tout crus, pour pas se louper le posthume. Du travail de longue haleine. Ils se préparent à survivre au lieu de se préparer à mourir. Faut de la santé, je dis. Être très con, très content de soi, très un tas de trucs pour s’organiser l’absence avec autant d’acharnement.

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Les gens surveillent davantage leurs biens que leur vie.

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Vieillir, c’est un jour de moins chaque soir.

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On doit le respect aux morts, surtout à ceux qu’on fabrique soi-même.

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La mort de l’assassin venge-t-elle sa victime?

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Jack l’Eventreur:

— Dépecez-vous, je vous attends!

Il perpétra ses premiers meurtres avec tant de tact que seules ses victimes furent au courant de leur trépas.

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La mort est notre lot de consolation.

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Ah! mes amis, comme il est triste de voir s’écrouler une forteresse, brûler une œuvre d’art, périr un génie!

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Sa dame s’est engagée dans le veuvage, comme d’autres à Médecins Sans Frontières.

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Je ne veux pas la mort de la pécheresse quand elle est bien roulée.

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Il rend à Dieu une âme dont Il n’espérait plus grand-chose.

— Vous voyez ce croque-mort? Il a le zizi plus funèbre que ses pompes.