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Moi, la littérature, je la licebroque. Le jour que ça ne me dégoulinera plus, je serai soit dans mon lardeuss de sapin (j’ai des goûts simples), soit dans une petite charrette, donc inapte ou inepte à tout jamais. Détritus à balancer aux orties après usage. Kif les rasoirs Gillette. Sauf que moi, j’aurai rasé le monde de moins près!

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Je sais que je mourrai des suites d’une longue convalescence.

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Si j’avais su qu’il était si facile de mourir, je ne serais pas né.

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Mon passé me vieillit.

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Je ne laisserai pour héritage que mes dépenses.

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Je me sentais délivré de moi-même, un peu comme si une mort bienveillante s’avançait vers moi d’une allure glissante.

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La seule chose qui m’ennuie dans la mort, c’est d’être absent.

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Et quand je me sentirai mourir, je te dirai que tu me manques déjà.

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Tu veux que je te fasse une confession? Je ne lis plus les journaux, n’écoute pas la radio, ne regarde point la téloche! Seule la terre m’importe. Avant d’aller y jouer la taupe hibernante, j’en admire le dessus féerique: l’eau et les plantes, une belle chatte et la prière! Pour le reste, s’adresser au concierge!

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Je suis un vieux fœtus blasé. Ma vie m’aura servi de leçon. Je ne recommencerai jamais plus.

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Personnellement, j’aspire à une mort consciente, voire acceptée. Déposer mon bilan en pleine dorme me donnerait le sentiment d’être floué.

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Je crois qu’on n’avait plus rien à se dire. Tout ce qui me restait, que j’avais pas pu, je suis allé le lui pleurer contre le mur de l’église où l’on avait porté son pauvre petit corps la veille de l’enterrement. Je l’ai dit pendant la nuit aux pierres grises qui s’en souviennent encore peut-être…

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Papa, lui, quand il s’est fait niquer par la grande faucheuse, il a juste eu une petite exclamation entendue, le côté: «Voilà, j’arrive!»

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Et puis il a eu l’air de se foutre de tout et on a compris qu’il venait de cesser.

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Quand on a son blase sur une plaque de rue, on l’a aussi sur une pierre tombale et ça fait moins gai.

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La mort, c’est simple et il faut pas faire de cinoche autour. Quand ma mère est morte, je ne me suis pas mis en deuil. C’est au cœur que j’avais un crêpe. Les fringues sont trop hypocrites!

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Dans les pires instants, suffit d’une pin-up pour que je m’envole. Je me rappelle des enterrements familiaux qui m’éprouvaient beaucoup. Derrière le corbillard, en réprimant des larmes, j’apercevais tout à coup une souris pas mal balancée à qui le noir allait bien. Illico, je me laissais couler en queue de peloton avec la nana pour l’entreprendre. La vie qui continuait, quoi! Pleine de sève, de fichtre et de foutre.

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Tu verras comme jadis vient vite!

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Quoi de plus merveilleux qu’un arbre? Il nous donne des fruits pour nous rafraîchir, de l’ombre pour faire la sieste, des lits pour faire l’amour et des cercueils pour faire le mort.

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Quelquefois on visitait le cimetière des chiens, dans l’île. Sur les petites tombes y avait des inscriptions qui nous fendaient l’âme: À Médor, mon compagnon. Ici repose Loulette Durand, morte en couches. Souvent les maîtres avaient fait sceller la photo de l’animal dans la pierre. La Loulette Durand, par exemple, c’était un petit fox blanc et noir avec un museau pointu et des oreilles de lapin.

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La vie: le seul legs qu’on fasse toujours avant de mourir.

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Brassens a posé une des plus belles questions de la littérature: «Est-il encore debout le chêne, ou le sapin de mon cercueil?» C’est l’image choc, qui remet l’homme sur les rails de la réalité d’où son orgueil le fait sortir.

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Le tralala d’après clamsage: la plume dans l’suaire!

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On est peu de chose. L’on ne fait que passer, pisser et trépasser.

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Trop de gens meurent à l’improviste. Ils sont tués au dépourvu, ce sont les cocus du dernier soupir.

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Les gens? Le temps de vous aguicher l’âme, de se faire une place en vous, de vous devenir commodes, qu’on les situe indispensables et voilà qu’il faut s’en dispenser. Ils vous meurent devant ou bien s’en vont se replanter ailleurs, dans d’autres terres ou d’autres culs.

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Il faut tellement peu de temps à notre esprit pour vivre une vie ou mourir une mort…

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La mort, c’est la dernière question des interviewers.

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Le suicide est un langage, surtout quand il est raté.

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Il faudrait pouvoir mourir de temps en temps, histoire de se refaire une santé.

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La vie, au fond, c’est un green de golf avec plein de trous sur le parcours. D’ailleurs c’est par un trou qu’elle finit: la grande gueule noire et vorace de la terre, qui bouffe tout.

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Les gens refusent le contact. Moi qui meurs depuis que je suis au monde, je continue mes tentatives du sourire tendu comme une fleur; combien l’ont accepté à ce jour?

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Il faut toujours répondre à la mort par la vie.

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Pareils à des élèves, les hommes sont entassés sous un préau et regardent tomber la pluie en attendant l’heure de rentrer sous terre.

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Si les hommes comprenaient la puissance du temps qui passe, ils vivraient beaucoup plus vieux. C’est le grand guérisseur d’ici-bas.

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On se met à devenir vieux sitôt qu’on cesse de grandir.

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Il ne faut jamais penser au pire, sinon on n’oserait plus foutre un pied devant l’autre.

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Chaque jour à vivre est une victoire. Chaque jour vécu une défaite.

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On ne meurt pas riche de ce qu’on a fait, on meurt pauvre de ce que l’on n’a pas fait.

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Dormir, c’est mourir un peu.

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Le vieux saltimbanque se mit à échafauder sa fin de vie, comme un romancier son livre.

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Il faut mourir pour mesurer pleinement son degré de popularité, mais la mort est fatale aux gens célèbres.

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Elle sursaute, «frappée d’une évidence», comme l’écrivait un Immortel décédé l’année dernière.

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Vieillir n’est pas un délit; seulement une grave négligence.

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Ce qu’il y a de plus lugubre en ce monde, c’est de voir deux vieilles dames danser ensemble à la fin d’une noce.

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Il disait, Audiard, le sarcastique des comptoirs, que les individus ne laissent après eux que des odeurs. Tu parles qu’il avait raison, l’homme à la gapette et au sourire écœuré.

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Mourir analphabète, c’est mourir deux fois.

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Les écrits s’en vont, les morts restent.

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Il y a des femmes qui, avant leur mariage, sont déjà faites pour être veuves.