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— À quoi pensiez-vous ? »

Ryan sourit. « À vous. »

Celia rougit.

Elle commanda des œufs Benedict. Quand le garçon répondit que le service de petit déjeuner de l’hôtel Shelbourne se terminait à dix heures, Celia fit une moue dépitée.

Le garçon se laissa attendrir. « Je vais voir ce que je peux faire, dit-il. Et pour vous, monsieur ? »

Ryan choisit le saumon et le serveur tourna les talons.

Elle but une petite gorgée de son gin tonic. Il avala une lampée de bière.

Celia demanda : « Vraiment, à quoi pensiez-vous dans le parc ?

— À rien de particulier, répondit-il. À mon boulot.

— Vous aviez l’air troublé. »

Ryan fut incapable de soutenir son regard. Il s’absorba dans la contemplation de la nappe en tissu.

« Dites-moi, insista-t-elle.

— Je n’aime pas le travail que je fais. »

Elle rit. « Personne n’aime son travail. Sauf moi, mais je suis une exception. Tout le monde déteste se lever le matin pour aller au turbin.

— Ce n’est pas ce que je veux dire… Je ne peux pas en parler.

— Même pas à moi ?

— La mission qu’on m’a confiée. Ce n’est pas bien.

— Comment ça ?

— Je ne peux pas en dire plus. »

Elle posa une main sur la sienne. Ses doigts étaient si minces qu’ils semblaient fragiles, cassables. Il tourna sa propre main, paume vers le haut, et leurs doigts se mêlèrent.

« S’il s’agit de servir votre pays, comment ne serait-ce pas bien ? » demanda-t-elle.

Ryan la regarda dans les yeux. « Vous n’êtes pas si naïve.

— Non, sans doute pas. Si vraiment ce travail vous est insupportable, alors dites non. Refusez de le faire.

— Je n’ai pas le choix. Plus maintenant. C’est allé trop loin.

— Albert, cessez de parler par devinettes. »

Il lui caressa les ongles de son pouce, sentit la douceur des surfaces polies, les bords finement limés.

« Hier, une femme s’est suicidée sous mes yeux. »

Les doigts de Celia l’abandonnèrent, ses mains disparurent à nouveau sous la table. Elle s’appuya en arrière contre le dossier de sa chaise.

« Où ?

— Après Swords, dit Ryan. Chez elle. Elle s’est tuée parce qu’elle avait peur.

— Peur de qui ? De vous ?

— J’essaie de penser que non. Pas de moi, mais des gens pour qui je travaille. Et puis je me dis que si je travaille pour eux, je suis dans le même sac. »

Celia secoua la tête. Elle gardait les yeux posés sur lui, mais son regard était ailleurs. « Non. Ce n’est pas vrai. Nous faisons des choses pour d’autres personnes. Cela ne signifie pas que nous aimons les faire, ni que nous sommes comme ces personnes. »

Ryan vit qu’elle se retirait en elle-même. « Même si nous savons que ce n’est pas bien ? »

Celia détourna les yeux, regarda vers la cuisine. « Où est donc notre déjeuner ?

— Nous venons à peine de commander. Qu’y a-t-il ? »

Elle lui consacra à nouveau son attention. « Rien. Albert, je ne pourrai pas venir au dîner ce soir. »

Ryan sentit quelque chose s’effondrer en lui. « Pourquoi ?

— Mrs. Highland veut que je l’aide dans la maison. Je le lui ai promis.

— Quand l’avez-vous promis ?

— La semaine dernière. J’avais oublié. Je regrette.

— Tant pis. On pourrait peut-être faire autre chose demain soir.

— Peut-être », dit-elle en esquissant un sourire.

28

Skorzeny était attablé, seul, dans la salle à manger, quand il entendit le téléphone sonner, puis Esteban frapper discrètement à la porte.

« Entrez, dit-il.

— C’est miss Hume », annonça Esteban. Il prononçait joume.

Skorzeny s’essuya la bouche avec une serviette et suivit le domestique dans le vestibule où le téléphone était décroché sur une table. Il prit le combiné. Il entendait les bruits d’une rue en arrière-fond.

« Miss Hume ?

— Il faut que je vous parle. »

La voix de la jeune femme résonnait à son oreille.

« Allez-y.

— Je ne souhaite pas poursuivre la mission que vous m’avez confiée.

— Pourquoi ?

— J’ai déjeuné avec Albert Ryan aujourd’hui. Il m’a raconté que quelqu’un était mort à cause de ce qu’il fait pour vous. Je ne veux pas participer à ça. »

Skorzeny s’assit sur la chaise à côté de la table du téléphone. « Qui est mort ?

— Une femme. Près de Swords, a-t-il dit. Elle s’est suicidée. »

Skorzeny revit le beau visage de Catherine Beauchamp, ses traits fins, l’intelligence sans complaisance dans ses yeux.

« Que vous a dit d’autre le lieutenant Ryan ?

— Rien. Seulement qu’il n’aime pas ce travail qu’il fait pour vous. Il pense que ce n’est pas bien.

— Le lieutenant Ryan se trompe. Il protège des gens par son action. Il sauve des vies. Peut-être pourriez-vous le lui rappeler.

— Non. Je ne le reverrai pas.

— Vous êtes obligée. Il y a le dîner ce soir.

— Je lui ai dit que je ne pourrai pas venir. »

Skorzeny répondit d’une voix posée : « C’était stupide.

— Si j’ai accepté cette mission, c’est uniquement parce que Mr. Waugh me l’a demandé à titre de faveur. Je suis déjà allée dîner ou boire un verre avec des hommes pour obtenir des renseignements sur eux. Mais c’étaient des diplomates ou des hommes d’affaires, ils ne parlaient que de négociations et de contrats. Là, c’est différent. Je ne veux pas être mêlée à ça.

— Ma chère, vous y êtes mêlée que vous le vouliez ou non. Vous obéirez aux ordres que vous avez reçus.

— Non. Vous allez devoir trouver quelqu’un…

— Jeune demoiselle, vous ne comprenez pas. Vous accompagnerez le lieutenant Ryan chez moi ce soir. Vous continuerez à le voir et à me rendre compte de vos conversations avec lui. Suis-je assez clair ?

— Vous n’êtes pas mon employeur. Vous n’avez pas le droit de…

— De quel droit ai-je besoin, à votre avis ? De quelle autorisation ?

— Vous ne pouvez pas…

— Si, je peux. À présent, écoutez-moi bien. Vous vous conformerez à mes instructions, sinon il y aura de graves conséquences. »

Elle marqua une pause. « Quel genre de conséquences ?

— Tous les genres que vous pouvez imaginer. »

Encore un silence. « Vous me menacez ? demanda-t-elle.

— Oui. »

Il y eut un déclic. Puis plus rien.

Skorzeny se leva, raccrocha le téléphone et prit conscience d’une présence au-dessus de lui. Il se retourna. Lainé le regardait, assis dans l’escalier. Le chiot se tortillait sur ses genoux pendant qu’il lui grattait le ventre.

« Des ennuis ? » demanda Lainé.

Skorzeny s’approcha du pied des marches. « Non, aucun ennui. Mais une nouvelle dont vous devriez être informé. La fille que j’ai placée avec Ryan… Il lui a dit qu’une femme s’était suicidée sous ses yeux. Une femme près de Swords. »

Les doigts de Lainé cessèrent de gratter. « Catherine ?

— Je pense, oui. »

Lainé se leva, serrant le chiot contre sa poitrine, et se détourna.

Skorzeny dit : « Ryan devait la soupçonner d’être l’indic.

— Non. » Lainé secoua la tête. « Pas Catherine.