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Il distingua son sourire diaphane dans l’ombre bleutée. « La pièce était trop enfumée pour moi. J’avais besoin de prendre un peu l’air.

— Vous n’avez pas envie d’être ici, n’est-ce pas ? Je l’ai entendu à votre voix quand vous avez appelé. Je l’ai vu à votre attitude dans la voiture. Dites-moi ce qui vous arrive.

— Rien », dit-elle, mais sa réponse sortit dans un sanglot. Elle plaqua une main sur sa bouche pour que plus rien ne s’en échappe.

Ryan se tenait les bras ballants, maladroit, ne sachant que faire, un enfant dans un monde d’hommes. Puis il lui mit les mains sur les épaules et les serra.

« Dites-moi. »

Il la sentit trembler.

Elle renifla en contenant ses larmes. « Je ne peux pas.

— Pourquoi ?

— J’ai peur. »

Il passa les bras autour d’elle, l’attira à lui. Il sentait son souffle tiède sur sa gorge.

« Vous n’avez pas à avoir peur. Pas si je suis là. »

Elle dit : « Oh, mon Dieu », et pressa son front contre son cou. Il percevait les mouvements et la chaleur de ses paupières, les cils qui palpitaient, l’humidité.

« Je vous en prie, dites-moi. »

Celia releva la tête, renifla. Ses épaules se raidirent entre les bras de Ryan.

« Il m’a envoyée à vous, dit-elle.

— Qui ? demanda Ryan, bien qu’il connût déjà la réponse. Skorzeny.

— Il voulait que je devienne votre amie, que je parle avec vous, que je lui répète vos paroles et ce que vous pensiez de votre travail, pour s’assurer qu’il pouvait vous faire confiance. »

Ryan laissa retomber les mains qu’il posait sur elle. Il fit un pas en arrière. Son cœur battait à tout rompre. Il s’appuya contre le mur pour garder son équilibre.

« Je suis désolée. » Elle trouva un mouchoir en papier et essuya les traces de mascara sur ses joues. « Je vous en prie, ne lui dites pas que je vous l’ai raconté. Il me…

— Il vous quoi ?

— Je ne sais pas. Il n’a pas précisé. »

Ryan fut pris dans une tempête qui le ravageait en plein cœur. « Il vous a menacée ? »

Elle se détourna, comme honteuse. « Oui. Je crois. Je ne suis pas sûre… Mais oui. Ce n’était jamais comme ça, avant. Quand j’étais à l’étranger, on me demandait parfois de dîner avec un diplomate ou un homme d’affaires. Je devais les faire parler, me montrer impressionnée et essayer de leur soutirer une information. Mais rien comme ceci. Rien de dangereux. Je ne suis pas à ma place ici. Est-ce qu’on peut s’en aller ? »

Ryan la prit dans ses bras à nouveau. « Oui, bien sûr. Nous allons partir tout de suite. Et ne vous inquiétez pas, je ne dirai rien. Je ne permettrai pas qu’il vous arrive quoi que ce soit. »

Il l’entraîna vers les portes-fenêtres, les rires et la fumée à l’intérieur.

Skorzeny se dressa soudain devant eux.

« Alors, les tourtereaux ? On se cache ?

— Celia avait besoin de prendre l’air », dit Ryan, un bras passé autour de la taille de la jeune femme pour la tenir tout contre lui.

Skorzeny détailla Celia de la tête aux pieds, laissant son regard s’attarder de manière inconvenante. « Vous ne vous sentez pas bien, ma chère ? »

Elle lui sourit faiblement. « Ce que j’ai mangé m’incommode un peu, je crois. Et la fumée… »

Skorzeny hocha la tête, l’œil méfiant. « Je vois. Je vais demander à Esteban de vous apporter de l’eau.

— En fait, dit Ryan, je m’apprêtais à ramener Celia chez elle. Merci de votre hospitalité, en tout cas.

— Vous voulez partir ? Maintenant ? Certainement pas. Avez-vous oublié, lieutenant Ryan ?

— Oublié quoi ? »

Skorzeny sourit.

33

La table de la salle à manger avait été poussée contre un mur, le tapis roulé afin de dégager le parquet en bois poli. Plusieurs armes d’escrime étaient posées sur la table ainsi que deux vestes, l’une blanche, l’autre noire. Les chaises avaient été alignées contre le mur opposé. Les hommes et les femmes prirent place, chacun tenant son verre à la main.

« Vous plaisantez », dit Ryan.

Skorzeny souriait de toutes ses dents, les yeux étincelants. « Absolument pas. Épée ou sabre ? Le fleuret, c’est pour les femmes et les petits garçons. »

Debout dans un coin, Celia se rongeait un ongle.

Ryan sentit les regards peser sur lui. « Ni l’un ni l’autre. Je ne veux pas me battre. »

Haughey rit. « Qu’est-ce qui vous arrive, Ryan ? Vous n’avez plus la niaque ? »

Ryan le dévisagea sans ciller. « Vous voulez prendre ma place ? »

Haughey faillit avaler son brandy de travers et s’esclaffa bruyamment. « Sans blague, mon gars, est-ce que j’ai l’air d’un combattant ?

— Non, monsieur le ministre. Pas du tout. »

Le sourire de Haughey perdit son éclat. Il plissa les yeux de colère.

« Choisissez, dit Skorzeny. Épée ou sabre ? »

Ryan regarda les lames alignées sur la table. Poignées françaises pour les deux sabres, poignées orthopédiques pour les épées. Il en prit une de chaque afin de soupeser leur poids, leur équilibre. Les épées étaient des armes anciennes, avec de larges gardes en coquille et des pointes d’arrêt à trois branches au lieu des boutons modernes qui permettent de tenir un score électronique.

« Épée », dit-il.

Skorzeny se saisit de la veste noire, la couleur du maître. « Parfait. En cinq touches. D’accord ?

— D’accord. » Ryan attrapa la veste blanche. « Où sont les masques ?

— Pas de masques. » Skorzeny empoigna l’autre épée. « Nous ne sommes pas des enfants. »

Ryan glissa les bras dans les manches en épais coton et noua les lanières sur le côté, serrant fort pour ajuster le vêtement. Il passa la sangle entre ses jambes et l’attacha derrière son dos.

Skorzeny alla se placer à une extrémité de la piste. La veste moulait son torse puissant, il tenait son épée bien en main. « Monsieur le ministre, vous compterez les points.

— N’en doutez pas », dit Haughey.

Ryan prit position face à Skorzeny. Ils se mirent en garde, épées pointées, jambes fléchies, pieds perpendiculaires.

Le silence tomba dans la pièce.

Skorzeny fit un signe de tête. Ryan répondit de même.

Ils commencèrent, avec de petits mouvements, les pointes des épées tournant l’une autour de l’autre. Skorzeny avança, testant les réflexes de Ryan par des feintes menaçantes. Ryan attaqua aussi, en position fendue, mais l’Autrichien détourna le fer, et, ripostant aussitôt, porta une botte qui atteignit son adversaire à la hanche. Ryan sentit les pointes accrocher sa veste et traverser l’épais tissu.

« Touché », dit-il.

Ils se remirent en position.

« Cinquante sur le colonel Skorzeny, lança Haughey.

— Pari tenu », dit l’homme du ministère des Finances.

Skorzeny mena une série d’actions offensives, attaquant au fer et parant tour à tour, jusqu’au moment où Ryan, après avoir enveloppé sa lame d’un mouvement circulaire, le piqua à la poitrine.

« Touché, dit Skorzeny.

— Cent sur Ryan », dit le propriétaire du grand magasin.

Cette fois, Ryan prit le dessus. Il mit Skorzeny en défense, le contraignant à la parade, puis s’engouffra dans une brèche et toucha son épaule de la pointe de sa lame.

Les yeux de Skorzeny s’assombrirent. « Touché. »

Il revint en force, enchaînant des feintes que Ryan bloquait sans pouvoir riposter. Enfin, après avoir abaissé le fer adverse d’un violent battement, Skorzeny se fendit et toucha Ryan sur la face interne de la cuisse. L’Irlandais poussa un cri quand les tiges acérées transpercèrent son pantalon.