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Après avoir rampé sur un mètre, il s’abattit à plat ventre. Ses membres ne le soutenaient plus. Quand les tremblements et la nausée furent un peu calmés, il se remit en mouvement. Enfin, ses doigts rencontrèrent le mur. Il demeura là, sans savoir combien de temps, puis progressa jusqu’à un coin de la pièce.

Le dos soutenu par l’angle des deux murs, Ryan s’accroupit. Il grimaça douloureusement quand la chaleur cuisante s’écoula entre ses jambes, manqua de s’étouffer dans l’odeur nauséabonde. Assailli par un vertige, il s’appuya des deux mains contre le mur, luttant désespérément pour ne pas s’évanouir et s’effondrer dans ses propres souillures.

Vidé, épuisé, Ryan s’écarta autant qu’il le put avant que ses bras et ses jambes ne déclarent forfait. Face contre terre, il coula au fond, se laissa avaler tout entier.

Au moment où son esprit s’abîmait dans les ténèbres, Ryan jura qu’il les tuerait tous.

La lumière le ramena à lui.

« Bon sang, il pue. »

Ryan leva les yeux. Il vit Wallace, flou, dans l’encadrement de la porte, silhouette trapue qui tenait un objet dans la main, pas un pistolet, autre chose.

« Debout », dit Wallace.

Ryan se leva, les dents serrées pour ne pas crier, le ventre et l’entrejambe tordus par la douleur. Il battit des paupières en essayant d’accommoder sur la main de Wallace pointée dans sa direction. Son esprit décoda ce qu’il voyait juste au moment où le jet d’eau froide l’atteignait.

Hurlant sous la violence du choc, il s’effondra et partit à reculons.

« Reviens ici », dit Wallace en orientant le tuyau pour l’arroser de plein fouet.

Ryan se remit péniblement debout. Il rentra la tête dans les épaules pendant que son corps recevait la douche froide.

« Tourne-toi. »

Ryan obéit et sentit l’impact glacé dans son dos. Wallace dirigea le jet sur les fesses et les cuisses qui dégageaient une odeur pestilentielle.

« T’es vraiment dégueulasse, dit-il. Tiens, bois si tu veux. »

De face, Ryan ouvrit la bouche et tendit la langue vers le jet, avalant plus d’air que d’eau. Il toussa et se plia en deux, les entrailles déchirées.

Le flot se tarit et un seau en étain roula dans sa direction.

« Utilise ça la prochaine fois. »

Un objet compact rebondit contre sa poitrine.

« Mange. T’auras rien d’autre. »

La porte en se refermant emporta la lumière, scellant les ténèbres. Secoué de frissons, à quatre pattes sur la terre inondée, Ryan chercha à tâtons. Là. Une barre chocolatée.

Il mangea dans le noir, aveugle, déglutissant douloureusement.

Ils le passèrent encore à tabac, Carter et le grand, sous la menace du pistolet de Wallace.

Chaque fois qu’un voile noir montait devant ses yeux, une gifle brutale ramenait Ryan à l’aveuglante lumière. La paume de Carter imprimait des ombres cuisantes sur sa joue. Une ancre qui l’amarrait à la douleur dans le monde de l’éveil.

À la fin, Carter s’accroupit près du corps tremblant de Ryan et lui souleva la tête en le tirant par les cheveux.

« Repose-toi, mon garçon. Demain, toi et moi, on discutera. Et on réglera ça. Réfléchis bien à ce que tu vas me raconter. Parce que si tu ne me dis pas ce que je veux savoir, tout ce que tu as supporté jusqu’à maintenant, tu penseras que c’était juste une partie de chatouilles. Compris ? »

De son autre main, Carter le gifla une dernière fois.

« Sois sage », dit-il en laissant retomber sa tête.

Il se leva et regagna l’échelle. Wallace et le grand le suivirent. Le grand remonta l’échelle et ferma la porte.

Dans le noir, Ryan pleura.

46

Skorzeny termina sa cigarette et l’écrasa dans le cendrier en cristal. Il entendit le froissement du journal à l’autre bout de la ligne.

« L’annonce est parue, dit Haughey. Exactement comme vous l’avez écrite.

— Bien, voilà qui est fait, dit Skorzeny.

— Ça ne me plaît pas. Ces types sont dangereux et vous les aiguillonnez.

— Je les prends à leur propre jeu, c’est tout. Leur faiblesse, c’est la cupidité. Je les détruirai.

— Pourvu que vous ayez raison », dit Haughey.

Skorzeny sourit. « Monsieur le ministre, je n’ai jamais eu tort. »

Il replaça le combiné sur son support.

Haughey croyait-il donc que personne n’avait jamais essayé de faire chanter Skorzeny ? Plusieurs s’y étaient risqués au cours de ces dix-huit années d’après-guerre et aucun n’avait réussi. En fait, aucun n’avait survécu.

Luca Impelliteri avait failli échapper à la mort. Failli, seulement.

Une visite de l’amphithéâtre romain de Tarragone, en cours de restauration depuis dix ans, avait été organisée pour Skorzeny et les autres invités de Franco, le maire lui-même s’étant institué guide. Les invités gravirent les gradins en demi-cercle où, mille huit cents ans plus tôt, les riches de la région assistaient à des combats de gladiateurs ou regardaient les chrétiens brûler.

Les ruines de l’amphithéâtre se dressaient au bord d’une falaise qui surplombait la mer, non loin de l’hôtel où étaient descendus les invités de Franco. Soudain, le maire interrompit son discours sur les péchés et les vertus des Romains, pointa un doigt et s’écria : « Hé ! Vous, là ! »

Une jeune femme, petite et menue, la poitrine généreuse, en short et jambes nues, réagit à la voix qui l’interpellait : « Moi ?

— Oui, vous, lança le maire. Qui vous a laissée entrer ? Cet endroit n’est pas ouvert au public. »

La femme se rembrunit. « Je suis désolée, je ne savais pas. »

Elle parlait espagnol avec une pointe d’accent français.

« Eh bien, maintenant vous le savez, dit le maire. Filez. »

Skorzeny la regarda descendre les gradins, sautant d’une marche à l’autre, les bras écartés pour garder son équilibre. Quand elle passa près de Luca Impelliteri, elle trébucha. Il la rattrapa avant qu’elle ne tombe dans la fosse des gladiateurs au-dessous et la retint par la taille, remontant imperceptiblement vers le renflement des seins.

Elle lui sourit, le remercia, posa les mains sur les siennes.

« Tout le plaisir est pour moi », répondit-il.

Skorzeny revint au maire qui débitait son texte.

Au dîner du soir, la petite Française remplaça la jeune Espagnole aux côtés d’Impelliteri. Elle riait de ses plaisanteries, glissait les mains sous la table et ne croisa pas une seule fois le regard de Skorzeny.

Un peu après minuit, Skorzeny était debout sur le balcon de sa chambre d’hôtel, chemise ouverte, offrant sa poitrine et son ventre à la douceur de la brise. Il tira une bouffée de sa cigarette en se demandant si Luca Impelliteri vivait encore. Ses pensées furent stoppées net par un fracas et un hurlement à l’étage au-dessus.

Il écouta sans bouger.

Des cris, des bris de verre. Une porte qui claquait.

D’autres voix. Donnant l’alerte, appelant à l’aide, lançant : « Arrêtez-la, elle s’échappe ! »

La gorge de Skorzeny se serra. Il jeta sa cigarette par-dessus le balcon et boutonna sa chemise avant d’aller à la porte. En l’ouvrant, il découvrit les occupants des chambres voisines qui regardaient dans le couloir, les yeux embrumés par le sommeil ou l’alcool.

« Qu’est-ce qui se passe ? demanda un homme en anglais.

— Je ne sais pas, répondit Skorzeny. Peut-être quelqu’un qui a bu trop de champagne. »