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« Reprenons la discussion », dit Weiss d’une voix sereine, lisse comme une eau étale.

Carter posa résolument les mains sur ses hanches. « Non. Assez parlé. Vas-y, Wallace. »

Wallace obéit aussitôt et avança vers Ryan, braquant son pistolet sur sa poitrine.

La scène se passa si vite que Ryan n’en crut pas ses yeux. Weiss, qui était assis, les mains et le journal sur les genoux, bondit immédiatement sur ses pieds quand Wallace arriva à sa hauteur. Le regard de Ryan, capté par la chute du journal, ne retint qu’une vague impression de l’agent qui saisissait le bras tendu de Wallace d’une main, le pistolet de l’autre. Quand Ryan leva les yeux, Weiss appliquait le silencieux contre le front du Rhodésien.

Carter recula. Voyant que Gracey préparait son arme, il lui fit signe de s’abstenir.

Weiss parla d’une voix calme et douce, à peine affectée par l’effort. « J’ai dit : reprenons la discussion. »

Wallace battit en retraite. Il ouvrait et fermait les mains en faisant jouer ses articulations.

« Laisse tomber, Wallace », dit Carter.

Wallace montra les dents. « Je vais le tuer, ce sale Juif.

— Arrête. C’est un ordre. »

Wallace serra les poings.

Carter s’approcha et lui posa une main sur l’épaule. « Va faire un tour dehors pour te calmer. Exécution. Gracey, accompagne-le. »

Gracey rangea son arme dans son étui et prit Wallace par le bras. Au moment où ils sortaient de la pièce, Ryan entendit Wallace chuchoter : « Je vais le descendre, ce sale Juif. »

Carter et Weiss se firent face en silence. Puis Weiss sourit et dit : « Ça a failli chauffer, non ? »

Il tendit le pistolet de Wallace à Carter.

Carter vint prendre l’arme, la glissa dans sa ceinture et pointa un doigt sur Weiss en martelant ses paroles. « Ne me discréditez pas devant mes hommes. Plus jamais. Sinon c’est moi qui vous buterai.

— Vos hommes ? » Un grand sourire s’étala sur le visage de Weiss. « Vous n’en êtes pas propriétaire. Vous les avez amenés, mais ils n’ont aucune loyauté envers vous. Ils vous trancheraient la gorge pour un dollar. Ne l’oubliez pas.

— Je commence à en avoir marre de toutes ces palabres. Dites ce que vous avez à dire pour que je puisse lui régler son compte après.

— C’est ça. Écoutez bien et si vous ne voyez toujours pas les choses comme moi, ensuite vous ferez ce que vous voudrez. »

Carter retourna s’asseoir sur le rebord de la fenêtre. « OK. Allez-y. »

Weiss arpenta la pièce tout en parlant. « En résumé. Depuis la disparition de ce pauvre Tommy MacAuliffe, on a un homme en moins. À quoi s’ajoute le fait que notre seul autre infiltré a été retourné. Célestin Lainé s’est empressé de vous donner dès que Ryan l’a abordé. Il ne nous sert plus à rien. Tôt ou tard, il crachera le morceau à Skorzeny.

— Alors, tuons-le, dit Carter.

— C’est votre réponse à tout ? Dans ce cas précis, il se trouve que c’est probablement la meilleure décision. Mais le problème est le suivant : il y a un gros trou dans notre opération maintenant. Et je sais comment le combler. »

Sur le visage altéré de Carter se reflétait l’agitation de son esprit. Puis il durcit les traits. « Non, dit-il.

— Si », répliqua Weiss. Il montra Ryan du doigt. « Cet homme ici présent.

— Non, répéta Carter en secouant la tête.

— Vous ne voyez pas que c’est la solution parfaite ? Il a directement accès à Skorzeny, il peut nous rapporter ses pensées. Surtout, il est en mesure d’influencer Skorzeny, de le pousser là où nous l’attendons.

— C’est de la folie, dit Carter. Il nous trahira.

— Je ne crois pas. Vous ne ferez pas ça, n’est-ce pas, Albert ? »

Ryan n’avait rien à répondre. Il regarda les hommes d’un œil hagard.

« Bien sûr que si. Il obéit aux ordres d’un sale nazi, lui et le politicien. Il est dans leur camp. »

Weiss revint vers Ryan et se pencha en avant, mains sur les genoux. « C’est vrai, Albert ? Vous fricotez avec l’infâme nazi Otto Skorzeny ? Vous êtes un collabo ? »

Le mot fit à Ryan l’effet d’une gifle. « Non, dit-il.

— Mais si, insista Weiss. Un collabo. Comme Élouan Groix ou Hakon Foss. Ou Catherine Beauchamp.

— Fermez-la, dit Ryan d’une voix sifflante. Je ne suis pas dans leur camp. Je ne suis pas un collabo.

— Mais vous obéissez aux ordres de Skorzeny.

— Je reçois mes ordres de la Direction du renseignement. On m’a confié un boulot. »

Weiss se redressa. « C’est drôle, beaucoup de gens ont dit ça après la guerre. “Je n’ai fait que mon boulot.”

— On m’a assigné une mission. Je regrette de l’avoir acceptée, mais je n’avais pas le choix. Je me suis battu contre des hommes comme Skorzeny en Europe et en Afrique du Nord. J’ai tout sacrifié pour ça. Je ne suis pas dans leur camp.

— Vous entendez, capitaine Carter ? Le lieutenant Ryan n’est pas un collabo. C’est un soldat. Comme vous. Comme moi autrefois. Tous les deux, vous auriez pu vous retrouver l’un à côté de l’autre. »

Carter croisa les bras sur sa poitrine. « Et alors ? On lui donne une médaille ?

— Non, une place dans notre équipe.

— Sûrement pas. »

Weiss s’accroupit devant Ryan. « Qu’est-ce que vous en dites, Albert ? Vous voulez récupérer votre honneur en baisant Skorzeny ? Et vous en mettre plein les fouilles par la même occasion, je dois ajouter. »

Carter sauta du rebord de la fenêtre. « Ça va pas, non ? Pas question de partager avec lui. »

Weiss l’ignora royalement. « Alors, Albert ? Il est temps de choisir entre un côté ou l’autre. Vous voulez m’aider à faire plonger Skorzeny ? Vous voulez gagner plus d’argent que vous n’en avez jamais vu de votre vie ? »

Ryan considéra tour à tour les deux hommes. Carter, furieux. Weiss, souriant.

« Qu’est-ce que vous foutez, Weiss ? dit Carter. Mes gars ne seront pas d’accord. »

Weiss posa une main sur le genou de Ryan. Sa voix était plus douce qu’un souffle d’air. « Que décidez-vous, Albert ? Vous êtes avec moi ?

— Oui », répondit Ryan.

50

Lainé dit : « Non, je ne veux pas.

— Pourquoi ? » demanda Skorzeny en s’asseyant derrière son bureau.

Lainé évitait de croiser le regard de l’Autrichien. Il aspira une grosse bouffée de la cigarette que Skorzeny lui avait offerte. « Elle est innocente. Elle n’a rien à voir avec tout ça.

— Celia Hume a accepté la mission. Elle s’est engagée de son plein gré.

— Je m’en fiche. Je ne veux pas.

— Allons, Célestin. Jusqu’à présent, cela ne vous a jamais dérangé d’interroger des femmes. »

Lainé leva les yeux derrière le nuage de fumée. « Maintenant, ça me dérange. Interrogez-la vous-même. Cette affaire ne me concerne plus. »

Skorzeny se renversa en arrière dans son fauteuil, un sourire moqueur aux lèvres. « Je commence à douter de votre loyauté, Célestin. N’ai-je pas été généreux avec vous ?

— Si. Et je vous en suis reconnaissant. Mais je refuse de torturer cette femme pour vous. »

Le visage de Skorzeny s’assombrit. Au moment où il allait parler, la sonnerie stridente du téléphone l’arrêta dans son élan. Il décrocha le combiné. « Oui ? »

Lainé regarda Skorzeny qui écoutait, les yeux en mouvement, bouche entrouverte.

« Très bien, dit-il. J’attends l’appel du ministre demain. »