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Wallace tournoya sur lui-même, fit deux pas en vacillant et tomba à quatre pattes. Weiss lui envoya la pointe de sa chaussure dans le ventre. Le Rhodésien, tout rouge, se roula en boule par terre et toussa.

« Ça suffit », dit Carter.

Gracey s’était redressé et plongea la main dans la poche de son pantalon. Il en sortit un couteau à cran d’arrêt dont il fit jaillir la lame.

Weiss regarda Carter. « Dites à votre gars de ranger ce couteau. »

Carter parla d’une voix calme et ferme. « Obéis. »

Gracey hésita, puis ferma la lame et remit le couteau dans sa poche. Il garda les bras le long du corps, mains ouvertes et prêtes, solidement campé sur ses deux jambes.

Weiss s’agenouilla près de Wallace. « Écoutez-moi bien, mon ami. Si vous me tenez ce langage encore une seule fois, même pour plaisanter, je vous descends illico. C’est clair ? »

Wallace cracha par terre. « Espèce de sale J… »

Weiss lui appliqua le canon du Glock sur l’œil. Il ne bougea plus.

« C’est clair ?

— Oui. »

Weiss se releva. Wallace partit à quatre pattes et se mit debout, dos au mur, en se frottant l’œil du plat de la main.

« Parfait, dit Weiss. Maintenant, si vous voulez bien arrêter de vous crêper le chignon pendant un jour ou deux, on réussira peut-être à aller au bout de notre affaire. »

Carter fixa Wallace dans les yeux pendant un moment, puis se tourna vers Weiss. « Qu’a dit votre ami Ryan ?

— Il a donné vingt-quatre heures à Skorzeny pour accepter nos conditions, sinon il laisse tomber sa mission.

— Et si Skorzeny n’accepte pas ?

— Alors, on ne sera pas moins avancés qu’avant, n’est-ce pas ? »

Wallace essuya la bave et la morve sur son menton. « On aurait dû se débarrasser de Ryan. Il va nous planter.

— Ryan est plus coriace que vous ne pensez, dit Weiss. Carter lui a fait subir le maximum et il ne m’a pas trahi. Franchement, je me fous que vous ayez confiance en lui ou non. C’est un risque que je suis prêt à courir.

— C’est bien ça le problème, non ? Nous, on risque notre peau. Pas vous. »

Weiss mit les mains dans ses poches. « Celui qui s’expose le plus au danger, pour l’instant, c’est le lieutenant Ryan. »

57

De sa fenêtre, Célestin Lainé regardait le soleil se déplacer dans le ciel et plonger vers la cime des arbres. Il n’était pas sorti de sa chambre depuis plusieurs jours, sauf pour aller chercher à manger pour lui et le chien, ainsi que plusieurs bouteilles de vin.

Le chiot s’ennuyait et ne cessait de gémir. L’odeur de ses excréments qui s’entassaient dans un coin étant devenue insupportable, Lainé avait fini par les ramasser et les jeter par la fenêtre. Il avait subtilisé des serviettes pour éponger l’urine.

La pièce sentait toujours mauvais, mais Lainé avait préféré s’y cantonner plutôt que de risquer un face-à-face avec Skorzeny. Il était sûr que le colonel lirait la trahison sur son visage.

Il ne dormait pas plus d’une heure ou deux chaque nuit. La peur autant que la colère le maintenaient éveillé et tremblant. La peur de Skorzeny, et la colère de savoir que Carter, et maintenant Ryan aussi, l’avaient abandonné.

L’Anglais avait promis de l’argent, plus que Lainé n’en aurait jamais rêvé. Pendant des jours, des semaines, il avait imaginé comment il le dépenserait, la vie qu’il s’offrirait. Une petite maison au bord de la mer où Catherine, peut-être, lui aurait rendu visite. Ils auraient passé des heures à fumer, à boire et à parler en breton pendant que le vent dehors projetterait les embruns contre la fenêtre.

Envolé, tout ça.

Alors il avait avoué ses fautes à Ryan. Il s’attendait que l’Irlandais livre Carter et ses hommes à Skorzeny, mais les jours passaient, et toujours rien. Ses trahisons successives, récompensées par une autre trahison.

Aussi Lainé était-il resté enfermé dans cette piaule qui empestait la merde, se repaissant de sa rage, jusqu’à ce qu’il se résolve à agir en traître une dernière fois.

Il ferma les yeux, prononça une prière pour se donner du courage, puis sortit de la chambre. Il descendit l’escalier et se dirigea vers le bureau de Skorzeny, s’arrêta devant la porte, écouta la voix tranchante du colonel de l’autre côté. Puis il ouvrit sans frapper.

Skorzeny était assis à son bureau, le téléphone contre l’oreille. Il regarda Lainé entrer, refermer la porte derrière lui et prendre place. Il mit fin à sa conversation et raccrocha.

« Célestin. Vous n’avez pas l’air en forme.

— Il faut qu’on parle. », dit Lainé.

Skorzeny hocha la tête. Il lui offrit une cigarette. Lainé l’accepta, incapable de calmer le tremblement de ses mains en approchant la flamme.

« De quoi s’agit-il ? » demanda Skorzeny en allumant sa propre cigarette.

Lainé toussa. Ses yeux se mouillèrent de larmes. « J’ai quelque chose à vous dire.

— Oh ?

— Mais d’abord, vous devez prêter serment. »

Des étincelles pétillèrent dans le regard de Skorzeny. « Dites-moi lequel et on verra après. »

Lainé voulut secouer sa cendre dans le cendrier, mais sa main tremblait tellement qu’il la fit tomber par terre.

« Vous devez promettre de me laisser en vie. »

Skorzeny lâcha un rire qui ressemblait à un bref rugissement. « Comment puis-je promettre une chose pareille ?

— C’est ça ou je me tais.

— Célestin, vous ne pourrez rien me cacher. Vous savez que je vous torturerai s’il le faut. »

De sa main libre, Lainé sortit de sa poche le couteau qu’il avait pris la veille dans la cuisine et l’approcha de sa gorge. Il sentit le froid de la lame, puis la brûlure quand il entailla la peau.

« Promettez-moi, dit-il, en soutenant le regard de Skorzeny. Faites le serment que vous me laisserez en vie, que vous ne permettrez à personne d’autre de me tuer, sinon vous ne saurez jamais ce que j’avais à vous dire. »

Les yeux de Skorzeny ne riaient plus. « Célestin, vous saignez. Rangez ce couteau.

— Promettez, sinon vous ne saurez jamais. »

La colère prit possession du visage de Skorzeny, puis il retrouva son sang-froid. Il acquiesça avec raideur. « Comme vous voudrez. Je vous donne ma parole que vous ne serez pas tué par moi ni par personne d’autre. »

Lainé écarta la lame de sa gorge. Sous le col de sa chemise, il sentit un filet tiède couler sur sa poitrine.

Il avoua.

Il raconta tout à Skorzeny. La colère sourde qui hantait ses jours en Irlande, la haine de sa vie condamnée à la pauvreté, la jalousie qui l’étreignait quand il voyait le luxe dont jouissaient des hommes comme Skorzeny. Puis il évoqua l’Anglais qui était venu le trouver en lui faisant miroiter une richesse inimaginable, les choses que l’homme voulait savoir, la camionnette dans laquelle on l’avait emmené, les secrets qu’il avait livrés.

Il parla d’Élouan Groix et de Catherine Beauchamp, confiant que leurs morts le tourmentaient sans répit.

Enfin, Lainé raconta comment Albert Ryan l’avait coincé sur le palier de l’étage. L’Irlandais avait appris que Lainé était le traître recherché, il savait qui étaient les assassins des Kameraden de Skorzeny et il avait gardé l’information pour lui.

Quand Lainé eut fini, Skorzeny resta assis en silence. Il avait terminé sa cigarette et en avait commencé une autre, qui, à présent oubliée, se consumait entre ses doigts.

Enfin, Skorzeny écrasa la cigarette, se leva et dit : « Merci, Célestin. »