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La pression dans sa tête retomba.

« Nom de Dieu, qu’est-ce qui se passe ici ? » dit le policier.

70

« Nous avons un ami commun », dit l’homme.

Il se tenait debout les mains dans les poches. Ryan remarqua la crasse sur ses genoux.

Il était entré seul dans la salle des interrogatoires, chargé d’une sacoche en cuir, et avait refermé la porte derrière lui, puis grogné en posant la sacoche sur la table où son lourd contenu produisit un bruit vaguement métallique.

« Qui êtes-vous ? demanda Ryan.

— Je m’appelle James Waugh. Votre jeune amie Celia Hume m’a rendu quelques services. »

Il avait un accent léger et fluide, sud-ouest de Dublin, nord-est de Cork.

« Elle m’a parlé de vous, dit Ryan. Vous lui avez demandé de se renseigner sur moi. »

Waugh s’assit de l’autre côté de la table, la sacoche entre eux. « À dire vrai, je le regrette. Si j’avais su dans quel pétrin le ministre était en train de se fourrer, je me serais abstenu.

— Pour qui travaillez-vous ? demanda Ryan.

— Je suis mon propre patron à la tête d’une petite équipe, une vingtaine de personnes au maximum. Nous ne dépendons pas de la Direction du renseignement ni du ministère de la Justice, mais nous leur donnons un coup de main de temps en temps. Des hommes à tout faire, en quelque sorte. Nous prenons en charge le sale boulot des autres services.

— Qu’est-ce que vous voulez ?

— Vous annoncer que vous êtes libre de partir, premièrement.

— Et Weiss ? »

Waugh pinça les lèvres. « Mr. Weiss a tenté de se suicider dans sa cellule il y a environ une heure. Il a essayé de se pendre avec un drap. Heureusement, nous sommes intervenus à temps. »

La colère s’alluma dans la poitrine de Ryan. « Je crois que vous mentez. »

Waugh battit des paupières. Il prit une inspiration. « Mr. Weiss a été emmené à l’hôpital pour y être soigné. Le ministre de la Justice demande que vous lui apportiez toutes les pièces afférentes à votre enquête demain, à quatorze heures dans son bureau. Vous rendrez votre rapport final et ce sera terminé.

— Haughey sait-il que vous avez essayé de tuer Weiss ? »

Waugh sourit. « Comme je l’ai expliqué, Mr. Weiss a tenté de se suicider. Mais je vous le répète, ni moi ni les membres de mon service ne sommes affiliés au ministère de la Justice. J’agis en toute indépendance, je fixe mes propres objectifs. Cela répond à votre question ? »

Ryan considéra le visage de Waugh, ses yeux gris et froids comme de l’ardoise. « Vous avez dit “premièrement”. Que voulez-vous d’autre ? »

Waugh se leva et sortit une carte de visite de sa poche. Il la posa sur la table, à côté de la sacoche, et la fit glisser vers Ryan du bout des doigts. Sur la carte étaient seulement inscrits son nom et un numéro de téléphone.

« J’ai un poste qui se libère dans mon service, dit-il, avec un sourire chaleureux qui n’adoucissait en rien son regard. Le travail est plus intéressant que ce que la Direction du renseignement peut offrir. J’aurais besoin de quelqu’un comme vous. »

Ryan regarda la carte. Il la repoussa. « Non, merci. »

Waugh poussa à nouveau la carte vers lui. « Réfléchissez. »

Il se dirigea vers la porte, s’arrêta et se retourna comme s’il avait oublié un détail de moindre importance. Il désigna la sacoche.

« Je ne savais pas trop quoi faire de ça. Je suppose que c’est à vous de vous en occuper. »

Waugh sortit, referma la porte derrière lui.

Le cuir de la sacoche luisait dans la lumière fluorescente. Ryan détacha la boucle, souleva le rabat.

À la vue du jaune étincelant, il sentit sa bouche se dessécher.

71

« Je croyais que les policiers irlandais n’étaient pas armés », dit Weiss. Les mots lui râpaient la gorge comme du papier de verre.

Rafferty s’assit au pied du lit d’hôpital. Les autres lits de la chambre étaient inoccupés et il avait renvoyé l’officier de la Garda posté à la porte. Il porta la main au pistolet sur sa hanche.

« Si, de temps en temps, répondit-il. Quand la situation l’exige.

— Et c’est le cas ici ? »

Rafferty sourit. « Je dirais que oui, pas vous ?

— Certes. »

Weiss se rallongea, main droite derrière la tête. Sa main gauche était menottée au cadre du lit. Il était en maillot de corps, pantalon et chaussettes. Des hématomes apparaissaient déjà sur son cou.

« Quand allez-vous me laisser partir ? demanda-t-il.

— Vous n’avez qu’à rester ici jusqu’à ce que le toubib donne son feu vert, répondit Rafferty. Ensuite, vous reviendrez au poste avec moi. Et après on verra. Le gars du gouvernement n’avait pas l’air trop impressionné par cette histoire de… comment vous dites ? Le Mossad ? Oui, c’est ça. Ça ne lui plaisait pas de savoir qu’un gars du Mossad traîne par chez nous. M’est avis qu’on aimerait bien vous mettre dans un avion pour que vous débarrassiez le plancher.

— Sans doute. Et le lieutenant Ryan ?

— Il a filé. Le gars du gouvernement lui a remis une sacoche en cuir et m’a dit de le relâcher. »

Weiss s’humecta les lèvres. « Une sacoche en cuir ?

— Tout juste. » Rafferty hocha la tête. Les plis de son cou distendu ballotaient.

« Qu’y avait-il à l’intérieur, selon vous ?

— Je pourrais pas dire. Ça m’avait l’air sacrément lourd, en tout cas. »

À nouveau, le regard de Weiss effleura le revolver sur la hanche de Rafferty.

« C’est marrant, reprit Rafferty. Une fois que le gars du gouvernement est parti, j’ai appelé ce Rosenthal à qui vous réclamiez de parler. L’avocat. Il vous connaissait, pas de problème, il a dit que vous étiez un client à lui et tout, mais quand je lui ai raconté où je vous avais alpagué et ce que vous trafiquiez… Ben, il a eu l’air un peu étonné. Peut-être même agacé. Comment ça s’explique, d’après vous ?

— Aucune idée, dit Weiss.

— Vous voulez savoir ce que je pense ?

— Pas vraiment.

— Je pense que ce Rosenthal est votre contact ici en Irlande. Vu qu’Israël n’a pas d’ambassade à Dublin, il faut que vous puissiez compter sur quelqu’un si ça tourne mal. Je chauffe, là ? »

Weiss ne répondit pas.

« Bref, moi, je dis que vous lui avez fait un sale coup dans le dos. Comme on dit par ici, vous avez chié dans le nid. Sinon, j’aurais à peine raccroché que votre Rosenthal se serait pointé en hurlant pour qu’on vous relâche. J’ai tapé dans le mille, pas vrai ? »

Avant que Weiss n’ait le temps de répondre, le médecin entra dans la chambre.

« C’est vous qui êtes responsable de ce patient ? demanda-t-il à Rafferty.

— Exact, répondit Rafferty en se levant.

— Il a le cou contusionné, mais je ne crois pas que la trachée ou le larynx soient endommagés. Vous l’avez empêché de faire trop de dégâts. Je peux vous rendre Mr. Weiss sans la moindre inquiétude.

— Ça roule, dit Rafferty. Merci. »

Quand le médecin fut parti, le policier bedonnant s’approcha de la tête du lit. Il sortit un trousseau de clés de sa poche pour ouvrir les menottes.

Alors seulement, il s’aperçut qu’elles étaient déjà ouvertes. Et ce depuis un moment. Weiss avait subtilisé un trombone sur le bureau du médecin dans la salle d’examen. Aussi simple que ça.