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Mais lorsque ceci sera consommé, alors se réalisera la prédiction:

"Mort, où est ta victoire? Mort, où est ton aiguillon?"

L'aiguillon de la mort, c'est le péché et le pouvoir du péché est fondé sur la loi. Mais Dieu soit loué, qui nous donne la victoire par l'intermédiaire de Notre Seigneur Jésus-Christ!

Je veux aussi Te remercier, Seigneur, de Ta protection. De ne pas m'avoir laissé agir en solitaire et d'avoir envoyé une femme pour m'assister. De lui permettre d'expier ses péchés afin de Te servir.

De tout cela je Te remercie, Seigneur.

Amen.

À son réveil, elle n'avait pas la moindre idée de l'endroit où elle se trouvait. Cela n'avait rien d'inhabituel, soit, mais ce matin-là elle mit plus de temps pour se repérer. La lumière pénétrait par les interstices de la paroi de bois et éclairait un vaste bric-à-brac. Mais ce n'est que lorsque l'église Sainte-Sophie sonna sept heures qu'elle sut où elle était.

Elle se mit sur son séant et sortit la dernière banane de son sac à dos.

Autour d'elle, le sol était couvert de sciure et, la veille au soir, elle avait dû ôter quelques planches et les placer en travers des verrous pour étaler son tapis de sol. Elle n'avait plus mal à la gorge. Tout en mangeant, elle observa la poussière qui voltigeait dans les rayons de lumière. Après une telle nuit, elle aurait besoin d'une douche. Mais elle n'osait pas aller à la gare centrale. Pas plus que dans une institution caritative.

Depuis qu'elle avait oublié son agenda au Grand Hôtel, elle ne savait plus exactement quel jour c'était, mais, si elle ne s'était pas trompée, son aumône mensuelle devait être arrivée. Pourtant, il fallait d'abord qu'elle fasse quelque chose à propos de ses cheveux. Elle pourrait prélever un peu d'argent sur sa réserve pour une teinture, puis aller chercher celui du mois.

Elle savait que l'autobus n°76 était à destination de Ropsten. Elle évitait en général ce moyen de transport, car il était plus facile de prendre le métro sans payer. Elle sortit un billet de vingt couronnes de la pochette accrochée autour de son cou et se dirigea vers l'arrêt d'autobus de Renstiernasgata.

Pour la première fois depuis six ans, elle venait d'enfreindre la règle qu'elle s'était fixée.

Les salauds, c'est eux qui l'avaient forcée.

Au début, elle fut seule à l'arrêt d'autobus, mais au bout de quelques minutes elle eut de la compagnie. Personne ne s'occupait d'elle, mais elle s'efforça d'éviter de croiser le regard des autres.

Lorsque l'autobus arriva, il y avait pas mal de place, bien que ce fût l'heure de pointe du matin. Le trajet coûtait quatorze couronnes. Une petite fortune.

Elle alla s'asseoir au fond du véhicule et posa son sac à dos sur le siège, à côté d'elle. Ce n'est qu'à l'Écluse que tous les sièges furent occupés. Une femme lança alors un regard courroucé en direction de son sac. En temps normal, elle ne s'en serait pas souciée mais, ce jour-là, elle désirait éviter d'attirer l'attention sur elle.

Elle mit donc son sac sur ses genoux. La femme s'assit à côté d'elle et sortit un journal de son porte-documents.

Sibylla regarda par la fenêtre. Ils étaient maintenant sur Skeppsbron. L'autobus s'arrêta au feu rouge juste devant un bureau de tabac. Le buraliste était en train d'installer les affichettes des journaux de la journée et, au moment où l'autobus démarrait, il bougea, lui permettant de voir ce qui était marqué.

En fait, ses yeux lurent d'eux-mêmes et firent ensuite parvenir l'information à son cerveau.

Ce n'était pas possible!

Elle resta un moment à regarder dans le vide, devant elle. La peur le disputait en elle à la perplexité, comme si un lacet se resserrait lentement autour de sa gorge.

Elle s'avisa soudain que quelqu'un la regardait et cela rompit le charme. D'instinct, elle plaça son sac à dos entre eux, à la manière d'un rempart. Ce geste eut pour conséquence qu'elle put voir le journal étalé sur les genoux de la femme qui était assise à côté d'elle.

Elle ne voulait pas voir mais, une fois encore, ses yeux furent plus forts qu'elle.

Le titre suffit à lui donner la nausée, elle n'eut pas la force de lire le reste. Pendant la fin du trajet, elle garda le regard obstinément fixé sur son sac à dos et ce n'est que lorsque la femme referma le journal et descendit qu'elle osa bouger à nouveau.

Au terminus, il ne restait plus qu'elle dans l'autobus. En se levant pour sortir, elle vit que la femme avait laissé son journal sur le siège.

Elle ne voulait pas le faire.

Mais elle savait qu'elle était obligée.

Les salauds.

Avant de descendre de l'autobus, elle fourra le journal dans son sac.

Sur le chemin de Nimrodsgatan, elle entra dans un magasin Konsum et acheta un flacon de teinture pour cheveux. C'était la deuxième fois qu'elle prélevait sur son trésor. Mais, dès qu'elle aurait retiré son argent à la poste, elle remettrait ce qu'elle avait pris.

L'immeuble locatif de Nimrodsgatan était pour elle, et pour bien d'autres dans sa situation, une véritable providence. Le genre de trésor dont on se gardait bien de parler, parmi les gens comme elle. Un jour, elle avait dû payer pour avoir eu la langue trop bien pendue.

Mais pas en argent.

La porte d'entrée de l'immeuble était ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les appartements ne disposaient pas de douches et c'était la raison pour laquelle il en avait été installé au sous-sol. Bien carrelées et avec de l'eau chaude et du papier hygiénique à volonté.

Elles étaient certes fermées à clé, mais elle était une des rares à savoir où était cachée la clé de secours. À mi-chemin de l'escalier descendant au sous-sol, près de la porte donnant accès à ce havre, il y avait une vieille trappe en fer. Derrière celle-ci, les locataires avaient déposé une clé de secours fixée à un morceau de bois de cinquante centimètres de long, pour que personne ne l'emporte par mégarde.

Cette clé valait son pesant d'or, sinon plus.

Une fois à l'intérieur, on pouvait fermer derrière soi.

Et être tranquille.

Elle fit d'abord couler de l'eau dans le lavabo des toilettes et mit sa culotte à tremper. En guise de lessive, elle versa quelques gouttes de shampooing. Puis elle ôta tous ses vêtements et tourna le robinet d'eau chaude de la douche. Elle avait de la chance. Quelqu'un avait oublié un flacon de savon liquide.

Elle ferma les yeux, mais la seule chose qu'elle vit fut l'image de la page de journal de l'autobus.

Quand est-ce que cela s'arrêterait?

Quand son cauchemar prendrait-il fin?

La femme du Grand Hôtel frappe à nouveau meurtre rituel à Västervik

- Depuis combien de temps est-ce que cela dure?

Pour une fois, c'était son père qui lui adressait la parole.

Sibylla avala sa salive. La table dansait toujours.

- Quoi?

Béatrice Forsenström pouffa.

- Ne fais pas l'idiote, Sibylla. Tu sais très bien de quoi nous parlons.

Elle le savait, en effet. Quelqu'un avait dû la voir dans la voiture de Micke.

- On s'est rencontrés au printemps dernier.

Ses parents se regardèrent par-dessus la table. On aurait dit qu'ils étaient reliés par des élastiques.

- Comment s'appelle-t-il?

C'était à nouveau son père qui lui posait cette question.

- Mikael. Mikael Persson.

- Est-ce que nous connaissons ses parents?

- Je ne crois pas. Ils habitent Värmamo.