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Elle fit le tour de la pièce des yeux. En plus de la table sur laquelle étaient posés l'ordinateur et le matériel informatique, il y avait un lit et une étagère. Le lit n'était pas fait et, quand Patrik vit son regard, il s'empressa d'aller le recouvrir. La chambre prit aussitôt un aspect un peu plus présentable.

L'ordinateur acheva de se mettre en marche. Diverses icônes apparurent sur l'écran. Il tira la chaise et s'assit.

Sur le rebord de la fenêtre se trouvait un aquarium sans eau. Elle alla voir ce qu'il y avait dedans.

- Je te présente Batman, une tortue terrestre grecque.

Batman était en train de grignoter une feuille de salade dans un coin et elle l'observa de près. Elle était là, dans sa cage en verre, cette tortue, et ignorait le reste. Elle l'envia presque, l'espace d'un instant.

Patrik écrivit quelque chose sur son clavier. Elle approcha pour voir ce que c'était.

+ meurtre + dépeçage + sibylla.

Il pointa la flèche de la souris sur "rechercher" et cliqua.

Elle entendit l'ordinateur tourner pour exécuter cet ordre. Quelques secondes plus tard, ce fut terminé et il afficha: 67 réponses.

- Bingo! s'exclamat-il avec un grand sourire.

- Qu'est-ce que ça signifie?

- Qu'il existe soixante-sept pages dans lesquelles on parle de toi et de ces meurtres.

Était-ce possible? Ainsi, elle faisait partie intégrante de ce monde dont elle ignorait tout? Patrik cliqua sur l'une de ces lignes.

- J'imprime tout ce que j'ai trouvé et on pourra lire ça tranquillement.

Elle ne comprit pas vraiment ce qu'il voulait dire par là mais elle pensa qu'il savait ce qu'il faisait. Une autre machine posée sur la table se mit à tourner et, peu après, une feuille de papier apparut. Le texte était à l'envers et elle ne put donc voir ce dont il s'agissait avant que la feuille entière soit sortie.

Elle la prit et alla s'asseoir sur le lit. Patrik cliqua à nouveau et la machine se remit en marche et cracha du papier.

Elle lut ce qu'elle tenait à la main.

La femme du Grand Hôtel a rendu visite à l'épouse de sa victime

Lena Grundberg est assise sur un coin de son canapé, dans l'élégante salle de séjour de sa maison. Il y a seulement une semaine, elle vivait là avec Jörgen, son mari bien-aimé. Jeudi dernier, il a été la première victime de cette démente de 32 ans qui l'a tué de sang-froid et qui parvient depuis à passer à travers les mailles du filet tendu par la police. Mais, pas plus de deux jours après ce meurtre bestial, la femme du Grand Hôtel a rendu visite à la veuve éplorée de sa victime. Lena a du mal à retenir ses larmes quand elle nous dit: "J'ai vraiment très peur. Cette femme est venue sonner à ma porte et m'a dit qu'elle avait perdu son mari, elle aussi. Je n'ai pas bien compris ce qu'elle voulait, sur le moment. Ce n'est qu'après, lorsque j'ai vu le portrait-robot diffusé par la police que je l'ai reconnue..."

Sibylla interrompit là sa lecture.

La veuve éplorée.

Mon cul.

D'autres feuilles de papier attendaient d'être lues. Elle prit le tas et s'assit à nouveau.

Les connaissances anatomiques sont fréquentes

Chez les meurtriers qui dépècent les cadavres

La femme de 32 ans recherchée dans tout le pays pour plusieurs meurtres reste une énigme pour la police. Une étude menée sur les affaires de meurtre avec dépeçage commis en Suède depuis les années 60 fait apparaître une surreprésentation des professions telles que bouchers, médecins, chasseurs et vétérinaires. D'après Sten Bergman, expert psychiatre auprès des tribunaux, cela vient d'une part que les membres de ces corps de métier ont surmonté la répulsion que la plupart des gens éprouvent devant une dissection, d'autre part qu'ils possèdent les connaissances techniques nécessaires pour y procéder.

D'après l'enquête de police, la femme suspecte ne correspond pas à ce profil. Rien ne laisse penser qu'elle ait exercé l'une des professions en question. Mais cela ne suffit naturellement pas à produire un meurtrier de ce type. Il faut aussi des tares psychologiques conduisant à un manque de sympathie, voire à un très fort mépris envers les autres. Une autre explication est la maladie mentale. Ceux qui dépècent des cadavres ne sont pas toujours capables, par exemple, de se séparer de leurs victimes et il semble que ce soit le cas de cette femme de 32 ans. Ils prélèvent une sorte de trophée leur rappelant le défunt et, dans certains cas, l'acte lui-même, comme s'ils s'arrogeaient le droit de vie et de mort. Dans cas présent, les victimes ont subi ce qui porte le nom de "dépeçage agressif". Cela se distingue du dépeçage passif par le fait que ce dernier est effectué uniquement pour masquer le crime ou pour rendre l'enquête plus difficile. Dans les cas présents, l'assassin ne s'est livré à aucun effort en ce sens et il semble que le seul but de cette femme ait été de profaner le corps de ses victimes. La police refuse toujours de révéler quels organes ont été prélevés...

Elle se leva et jeta la feuille par terre.

- Je ne peux plus lire ça. Je ne le supporte pas.

Elle avait parlé à voix haute et Patrik se retourna pour la regarder.

- Plus bas!

Elle s'assit à nouveau. La machine continuait à cracher des feuilles de papier, mais elle n'avait pas l'intention de les lire. Des gens avaient écrit tout cela sur son compte. Auparavant, personne ne s'intéressait à elle et, soudain, elle était devenue une sorte de célébrité nationale.

C'était quand même un peu fort.

- Je m'en vais. Je ne peux pas rester ici.

Il se retourna pour la regarder.

- Où est-ce que tu vas aller?

Elle se contenta d'un soupir pour toute réponse.

Une porte s'ouvrit dans l'appartement. Ils se regardèrent sous le coup de la peur et restèrent immobiles, à prêter l'oreille. Peu après, ils entendirent couler de l'eau. Sibylla chercha des yeux un recoin où se dissimuler.

- Il va seulement pisser, murmura Patrik pour calmer ses inquiétudes.

Mais cela ne suffisait pas à la rassurer. Lorsque le bruit de la chasse cessa de retentir, elle se jeta sur le sol et se glissa sous le lit. Elle fit bien car, un instant plus tard, on frappait à la porte.

- Patrik?

Il ne répondit pas. Sibylla vit ses pieds disparaître sous la couverture et, juste après, la porte s'ouvrit. Elle aperçut deux jambes velues.

- Tu dors?

- Mmoui.

- Il est plus de onze heures.

Soudain, elle entendit un bourdonnement et le bruit d'une feuille de papier qui sortait de la machine, bien après les autres.

- Qu'est-ce que c'est que ça?

Les jambes velues approchèrent. Aussitôt après, celles de Patrik, en jeans, vinrent se planter devant son nez et elle entendit le bruit d'une feuille de papier qu'on froissait.

- Oh, rien.

- Ah. Pourquoi est-ce que tu dors tout habillé?

- Je me suis simplement allongé pour me reposer un peu.

- Ah bon. Qu'est-ce que tu imprimes, comme ça?

- Je suis allé faire un tour sur le Net.

Quelques secondes de silence intolérable.

- Je vais me recoucher. Tu es à la maison, aujourd'hui, ou quoi?

- Je sais pas. On verra.

- Ne rentre pas après dix heures, hein. Et puis appelle-moi pour me dire où tu es.

Elle entendit Patrik soupirer. Les jambes firent demi-tour mais s'arrêtèrent à nouveau.

- Qu'est-ce que c'est que ce sac à dos?

Sibylla ferma les yeux. Patrik tarda beaucoup trop à répondre. Dis que tu l'as trouvé. Piqué. N'importe quoi.

- Oh, c'est celui de Viktor.

Encore mieux.

- Pourquoi est-ce qu'il est là?

- Il l'a oublié à l'école. J'ai promis de lui rapporter.