Выбрать главу

Parfait. Cela lui permettrait de conserver la maîtrise de la situation.

Il s'assit près d'elle et ils gardèrent le silence un instant. Les gens passaient près d'eux et ils les suivaient du regard, mais personne ne semblait attacher d'importance à ce couple un peu étrange assis sur un banc.

Soudain, deux voitures de police descendirent la côte de Götaland à toute allure et vinrent se ranger sur la place. Elles n'actionnaient pas leurs sirènes, mais leurs feux rotatifs bleus suffisaient à faire le vide devant elles. Dès qu'elles furent arrêtées, les portières s'ouvrirent et deux agents descendirent et pénétrèrent dans la bibliothèque au pas de course.

Il valait mieux ne pas faire de vieux os à cet endroit.

Ils se regardèrent et se levèrent. Ils pressèrent le pas le long de Tjärhovsgatan et tournèrent pour monter en direction de la place de Mosebacke. Toujours en silence, ils s'assirent sur un banc. Ce jour-là, le soleil avait enfin réussi à percer la masse nuageuse compacte qui avait recouvert Stockholm au cours de ces dernières semaines. Sibylla posa son sac à dos près d'elle, se rejeta en arrière et ferma les yeux. Ah, pouvoir partir à l'étranger, vers un pays où le soleil brillait en permanence et où personne ne serait à ses trousses. Elle n'était encore jamais sortie de Suède. Ses parents, eux, étaient allés à Majorque une ou deux fois, quand elle était petite, mais pas elle. Et maintenant, elle n'avait pas de passeport.

Après un quart d'heure de silence, au moins, il se tourna vers elle.

- Je vais aller voir sur l'ordinateur de ma mère, à son boulot.

Pas plus compliqué que ça.

- Tu n'as pas le droit.

- Je sais bien, mais je vais le faire quand même.

- Je te l'interdis. Je ne veux pas que tu sois mêlé à cette affaire.

Il pouffa.

- Je le suis déjà, non?

Il était difficile de le nier. Mais si elle avait pu se douter à l'avance de ce qu'il allait entreprendre, ou même de la moitié, elle aurait laissé tomber. À l'âge de Patrik, elle restait toujours muette comme une carpe et écoutait poliment ce que les adultes avaient à dire.

Mais quand on connaissait le résultat...

- Tu peux vraiment le faire sans risque?

- Il suffit que je dise que je vais voir ma mère et ensuite de demander à l'attendre dans son bureau.

- Mais tu m'as dit qu'elle était en stage.

- Ils le savent pas, à la réception.

- Mais s'ils le savaient?

Il commençait à se lasser d'un pareil manque d'enthousiasme.

- Je trouverai un autre moyen, alors.

Il était trop fort pour elle. Comment faire?

- Et s'ils te surprennent?

- C'est pas possible.

- J'ai dit si...

Il ne semblait pas avoir l'intention de répondre à cela. Il se tapa sur les cuisses et se leva.

- On y va?

- Où ça?

Il eut l'air de se demander pourquoi il fallait tout lui expliquer deux fois.

- Là où bosse ma mère!

Elle le regarda en silence. Il était ou bien son ange gardien ou bien celui qui allait la précipiter dans le gouffre. Mais ce genre de chose, on ne le savait qu'après coup.

- T'as pas d'objection à ce que je ne t'accompagne pas pour cette tentative d'effraction dans un local de police?

Il eut un petit sourire.

- Où est-ce qu'on se retrouve?

Elle ne l'entendit pas arriver. Elle l'attendait, assise sur un banc, sur le quai de l'Hôtel-de-Ville. Lorsque l'aiguille des minutes de l'horloge du clocher de l'église de Riddarholm eut fait un tour complet sur elle-même, elle avait commencé à songer sérieusement à partir.

Mais elle était restée.

Une demi-heure plus tard, une feuille de papier se mit à danser juste devant son nez.

Il était arrivé sans faire de bruit et, quand elle se retourna, elle vit la fierté luire dans ses yeux, derrière ses lunettes cerclées de métal.

Elle prit la feuille et se mit à lire. Le premier nom était celui de Jörgen Grundberg. Il était suivi de trois autres. Un homme et deux femmes. Quatre inconnus que la police l'accusait d'avoir tués.

- La liste des victimes. Avec leur adresse et leur numéro national d'identification.

Il se pencha par-dessus son épaule.

- Apparemment, celle de cette nuit vivait à Stocksund. C'est à Stockholm, ça, hein?

Elle opina. Son alibi ne valait donc plus grand-chose. Elle aurait parfaitement pu y aller et en revenir pendant que Patrik dormait du sommeil du juste dans le grenier de l'école. Elle le regarda. Il ne semblait pas s'être fait cette réflexion. Pas encore. Il était tout à son exploit.

Elle baissa la feuille de papier et regarda Riddarfjärden. L'eau étincelait sous les rayons du soleil. Quelques canards passèrent devant eux en flottant sur l'eau.

- Bon. Qu'est-ce que tu crois qu'il faut qu'on fasse, maintenant?

Il plongea la main dans sa poche et en tira une nouvelle liasse de papiers.

- J'ai imprimé ce que j'ai trouvé.

- Personne ne t'a vu?

- Non. J'ai pas pu me mettre à l'ordinateur de ma mère, mais celui de Kenta était branché, dans le bureau d'à côté. J'ai profité qu'il allait aux chiottes.

Sibylla secoua la tête.

- T'es vraiment dingue, tu sais.

- Il est resté longtemps, ajouta-t-il avec un sourire en coin. Je crois que ni lui ni ma mère ne s'occupent de cette enquête. J'ai seulement trouvé des renseignements d'ordre général, sur son courrier électronique.

Il déplia les feuilles de papier et lui montra la première.

- Regarde ça. C'est le genre de trucs que l'assassin laisse derrière lui sur le lieu du crime.

La photo en noir et blanc représentait un crucifix. La croix était en bois de couleur sombre et le Christ avait l'air d'être en argent ou en un métal quelconque. Les mesures étaient clairement indiquées, à côté, en millimètres.

Elle tendit la main vers la feuille suivante.

C'était aussi une photo en noir et blanc. Elle montrait un mur recouvert d'une tapisserie à fleurs. En bas se trouvait un lit défait portant de grosses taches sombres. Et puis il y avait ce texte, rédigé en grosses lettres, au-dessus.

Malheur à qui prive l'innocent de son droit. Sibylla.

Elle le regarda et il lui tendit rapidement la dernière feuille. C'était la photo d'une paire de gants en plastique transparent. NUTEX 8, était-il marqué à côté.

- Ils en utilisent des comme ça dans les hôpitaux.

Elle hocha la tête. Cela ne devait pas être difficile.

- C'est tout ce que j'ai eu le temps de prendre. Mais, au moins, on a les noms.

- Qu'est-ce que tu veux qu'on en fasse?

Il se tourna de façon à pointer les genoux vers elle. Il chercha un peu ses mots mais finit par dire:

- Tu sais ce que je pense.

Non, je n'en ai pas la moindre idée.

- Je crois que tu as renoncé. Comme si, en fait, tu attendais que cette affaire se résolve d'elle-même. Comme si tu te foutais pas mal de ce que ça va donner.

- Et puis alors? C'est tellement étonnant?

- Quand je dis des trucs comme ça, mon vieux me dit qu'il faut pas passer son temps à s'apitoyer sur soi. Qu'il faut faire quelque chose pour se sortir de la merde.

Il a drôlement bien réussi son coup, ton père.

- Hier, tu m'as dis qu'on s'intéressait pas aux SDF et aux autres du même genre, que vous n'aviez aucune chance et tout le reste. Mais, quand tu en as une, de chance, tu la prends pas.

Il commençait à s'exciter. Elle le regarda avec un intérêt nouveau. Elle ne parvenait pas encore à savoir si elle avait été insultée ou éclairée, mais il était certain qu'il avait raison.

- Bon, dit-elle en se levant. Qu'est-ce qu'il faut que je fasse, maintenant, chef?