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- Tiens.

Il avait eu le temps de noter la date des séjours de Sören Strömberg à l'hôpital et de ses opérations. Elle sauta certaines expressions et abréviations incompréhensibles, mais, soudain, elle buta sur un mot qu'elle avait déjà rencontré quelque part. Sandimmum Neoral.

Quelqu'un l'avait prononcé devant elle peu auparavant. À moins qu'elle ne l'ait lu quelque part? Patrik observa sa réaction.

- Qu'est-ce qu'il y a?

Elle secoua la tête, pensive.

- Je ne sais pas.

Elle montra du doigt la feuille de papier.

- Ça, là: Sandimmum Neoral, cinquante milligrammes. Je ne sais pas pourquoi, mais ça me dit quelque chose.

Patrik regarda le mot.

- On dirait que c'est un médicament. Contre quoi?

- Aucune idée.

- La mère d'un de mes copains est médecin. Je peux lui demander.

Bien sûr. Va demander à sa mère pourquoi on prend du Sandimmum Neoral. Les garçons de quinze ans font ça tous les jours.

Elle lui sourit. Elle aurait voulu prendre sa main mais n'osa pas.

- Patrik.

- Mmouais.

- Merci de ton aide.

Il eut l'air un peu gêné.

- Bah, j'ai encore rien fait.

Son sourire se fit plus large.

- Oh si. Tu as déjà fait beaucoup.

Elle passa la nuit suivante dans le grenier de l'immeuble de Patrik. C'est lui qui l'y introduisit et elle déroula son tapis de sol dans un compartiment inutilisé.

Elle eut du mal à dormir. Patrik était monté lui apporter des tartines à la suédoise, ce n'était donc pas dû à la faim. Plutôt au fait qu'elle avait l'esprit encombré de tout ce qu'elle venait de vivre en si peu de temps. Diverses images et scènes défilèrent derrière ses paupières et elle ne trouva le sommeil qu'au bout de quelques heures.

Dès qu'elle ouvrit les yeux, le dimanche matin, elle sut pourquoi elle connaissait le Sandimmum Neoral. Son cerveau avait fait le tri dans ses souvenirs, pendant son sommeil.

Jörgen Grundberg.

C'était le nom qui était inscrit sur la tablette de médicaments qu'il avait sortie de sa poche à la fin du repas, au Grand Hôtel.

Elle en fut si excitée qu'elle se mit sur son séant.

Étrange coïncidence! Deux des victimes de l'assassin prenaient le même remède.

Elle fut aussitôt parfaitement réveillée et ne put s'empêcher de se lever. Elle gagna le couloir pour aller regarder par la lucarne. Il faisait jour et elle se demanda quelle heure il était. Dans combien de temps Patrik viendrait-il?

Elle dut attendre plusieurs heures.

Pendant ce temps, elle prit conscience d'un changement inattendu. Le désir de persévérer, qu'elle avait cru s'évanouir en elle, était revenu. Elle était à nouveau bien décidée à ne pas abandonner.

Lorsqu'elle entendit enfin la lourde porte de métal s'ouvrir et Patrik lui dire que c'était lui qui arrivait, elle ne put attendre une seconde pour lui annoncer sa découverte.

- Jörgen Grundberg prenait du Sandimmum Neoral, lui aussi.

- Ah bon? T'es sûre?

Il lui tendit un gros sandwich à deux étages et une bière. Mais elle n'avait pas l'esprit à cela.

- Oui. J'en suis sûre. Ça ne peut pas être une simple coïncidence.

- Moi, j'ai parlé avec la mère de mon copain.

- Déjà? Quelle heure est-il?

Il regarda sa montre.

- Onze heures dix. Je l'ai réveillée, avec mon coup de téléphone. Mais je lui ai dit que j'avais un dossier à faire - et c'est vrai, en un certain sens, hein? ajouta-t-il en ricanant. J'ai d'abord cherché un peu sur le Net, mais j'ai pas réussi à comprendre à quoi ça servait.

- Qu'est-ce qu'elle t'a dit, alors?

Il tira une feuille de papier pliée de sa poche-revolver.

- Elle m'a dit que c'est un immunodépresseur. Les gens qui ont subi une greffe prennent ça pour que l'organe transplanté ne soit pas rejeté par leur corps.

Il la regarda d'un air de triomphe et replia le papier.

- Une greffe? Tu veux dire quand on vous opère pour vous mettre un nouveau cœur ou autre chose?

- Oui. Elle m'a dit qu'on pouvait remplacer tout un tas de parties du corps de cette façon-là.

Sibylla s'assit sur son tapis de sol.

Jörgen Grundberg souffrait des reins. Sa veuve le lui avait dit, au cours de la désagréable conversation qu'elles avaient eue. Sören Strömberg, lui, avait un cancer du foie. Tous deux prenaient un immunodépresseur. Lena Grundberg avait dit que son mari avait subi une grave opération environ un an auparavant. Et, la veille, Gunvor Strömberg avait mentionné la même chose à propos du sien, dans son petit paradis.

Ce ne pouvait être une simple coïncidence.

- Tu penses la même chose que moi? demanda Patrik.

Sibylla hocha la tête.

- Je crois, oui. Mais il faudrait peut-être vérifier sur un autre, pour être sûr. Montre-moi ta liste.

- Elle est en bas, dans ma veste.

Quand il revint, il avait apporté le téléphone portable de son père. Il lui tendit la liste et elle parcourut à nouveau ces noms qui lui étaient désormais familiers.

- Bon. Tu veux appeler Bollnäs ou Stocksund?

En l'entendant poser cette question, elle se dit que son idée n'était peut-être pas si bonne que cela, après tout. Elle aurait préféré que ce soit lui qui appelle. Mais cela revenait à lui confier la conduite des opérations, une fois de plus, et elle s'y refusait. Il l'avait remise sur ses pieds et elle lui en était profondément reconnaissante, mais maintenant elle n'avait plus l'intention de se laisser manœuvrer.

- J'appelle Stocksund.

- Bon. J'ai trouvé le numéro dans l'annuaire.

Il l'aida à composer le numéro. La sonnerie retentit mais personne ne répondit. Elle avait le cœur qui battait. Patrik la dévisageait. Cela aurait été plus facile si elle avait été seule: elle n'avait pas l'habitude de mentir en public.

- Mårten Samuelsson.

Elle fut surprise d'entendre soudain la voix au bout du fil. Elle avait déjà perdu l'espoir d'obtenir une réponse. Elle vérifia sur sa liste.

- Je vous prie de m'excuser de vous déranger. Vous êtes bien le mari de Sofie Samuelsson?

Elle ferma les yeux. C'était pitoyable, comme entrée en matière. Il ne pouvait pas être le mari de Sofie Samuelsson. Plus maintenant.

- À qui ai-je l'honneur de parler?

Elle regarda autour d'elle comme si elle pouvait trouver une bonne réponse à cette question.

- C'est...

Elle regarda Patrik.

- La police, lui souffla-t-il.

- ...de la part de la police.

Pas de réponse.

- Nous aimerions savoir si votre femme a subi une greffe, récemment?

- Mais je vous l'ai déjà dit.

Elle fit un signe de tête en direction de Patrik qui leva les yeux au ciel.

- Quand cela? poursuivit-elle, reprenant courage.

- La première fois que vous êtes venus.

- Non, je veux dire: quand a-t-elle été opérée?

- Il y a treize mois, maintenant.

Sibylla hocha la tête.

- Vous souvenez-vous de la date exacte?

- Oh oui, je ne l'oublierai jamais. C'était le 15 mars. Pourquoi me demandez-vous cela?

- Eh bien, merci.

Elle tendit l'appareil à Patrik, qui appuya sur un bouton.

- La prochaine fois, je crois qu'il faudra que tu ailles droit au fait, soupira-t-il.

- Appelle toi-même, si tu es si malin. Quand est-ce que Sören Strömberg a été opéré?

Patrik fouilla dans ses papiers et parcourut ses notes.

- Il l'a été plusieurs fois.

- Est-ce que tu as trouvé quelque chose en date du 15 mars?

Il poursuivit sa lecture.

- Oui: le 15 mars 98, greffe du foie.

Elle enregistra la réponse d'un hochement de tête. Patrik ferma le poing et le brandit en l'air.

- Youpi! Ça y est!

Sibylla avait elle aussi un sentiment de victoire, même si elle l'avait déjà dépassé. À quoi étaient-ils parvenus, en fait? Ils avaient appris que toutes les victimes avaient sans doute subi une greffe. Mais qu'est-ce que cela signifiait? Pourquoi assassiner quatre personnes déjà gravement malades?