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Elle retourna à son fauteuil et ne tarda pas à revenir avec le tas de papiers dont elle avait pris connaissance. Elle tourna quelques pages avant de trouver celle qu'elle cherchait.

- C'est marqué dans ce document du ministère des Affaires sociales. Informations sur les dons d'organes.

Elle se mit à lire:

- Question: des personnes étrangères peuvent-elles avoir accès aux informations contenues dans ce fichier? Réponse: c'est un délit, pour toute personne étrangère, de se procurer les informations qu'il contient. Nous avons pris des mesures pour assurer cette confidentialité. Seul un petit nombre de personnes ont le droit de le consulter. L'autorisation est accordée à titre strictement personnel et ne peut être déléguée.

Elle jeta la feuille de papier par-dessus son épaule.

- La question est réglée.

Il la regarda un instant.

- Ça vaudrait cher, de savoir ce qu'il y a dans ce fichier?

- Très cher.

- Combien? Plusieurs milliers de balles?

Elle hésita un instant. Plusieurs milliers, en effet. La moitié de la valeur d'une chambre à coucher.

- Pourquoi ça?

- Je connais un type qui serait capable d'y jeter un coup d'œil. Mais il sait bien se faire payer, aussi.

- Comment le connais-tu?

- Je le connais pas personnellement. Mais son petit frangin est à l'école, ici. Il est vachement connu depuis que l'autre a fait de la taule pour délit informatique.

Cela l'inquiéta. Elle avait beau désirer se procurer ces renseignements, elle ne voulait pas voir Patrik mêlé à des activités illégales.

- Quel âge a-t-il?

Il haussa les épaules.

- Je sais pas. Vingt balais ou quelque chose comme ça.

Elle réfléchit un instant. C'était leur seule chance de progresser. Puisqu'ils étaient au moins arrivés là.

Elle poussa un soupir.

- Bon. Je lui donne trois mille s'il peut nous donner le nom.

Elle avait décidé d'y aller elle-même. C'était son problème, à elle, et elle ne voulait pas en causer à Patrik. En revanche, il avait réussi à obtenir satisfaction pour elle, grâce au téléphone portable de son père et sans révéler son nom. Mais elle avait dû accepter d'aller jusqu'à quatre mille.

Elle posa la main sur sa poitrine et sentit que la bosse de la pochette était déjà nettement moins proéminente.

Mais elle n'avait pas le choix, n'est-ce pas?

Patrik lui demanda pourquoi elle prenait son sac à dos et elle lui dit la vérité. Elle ne s'en séparait que pour le déposer à la consigne de la gare centrale.

Avec un reçu ou une clé comme garantie.

L'homme habitait Kocksgatan et ce n'était donc qu'à deux ou trois minutes à pied. Patrik s'arrêta devant une entrée et appuya sur le bouton de l'interphone. La serrure se mit à grésiller avant même qu'il ait lâché le bouton.

- Tu m'attends ici?

Il hocha la tête, toujours très déçu qu'elle ne veuille pas qu'il l'accompagne.

- Ça vaut mieux, je t'assure, Patrik.

La porte d'entrée se referma derrière elle et elle monta l'escalier. Une porte s'ouvrit au deuxième étage et un jeune homme aux cheveux blonds peignés en arrière apparut.

Sibylla s'arrêta.

Ils se regardèrent sans rien dire mais, après une ou deux secondes d'hésitation, il ouvrit la porte en grand pour lui permettre d'entrer. Il portait un T-shirt blanc et la main qui tenait toujours la poignée de la porte se trouvait au bout d'un bras bien musclé sur lequel on voyait nettement les vaisseaux sanguins.

À la prison, il avait dû consacrer ses loisirs à faire de la musculation.

Il ferma la porte derrière elle et la précéda. Quand il passa près d'elle, elle vit qu'il avait en fait une queue-de-cheval et que ses cheveux lui retombaient dans le dos.

L'appartement était un simple studio. Le coin cuisine était rempli de vaisselle sale au point qu'on pouvait se demander s'il lui arrivait jamais de la faire. Dans un coin, une série d'haltères étaient posés sur un support, juste à côté d'une guitare électrique de couleur jaune et d'un ampli. Le mur de la fenêtre était entièrement masqué par des ordinateurs et du matériel électronique qu'elle ne connaissait pas mais dont elle supposait qu'il était nécessaire à tous les hackers dignes de ce nom. Sur deux des écrans défilaient des lettres et des chiffres et elle fit un pas en avant pour mieux voir de quoi il s'agissait.

Il vint se placer devant elle.

- C'est fini tout de suite. Si on procédait au paiement, en attendant?

Elle avait préparé la somme, dans sa poche.

- Oui, bien sûr.

Elle lui donna les billets et il les prit sans même les compter.

- Assieds-toi une seconde.

Il lui montra un tabouret, à l'entrée du hall, et elle alla s'asseoir, gardant son sac à dos sur elle mais l'appuyant contre le mur.

De là où elle se trouvait, elle ne pouvait plus le voir, mais, en se penchant légèrement, elle constata qu'il était assis devant l'un des ordinateurs. Elle entendait le petit bruit que faisaient ses doigts en courant sur le clavier à une vitesse ahurissante et elle se demanda comment d'aussi grosses mains que les siennes étaient capables d'effectuer un pareil travail de précision.

- Tu as de la chance, lui dit-il sans détourner le regard de l'ordinateur. Y a quelqu'un qui vient de se connecter et je n'ai eu qu'à me glisser derrière lui.

Il cessa d'écrire et elle se redressa sur son siège. Elle ne voulait pas être surprise en train de l'espionner.

Elle se demanda s'il reconnaissait les noms pour les avoir lus dans le journal. Celui de Jörgen Grundberg, au moins, avait été cité abondamment. Presque aussi souvent que le sien.

Quand elle entendit qu'il se levait, elle fit de même et il vint vers elle, une feuille de papier de format A4 à la main.

- Voilà.

Elle prit la feuille sans le lâcher du regard.

- Tu es certain que c'est la bonne personne? Il sourit devant la bêtise d'une telle question.

- Oui, eut-il l'indulgence de dire. En tout cas, je suis sûr que ce sont ses organes qui ont été transplantés sur ceux dont on m'a donné les noms au téléphone.

Elle inclina la tête de côté.

- Ils ont tous mal fini, d'ailleurs, hein? Assassinés par cette Sibylla.

Elle ne répondit pas et son sourire s'élargit.

- On se tient par la barbichette, n'est-ce pas?

Elle glissa le papier dans sa poche. Il ne pouvait rien contre elle, dans sa situation, et elle n'eut donc pas peur. S'il lui prenait l'idée de la dénoncer, elle ferait de même et ils le savaient tous les deux.

Elle le regarda. Beaucoup de muscles, mais pas mal de cervelle, aussi.

Elle fit quelques pas en direction de la porte, mais elle se ravisa au dernier moment.

- Il ne t'est jamais venu à l'idée de prendre un vrai boulot? Ce ne sont pas les capacités qui te font défaut, on dirait.

Il s'était appuyé au chambranle de la porte et avait croisé ses bras musclés sur sa poitrine.

- Non, dit-il avec un sourire en coin. Et toi?

Sur ces mots, elle sortit.

Thomas Sandberg.

C'était tout ce qui était marqué sur la feuille qu'elle tendit à Patrik, une fois dans la rue. Il lut ce nom à plusieurs reprises, comme s'il y avait toute une histoire, sur ce papier, et pas seulement quatorze lettres.

- Il t'a pas donné d'adresse?

- Non.

Il avait l'air déçu. Elle vit sur son visage qu'il estimait qu'elle n'en avait pas eu pour son argent.

- T'as une idée du nombre de Thomas Sandberg qu'il peut y avoir, en Suède?

Elle haussa les épaules.

- Aucune. Mais on sait au moins qu'il y en a un de moins, maintenant. Allez, viens.

Elle fit quelques pas. Elle était certaine que ce qu'elle voulait faire était justifié mais elle s'inquiétait de la distance que cela ne manquerait pas de creuser entre eux. Peut-être serait-ce plus facile si elle évitait de le regarder dans les yeux.