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- Dans la poche droite.

Elle se redressa et se tourna vers lui. Ils se regardèrent un bref instant, puis elle lui planta violemment la lime à ongles dans le visage.

Elle n'eut pas le temps de voir où le coup avait porté. Pendant qu'il couvrait son visage de ses mains, elle pivota sur ses talons et partit en courant. La forêt commençait de l'autre côté de la petite clôture en bois et, malgré la douleur, elle l'enjamba sans ralentir.

Elle ne se retourna pas. Cette fois non plus, il ne cria pas.

Des branches la frappèrent au visage, au passage, mais rien ne put la ralentir. La pénombre n'était pas encore assez avancée pour qu'elle puisse se contenter de s'arrêter et de se dissimuler derrière un arbre. Il fallait qu'elle s'éloignât le plus possible avant qu'il ne se lançât sur ses traces.

Elle n'aurait pas su dire pendant combien de temps elle avait couru, en trébuchant sur des pierres et en s'éclaboussant jusqu'aux cuisses dans les flaques d'eau. À bout de forces, elle tomba la tête la première sur quelque chose qu'elle ne parvint pas à identifier, dans l'obscurité, et resta allongée sur le ventre. Ses poumons la brûlaient, sous l'effort. À intervalles réguliers, elle réfréna son haleine pour tenter de discerner des bruits.

Mais elle n'entendit rien d'autre que le vent dans les arbres et ses halètements constituaient presque un vacarme, en comparaison.

Elle resta longtemps dans cette position. Sans bouger, mais aux aguets.

À quel point avait-elle réussi à lui faire mal?

Elle n'était pas encore sauvée.

Soudain, elle entendit sa voix. Assez distante, mais parfaitement distincte, dans l'obscurité.

- Sibylla... Tu ne nous échapperas pas... Dieu voit tout, tu le sais bien...

La peur, à nouveau.

Et la lune qui sortait soudain de derrière les nuages et l'éclairait, telle une lampe céleste.

Juste devant elle se trouvait un sapin dont les branches traînaient jusque sur le sol. Elle se glissa prestement dans cette obscurité propice.

- Sibylla... Où es-tu?

La voix était beaucoup plus proche, maintenant. Et sa respiration oppressée risquait de la trahir.

Elle finit par l'apercevoir. Comme guidé par un fil invisible, il venait droit vers sa cachette.

- Je sais que tu es là, tout près.

Elle pouvait maintenant distinguer son visage. Il ruisselait de sang et le blanc de l'un de ses yeux, écarquillé, luisait dans la pénombre.

Plus que dix mètres.

Et soudain, le noir complet.

En un instant, la lune avait disparu derrière un nuage providentiel et l'avait sauvée. Elle l'entendit pousser un cri et comprit qu'il avait trébuché et s'était rattrapé avec sa main blessée.

Bien fait pour toi, espèce de salaud!

Elle sentit qu'elle souriait et que la disparition de la lune lui avait rendu l'espoir. Elle n'était plus condamnée. Pendant un moment, il avait réussi à lui faire croire qu'elle l'était.

- Tu n'as pas la moindre chance... Tôt ou tard, nous te retrouverons.

Sa voix s'éloignait.

Elle était momentanément sauvée.

Peut-être dormit-elle, à certains moments, elle n'aurait su le dire. L'obscurité était si compacte que cela ne faisait aucune différence qu'elle ait les yeux ouverts ou non. Lorsque les premiers contours commencèrent à se dessiner, à l'aube, elle sortit de sa cachette à quatre pattes pour tenter de trouver une route.

Elle n'avait pas l'intention de revenir sur ses pas, mais jusqu'où la forêt s'étendait-elle, dans l'autre sens? Elle décida donc de partir à angle droit par rapport à la direction qu'elle avait suivie jusqu'alors. De la sorte, elle devrait pouvoir parvenir à une route, mais assez loin de chez lui.

Elle grelottait de froid. Maintenant qu'elle avait l'esprit plus libre, la douleur revenait. Chaque pas lui causait une brûlure dans la cage thoracique.

L'aube se levait rapidement. La forêt se faisait moins dense, également. À cet endroit, il n'y avait plus que des pins, sans végétation à leur pied. Il fallait qu'elle trouve rapidement une route, sinon il risquait de la voir de loin.

Elle entendit une branche craquer, quelque part. Elle s'immobilisa pour tenter de localiser le bruit. Puis survint un autre bruit. Mais dans une autre direction.

C'est alors qu'elle les vit.

- À plat ventre! s'écria l'un d'eux.

Il était en uniforme et braquait sur elle un pistolet qu'il tenait à deux mains.

Si elle n'avait pas eu aussi peur, elle aurait été contente de leur arrivée. Elle n'aurait jamais cru qu'elle serait aussi heureuse de voir un uniforme de police.

Elle s'exécuta. Lentement, pour ne pas trop raviver la douleur, elle s'allongea, face contre terre. Puis elle tourna la tête et leva les yeux. Elle vit alors quatre policiers en armes qui approchaient d'elle, la tenant toujours en joue.

- Je ne sais pas où...

- Ta gueule! s'écria l'un d'eux. Ne bouge surtout pas!

Tout se mit alors en place en un instant, dans son esprit.

L'un d'entre eux lui plaqua le visage contre la mousse et elle sentit des mains qui tâtaient son corps, du haut en bas.

- Saleté d'assassin, siffla quelqu'un.

Elle comprit qu'il l'avait à nouveau prise de vitesse.

Elle obéit à leurs ordres. Pendant tout le trajet de retour jusqu'à Vimmerby, elle ne souffla mot.

En sortant de la voiture elle fut aveuglée par un flash et, quand elle put y voir à nouveau, elle eut le temps d'apercevoir un homme assez jeune tenant une énorme caméra devant lui.

- Pourquoi t'as fait ça? lui lança quelqu'un, avant que quelqu'un d'autre ne la pousse dans l'entrée du poste de police. La pièce grouillait de gens, en uniforme et en civil, qui suivaient ses moindres mouvements avec une expression de dégoût sur le visage.

- Par ici!

L'homme qui était resté assis à côté d'elle, sur le siège arrière de la voiture, la précéda et la foule s'écarta légèrement sur son passage. Quelqu'un la poussa dans le dos et sa côte cassée lui arracha une grimace de douleur. Une porte s'ouvrit devant elle et elle entra.

- Assieds-toi.

Elle tira la chaise vers elle, avec ses mains menottées, et s'assit. Deux autres hommes entrèrent et vinrent s'asseoir de chaque côté d'elle.

- Roger Larsson, se présenta l'un d'eux.

Son collègue pressa sur la touche d'enregistrement d'un magnétophone et hocha la tête, après s'être assuré que l'appareil fonctionnait bien.

- 3 avril 1999, 8 h 45, interrogatoire de Sibylla Forsenström. Sont présents, outre la prévenue, l'officier de police Mats Lundell et le commissaire Roger Larsson.

Il se redressa.

- Tu es bien Sibylla Forsenström?

Elle acquiesça de la tête.

- Je te prie de répondre à haute et intelligible voix à nos questions.

- Oui!

- Peux-tu nous dire ce que tu fais à Vimmerby!

Elle regarda la bobine du magnétophone qui tournait. Ils l'observaient, pleins d'expectative. On frappa discrètement à la porte et une femme entra avec un papier à la main. Elle le remit à l'homme qui s'appelait Roger, qui le lut rapidement et le posa ensuite, à l'envers, sur la table. Puis il leva à nouveau les yeux vers elle.

- Ce n'est pas moi qui ai fait ça, dit-elle.

- Quoi donc?

La question la prit de court. Elle était fatiguée, elle avait faim et du mal à se concentrer. Et elle venait de les mettre elle-même sur la piste.

- C'est Ingmar qui les a tués.

Les deux hommes se regardèrent, de l'autre côté de la table. Elle eut l'impression qu'ils masquaient un sourire.

- Tu veux dire Ingmar Eriksson, le gardien de l'hôpital de Vimmerby? Il s'est présenté au service des urgences, hier soir, avec la main droite écrasée et un œil crevé par une lime à ongles. C'est bien lui que tu veux dire?